Extrait d’une interview publiée sur Atlantico qui demande à Paul-François Paoli et Emmanuel Dupuy leur analyse et leur décryptage sur les perspectives de réunir les électorats de la droite populaire (RN) avec la droite conservatrice (LR) :
Paul-François Paoli : Que Marine le Pen ne puisse gagner seule semble relever de l’évidence à moins qu’un évènement, par exemple une menace de guerre, surgisse qui fasse basculer l’opinion. Par ailleurs ses arguments sécuritaires et régaliens récoltent une forte approbation très au delà de son parti. Je pense qu’elle souffre d’un déficit de crédibilité qui a trait à sa personne. Même quand on lui donne raison sur tel ou tel sujet on doute de sa capacité à diriger ce pays qui de toute façon est devenu ingouvernable.
Il ne suffit pas d’avoir raison sur tel ou tel sujet, l’immigration ou l’insécurité, il faut encore avoir la légitimité qui vous permet d’opérer une rupture dans le désordre ambiant sans créer les risques d’une guerre civile. On sait bien que si elle accède au pouvoir les institutions vont se braquer contre tout ce qu’elle entreprendra. Depuis les enseignants aux juges en passant par les grands médias. C’est pourquoi une alliance est nécessaire car par définition qui dit alliance dit compromis.Une alliance cela rassure. Souvenez vous des débats sur l’Etat RPR ou l’Etat UDR quand les gaullistes étaient tout puissants. Ils étaient constamment accusés de mettre en cause la démocratie.
Cette alliance est t-elle possible avec LR ? En l’état actuel des choses surement pas et ce moins pour des raisons sociologiques que psychologiques à mon sens. Les élus de LR sont des notables qui ne peuvent faire le pas d’une alliance avec un parti qui est maudit par les grands médias. Alors qu’en réalité quand vous discutez avec les électeurs vous vous rendez compte que les inquiétudes liées à l’islam, à l’immigration ou à l’insécurité sont celles d’une majorité de Français (…)
Je ne vois personne qui puisse faire le lien entre les diverses forces conservatrices pour leur donner une consistance politique crédible.
Nous n’avons pas de tradition conservatrice comme en Angleterre c’est une des causes de notre malheur. La gauche est défaite aussi bien politiquement qu’intellectuellement (…). Mais en face d’elle la droite est atone (…)La droite c’est avant tout la liberté de penser et de dire ce que l’on veut. Si on ne peut plus dire ce qui vous traverse l’esprit c’est très grave! (…)
Nous avons besoin d’une personne assez forte et charismatique pour délivrer la France du terrorisme idéologique et moral de gens qui sont devenus très minoritaires dans l’opinion mais restent très puissants dans les institutions. En attendant Marion Maréchal a raison, il faut travailler au niveau des idées et s’emparer du pouvoir culturel.
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Emmanuel Dupuy : On observe depuis plusieurs années, une porosité idéologique sur une partie des thèmes régaliens et notamment sur tout ce qui est sécurité, autorité. Il y a des points de convergence très forts entre les deux électorats mais dans le même temps il y a une opposition assez nette quand on arrive sur les sujets économiques et sociaux entre l’électorat RN et LR. Tout ce qui est lié à l’Europe est intéressant aussi à ce propos. Une fraction de l’électorat LR peut se rapprocher du RN et une autre qui est complètement à l’opposé (…)
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Paul-François Paoli : Sur les questions régaliennes il ne me semble pas voir de fossé infranchissable entre Thierry Mariani qui a rejoint le RN et Eric Ciotti qui reste à LR. Sur les questions sociétales quand j’entends Xavier Bellamy fustiger une post modernité inculte, vulgaire et consumériste je ne vois pas en quoi il se distingue au juste du discours néo conservateur de Marion Maréchal. En réalité les barrières sont surtout symboliques. La France est un pays très conformiste où le quand dira t’on médiatique est parfois plus important que les convictions (…)
La fin de l’analyse semble moins pertinente ou montre la difficulté à trouver une personne pour incarner cette alliance. D’un côté, il y a Marion Maréchal mais ce n’est visiblement pas son heure. De l’autre, il y a la sempiternelle hypothèse du général de Villiers qui n’en est pas une puisque ce n’est pas du tout dans ses intentions…
Le mirage ou mythe du général sauveur de la France est tenace mais manque complètement de crédibilité. Le général de Villiers est un militaire, un serviteur de l’Etat et non un homme politique. Le général De Gaulle a toujours été davantage un homme politique et carriériste, qu’un militaire…même sous l’uniforme.