« L’Éducation nationale est un système cogéré par un pouvoir transitoire, celui du gouvernement, et un pouvoir permanent, celui des gros syndicats. », écrivait en février 2010 le journaliste François d'Orcival dans Valeurs actuelles. Ce n'est plus un secret pour personne, le service public de l’Éducation nationale est devenu un monstre ingérable, un « mammouth » à dégraisser de toute urgence. Mais pour atteindre cet objectif, encore faudrait-il parvenir à libérer l’école de l'emprise et de l'influence des syndicats.
Leur rôle naturel, et même indispensable, de défense des intérêts professionnels de leurs mandants pourrait alors être réaffirmé, en lieu et place de celui qui consiste à gérer le système éducatif français. Comment expliquer ce phénomène particulièrement révélateur de l’état de blocage de notre pays ? Les syndicats siègent dans les très nombreuses commissions qui s'interposent entre les enseignants et le ministre de l’Éducation. Ils ont donc le pouvoir de freiner, voire bloquer toutes les réformes qui leur déplaisent. On parle alors de « cogestion » du système scolaire entre la bureaucratie et les syndicats. Avec un avantage décisif pour ces derniers par rapport aux politiques : les ministres passent et les syndicats restent…
Un chiffre suffit à montrer leur force un tiers des professeurs sont syndiqués, quand la moyenne française ne dépasse pas les 5 %. La forte implication des organisations syndicales dans le parcours des enseignants - surtout dans les collèges et lycées - explique en partie leur succès : les professeurs « encartés » savent que leur demande sera traitée prioritairement par les militants professionnels qui siègent dans les commissions paritaires. De nombreux enseignants ne se sentent pourtant pas en phase avec le discours des dirigeants de leur syndicat. Phénomène récent, les jeunes profs sont de plus en plus attirés par des structures indépendantes qui apparaissent à l’occasion de certains mouvements de revendication.
Subventions publiques et mainmise idéologique
Un autre facteur de la puissance des syndicats tient à la faiblesse coupable dont font preuve à leur égard les représentants de l’État et des collectivités locales, qui les arrosent de subventions publiques tandis que par le biais des décharges syndicales notamment, le ministère de l’Éducation nationale met gracieusement du personnel à leur disposition. Sur les 32 000 professeurs qui ne font pas cours, des milliers sont payés - par le contribuable - pour travailler dans les syndicats d'enseignants ou dans leurs associations satellites - elles aussi généreusement subventionnées. Les chiffres exacts sont impossibles à connaître. On parle toutefois de 7800 professeurs bénéficiant de suppressions totales ou partielles de service pour être mis à la disposition des syndicats. Un rapport évoque même le cas de professeurs attachés à certaines organisations de façon « non- statutaire », c'est-à-dire en marge de la loi.
SUD-Education prétend pourtant se passer de personnel mis à disposition par l’Éducation nationale. Mais derrière la critique de façade du système des décharges syndicales, ses statuts prévoient textuellement d’accepter lesdites décharges jusqu'à l'équivalent d'un mi-temps - ce qui couvre 97 % des cas, les décharges de service totales ne concernant en effet qu'une infime proportion des syndicalistes de l’Éducation nationale.
Enfin, à l’exception notable du SNALC (Syndicat national des lycées et collèges), les syndicats d'enseignants majoritaires ne font pas mystère de leur accointance avec la vision du monde « socialo-communiste » qu'il s’agisse de la FSU (Fédération Syndicale Unitaire), qui détient la première place, non seulement dans l'Education nationale, mais aussi dans l’ensemble de la fonction publique de l’État; de l'UNSA (Union nationale des syndicats autonomes, ex-FEN), qui, réputée proche du parti socialiste, se classe en deuxième position parmi les organisations les plus représentatives ou encore du SGEN-CFDT (Syndicats généraux de l’Éducation nationale et de SUD.
Michel Bonnefoux monde&vie 15 mai 2010 n° 827