Les États-Unis seraient donc plus endettés que les pays européens ?
Si vous prenez la dette fédérale des États-Unis (16 000 milliards de dollars), vous arrivez à un ratio dette/PIB d'un peu plus de 100%, qui est à peu près du même niveau dans la zone euro. La différence, c'est la dette non provisionnée, c'est-à-dire tous les engagements futurs du gouvernement américains vis-à-vis des bénéficiaires des rentes de pension, santé et sécurité sociale (Medicare et Medicaid). Ces trois éléments additionnés font de la dette américaine un gouffre sans fond. On passe de 16 000 milliards à une dette - en réalité un déficit fiscal - extrêmement élevée de… 200 000 milliards de dollars. Ce sont les engagements futurs que le gouvernement fédéral doit à tous ses retraités. Même s'il s'agit d'un chiffre théorique, on voit bien que l'Amérique est déjà techniquement en faillite.
Pour revenir à la dette « officielle » des États-Unis (16 000 milliards), il faut ajouter les 70 000 milliards de dollars de garanties implicites accordés par le gouvernement américain aux agences hypothécaires nationales Freddy Mac et Fanny Mae, mais aussi la dette des entreprises (15000 milliards de dollars) et la dette des ménages (20000 milliards de dollars). En réalité, les États-Unis ont une dette qui atteint 300 % de leur PIB. En comparaison, les dettes européennes (États, ménages et entreprises) culminent à 200 %. Sur tous les chiffres d'endettement spécifiques (déficit budgétaire, déficit commercial, balance courante, balance des investissements, etc.), l'Europe globalement possède de meilleurs chiffres. Il est vrai que dans le détail, les petits pays de la zone euro sont moins dépendants d'un gouvernement central que le sont certains États américains défaillants comme la Californie ou l'Arizona, qui eux peuvent se reposer sur une aide centralisée du gouvernement fédéral. Les investisseurs estiment donc que la structure politique de l'Europe est plus vulnérable. L'Europe n'a pas d'unité fiscale, politique et budgétaire qui lui permettrait de contrôler les budgets de ces pays périphériques. C'est tout de même un argument fallacieux. Que fait le gouvernement fédéral pour sauver ces milliers de villes, d'États et de comtés en faillite ? Il recourt à la planche à billets et dévalue le dollar On assiste aujourd'hui à cette incongruité le dollar reste encore plus faible que l'euro. La parité eurodollar n'est jamais venue. Malgré les pires attaques de l'histoire de l'euro, la monnaie européenne est restée autour de 1,30 dollar parce que le dollar est notoirement dévalué. C'est ça, l'envers du décor
Vous n'hésitez pas à faire un parallèle entre les mensonges grecs et américains en matière de statistiques.
Je vous encourage à aller sur le site internet <shadows-tats.com>, qui analyse et recalcule les statistiques américaines avec les méthodes en cours dans les années 1980, qui étaient beaucoup plus honnêtes que celles d'aujourd'hui. Plus aucun chiffre ne tient les taux d'inflation et de chômage sont sous-estimées, et le PIB surestimé de 30%. Pour les indices boursiers, le Dow Jones par exemple, qui aurait gagné 30% en dollars, a en réalité perdu 90% si on exprime son évolution en or. Oui, la bourse augmente en dollar dévalué !
Pourtant, l'Amérique parvient à se financer, notamment grâce à l'appétit international en dollars ?
La catastrophe va se produire. Elle est programmée. Pourquoi ? Le monopole du dollar sur les matières premières est en train de prendre fin. Le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du sud concluent entre eux de plus en plus de contrats dans leurs monnaies respectives. Or ces pays sont les principaux exportateurs de matières premières. La banque centrale de Chine a réellement cessé d'acheter au même rythme qu'auparavant les bons du Trésor américain, en réorientant ses exportations vers le continent asiatique. Au plus fort des attaques contre l'euro, la Chine et l'Asie ont fait clairement le choix de l'euro contre les hedge funds américain. Plusieurs fonds souverains, y compris du Golfe, ont pris une voie de diversification de leurs actifs. Le monde est en train de se faire en dehors du dollar. Le consommateur américain, qui est très grippé en ce moment, n'est plus une locomotive économique mondiale. C'est un mythe déjà ancien. Il est même le moins susceptible d'honorer ce rôle. Il est surendetté, pris à la gorge. Souvenez-vous de ces statistiques aberrantes qu'on a tous lues : 1 Américain sur 3 possède 7 cartes de crédit 46 millions d'Américains vont à la soupe populaire; 15% de la population est sorti du circuit de la consommation et de l'épargne. La réalité, c'est que la Réserve fédérale est devenu le principal acheteur de nouvelles dettes américaine émises. Le Trésor américain émet de la dette et la réserve fédérale l'achète derrière et imprime les billets de banque que le Trésor va utiliser pour émettre sa dette. C'est une grande lessiveuse, un système qui ne peut pas tenir. Le jour où les taux d'intérêts sur les bons du Trésor vont monter, il y aura un risque de crise grave de la Réserve fédérale elle-même. Combien de temps cette institution pourra-t-elle camoufler la baisse de la demande en bons du Trésor américain et administrer comme elle le fait le marché de la dette souveraine américaine pour maintenir des taux extrêmement bas ? Elle a eu recours ces derniers mois à des assouplissements monétaires, une opération twist qui visait à faire baisser les taux à 10 et 30 ans. C'est une administration tout à fait interventionniste. Du jamais vu dans un système qui se prétend libéral. L'économie américaine est aujourd'hui une économie administrée et assistée, qui manipule la valeur de sa dette obligataire, et ce faisant bouscule le marché mondial de la dette. Il y a danger pour tous les détenteurs d'obligations occidentales qui ne comprennent pas cette fraude.
Myret Zaki, La fin du dollar. Comment le billet vert est devenu la plus grande bulle spéculative de l'histoire, Favre, 2011
* Patrick Péhèle dirige les Chroniques de la Vieille Europe (www.vieilleeurope.fr), sur Radio Courtoisie. Paris et Ile-de-France, 95,6 Caen, 100,6 Chartres, 104,5 /Cherbourg, 87,8/ Le Havre 101,1/ Le Mans, 98,8. www.radiocourtoisie.fr
éléments N°145 octobre-décembre 2012