Depuis l'âge romantique, le personnage de Louis XIII est malmené tant dans l'historiographie que dans la littérature en général. Pourtant, ces quinze dernières années, l'ancien roi de France est l'objet d'une réhabilitation indirecte. On pense notamment à l'excellent livre de Françoise Hildesheimer consacré au cardinal de Richelieu (Flammarion). Cependant, jusqu'à présent, aucune biographie consacrée au fils d'Henri IV et père de Louis XIV avait fait le point sur cette réhabilitation.
Avec son Louis XIII paru chez Perrin, Jean-Christian Petitfils comble heureusement cette absence. Petit-fils ne fait pas partie du sérail universitaire. Il n'empêche, son travail minutieux, précis et admirablement bien documenté n'en est pas moins solide. Il est aussi soutenu par une écriture d'une limpidité extrême, rendant la lecture des quelque 860 pages très agréable. Dès les premières lignes, l'auteur décrit ce jeune Dauphin, parfaitement imprégné de la tâche qui lui incombe et des devoirs qu'elle induit. Marqué par une maladie intestinale tout au long de sa vie, il tirera de ses faiblesses une volonté extraordinaire incarnée par la fameuse journée du 24 avril 1617 alors qu'il n'a pas dix-sept ans et qu'il s'empare du pouvoir personnel contre sa mère Marie de Médicis et le ministre italien Concini. L'intérêt aussi du livre est de replacer la réalité des rapports de pouvoir entre Richelieu et le roi l'un ne va pas sans l'autre écrit Petitfils. Le génie ne peut exister sans la volonté. Certes, le cardinal était supérieur à son maître, mais retirer à ce dernier les mérites de la décision serait une erreur en cette période complexe d'affermissement de l'Etat, de guerres, d'intrigues et de renouveau religieux. L'un et l'autre apparaissent surtout comme des précurseurs dont l'action va réellement bénéficier au fils, Louis Dieudonné, futur Louis XIV : « Ingratitude du destin ! Louis XIII et Richelieu ont semé, mais rien récolté, sinon troubles et misères. Ils sont morts au milieu du gué, avant d'avoir atteint leurs objectifs, en matière de politique étrangère comme en politique intérieure. De la couronne de gloire, Louis n'aura vu que les épines, et, à quelques heures près, sur son lit d'agonisant, il ne lui sera même pas donné d'apprendre la victoire décisive de Rocroi ! ». Petitfils décrit aussi un personnage attachant, profondément humain, possédant une foi chevillée au corps, résistant aux tentations auxquelles il pourrait céder si facilement du fait de sa position : « Il est vrai que je suis roi et que par là je puis me flatter de réussir si je le voulais mais plus je suis roi et en état de me faire écouter, plus je dois penser que Dieu me le défend, qu'il ne m'a fait roi que pour lui obéir, en donner l'exemple, et le faire obéir par tous ceux qu'il m'a soumis ». L'exemplarité se révèle encore dans les derniers jours de son règne. D'une lucidité sans faille, il souhaite corriger les injustices commises dans son entourage, se réconciliant avec son frère, faisant revenir les cendres de sa mère à Saint-Denis. Il meurt dans les bras de Monsieur Vincent, en prononçant le mot de « Jésus ». Petitfils nous offre un portrait saisissant et profond qui occupera une place de choix auprès de la biographie de Louis XIV et de Louis XVI, du même auteur.
Jean-Christian Petitfils, Louis XIII, Perrin, 970 pages, 28 €.
monde&vie 3 novembre 2008 n°802