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Le macronisme est une grande entreprise de domestication

Le macronisme est une grande entreprise de domestication

M. Véran, ministre perpétuellement énervé, a tenté de justifier son annonce de la fermeture des cafés et des restaurants de la métropole marseillaise faite le 24 septembre et sans concertation aucune  par une « étude » aux USA qui aurait démontré qu’aller dans un bar ou un restaurant multipliait par quatre le risque d’attraper le COVID (M.Castex, le même jour, parlait d’un risque multiplié par trois ce qui démontre tout le professionnalisme de ce gouvernement).

Une étude aux USA ? Le Figarodans un article du 25 septembre, essayait de décortiquer un article effectivement paru aux Etats-Unis le 11 septembre (pour une étude réalisée en juillet) et qui donc aurait bien pu être l’élément déclencheur cité allusivement par M.VéranCet article essaie avec bonne volonté d’interpréter les résultats graphiques de l’étude américaine (tout en confondant l’axe des abscisses et celui des ordonnées…).

En ordonnées donc, les activités auxquelles ont participé dans les 15 jours ayant précédé leur test de diagnostic les 314 personnes interrogées (et qui pour 50% d’entre eux à peu près étaient négatifs et 50% étaient positifs) :

  • achats en magasins,
  • rassemblements de moins de 10 personnes dans la sphère privée,
  • déplacement dans un restaurant,
  • présence dans un bureau,
  • déplacement dans un salon de coiffure,
  • rassemblements de plus de 10 personnes dans la sphère privée,
  • déplacements dans une salle de sport,
  • utilisation des transports en commun
  • déplacements dans un bar ou un café,
  • présence à un office religieux.

En abscisse, un ratio de risque d’attraper le COVID associé à la pratique de ces activités.

Comme le reconnaît avec humilité l’article français (retenez votre souffle) :

« Il n’est pas évident à comprendre… Il faut comprendre de façon générale que celui qui est testé positif au Covid-19 a X [chiffre des ordonnées] chances de plus d’avoir participé à telle activité [représentée en abscisse] durant les 14 jours précédant son test par rapport à celui qui a été testé négatif . On pourrait penser intuitivement que cela ne signifie pas pour autant que si vous avez participé à telle activité, alors vous aurez X chances de plus d’être testé positif au Covid-19. En réalité, si ! C’est ce qu’explique sur Twitter l’épidémiologiste Eric Feigl-Ding, chercheur au sein de la FAS (Federation of American Scientists) : «Une bizarrerie avec [cette méthode statistique] est la réversibilité de l’interprétation. Ainsi, si les adultes positifs ont deux fois plus de chances de manger au restaurant, alors cela signifie aussi : ‘manger au restaurant donne deux fois plus de chances d’être COVID positif’». La barre verticale en pointillé représente la valeur «1», autrement dit : il n’y a pas de différence notable d’activités entre les testés positifs et les testés négatifs. Ce qui signifie donc aussi : vous n’aurez pas plus de chance d’attraper le Covid si vous faites ceci ou non.

Par ailleurs, pourquoi y a-t-il des barres horizontales ? Elles représentent le «rapport de chance» ou «rapport des cotes» («odds ratio», d’où le AoR pour «adjusted odds ratio», NDLR) entre deux variables. La variable de départ, connue, est la positivité au Covid-19. La variable de résultat, recherchée, est la liste des différentes activités. Le point représente la valeur de ce rapport de chance, mais il existe une marge d’erreur représentée par le trait. On parle d’«intervalle de confiance», ici de 95%. Pour qu’il soit bien de 95%, il faut considérer que le «rapport de chance», certes fixé en un point précis, peut néanmoins varier selon un intervalle fixé par la longueur de la barre horizontale. Une précision méthodologique de taille : dès lors que la barre comprend la valeur «1», il est considéré que le rapport de chance n’a pas de valeur significative.

Dernière précision, avant d’analyser les résultats : l’étude américaine porte en fait sur deux populations. D’où le fait que, pour chaque activité, il y a deux valeurs du «rapport de chance», l’une en bleu foncé, l’autre en bleu clair. Celle en bleu foncé porte sur l’ensemble de la population des 314 personnes. Celle en bleu clair porte sur un échantillon de celle-ci, en l’espèce les personnes qui n’ont pas été en contact proche avec une personne positive au Covid-19.

On peut désormais lire les résultats. En tenant compte primo du principe de réversibilité mentionné ci-dessus et secundo du fait que si la barre horizontale comprend la valeur «1», alors le résultat n’est pas significatif, on peut en conclure que seules les combinaisons suivantes sont valides :

– Si vous êtes allés régulièrement au restaurant au cours des 14 derniers jours, vous aurez 2,4 fois plus de chances d’être contaminé, cette valeur pouvant en réalité varier de 1,5 à 3,8 dans 95% des cas ;
– Si vous êtes allés régulièrement au restaurant au cours des 14 derniers jours et que, par ailleurs, vous n’avez été en contact avec aucun cas de Covidvous aurez 2,8 fois plus de chances d’être contaminé, cette valeur pouvant en réalité varier de 1,9 à 4,3 dans 95% des cas ;
– Si vous êtes allés régulièrement dans un bar ou un café au cours des 14 derniers jours et que, par ailleurs, vous n’avez été en contact avec aucun cas de Covidvous aurez 3,9 fois plus de chances d’être contaminé, cette valeur pouvant en réalité varier de 1,5 à 10,1 dans 95% des cas ».

Essayons de reprendre quelques éléments :

  • Qu’appelle-t-on « aller régulièrement» ? On ne sait pas
  • Comment expliquer la variabilité du risque pour les restaurants ou plus encore pour les cafés (de 1 à 10) ? Quels sont les écarts-types (la dispersion ou l’homogénéité des résultats) ? On ne sait pas.
  • On ne connaît pas non plus les protocoles sanitaires observés dans ces établissements (on le rappelle : issus de différents états des Etats-Unis, où les règles au demeurant ne sont pas homogènes) par rapport aux protocoles existant en France.
  • Par ailleurs, l’étude ne distingue pas, parmi les restaurants, bars et cafés, deux situations tout à fait différentes : s’agissait-il de lieux ouverts (les terrasses) ou fermés (en intérieur) ? »
  • L’auteur de l’article du Figaro insiste en plus sur le fait que les auteurs de l’étude eux-mêmes « appellent néanmoins à prendre ces résultats avec précaution pour tout un tas de raisons méthodologiques que l’on peut résumer simplement en disant que les 314 personnes de l’étude ne sont pas forcément universellement représentatives. Elles «pourraient ne pas être représentatives de la population des États-Unis», écrivent-ils ainsi» A fortiori, on peut le penser, de la population française.

Bref, pour un Véran (qui le 22 septembre venait d’affirmer à l’Assemblée Nationale « La stratégie du Gouvernement, monsieur Habib, n’a pas changé : des mesures différenciées, territoire par territoire, concertées localement »), rien que du solide.

Seuls les mauvais esprits pourraient s’étonner du fait que le ministre ne cite pas d’étude française. Après tout, dans les chiffres publiés chaque jour par Santé publique France (une des sources du légitime orgueil du système sanitaire français, certainement) figure le nombre de « Clusters en cours d’investigation ». Au 26 septembre, ils étaient 1183.

Un article du JDD du 27 septembre essaie aussi de comprendre la décision et d’expliquer « Pourquoi on peut se contaminer dans les bars et les restaurants ». Il cite le même article américain, mais rapporte aussi que des clusters en France ont été signalés soit après une soirée dansante dans un bar de Quiberon, soit après des soirées d’intégration étudiante à Rennes (donc des activités non-usuelles du plus grand nombre de bars et restaurants). Et d’ajouter :

« Mais les chiffres globaux ont fait défaut. Dans son bulletin épidémiologique hebdomadaire, Santé publique France classait ces clusters dans la catégorie “entreprises privées ou publiques”. Ce qui n’aidait pas à la compréhension de la situation. Désormais, l’agence de santé se montre plus précise, évoquant 50 clusters liés à la restauration depuis le déconfinement, soit 20% du total dans le secteur des entreprises. Un chiffre sans doute sous-estimé en raison de la difficulté à tracer les contacts dans des lieux où les personnes ne se connaissent pas ».

50 clusters sur un total certainement  supérieur aux 1183 (en effet, on ignore la durée des investigations, et donc le nombre total de clusters qui ont été investigués depuis la fin du déconfinement) ! Les âmes positives pourront même remarquer qu’on a évité la nouvelle fermeture des églises…

Rien d’étonnement finalement à cette absence d’étude française : le même site Santé publique France donne la liste de « Nos enquêtes en population et milieu professionnel ». Rien n’est cité concernant une éventuelle enquête sur les clusters :

Le 27 septembre, M.Véran, ministre de la Santé (mais pour combien de temps encore ?) expliquait au « Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI » : « Je ne me projette pas dans deux mois pour faire des plans sur la comète. Je me projette au jour le jour avec mes batteries de chiffres ». Et, concernant un possible ­ralentissement de l’épidémie dans les Bouches-du-Rhône, il reconnaissait que la courbe « frémissait en termes d’incidence… Tant mieux si le virus commence à refluer, mais il est trop tôt pour considérer que c’est stable. Cela ne baisse pas assez vite ». Le 27 septembre, c’était juste avant la mise en œuvre des décisions concernant la fermeture des bars et restaurants (retardée au dimanche soir). Il reconnaissait donc que cela baissait déjà !

On le sait maintenant, grâce à Mme Maracineanu, ministre déléguée aux Sports :

« les décisions aujourd’hui ne sont pas prises en fonction d’une réalité qui serait celle de la circulation du virus parce qu’on ne sait pas comment le virus se transmet, clairement aujourd’hui. Les décisions qui ont été prises, c’est pour dire qu’il faut continuer à être discipliné comme vous l’êtes dans votre vie personnelle et de loisir »

(P.S. : pour suivre l’actualité sur la pandémie, nous vous recommandons chaudement la consultation du compte https://twitter.com/biobiobiobior/).

https://www.lesalonbeige.fr/le-macronisme-est-une-grande-entreprise-de-domestication/

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