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Francis Sorin : « Le nucléaire répond aux grands problèmes auxquels l'humanité se trouve aujourd'hui confrontée »

Francis Sorin est directeur du pôle information de la Société française d'énergie nucléaire (SFEN) et auteur d'un livre intitulé « Le Nucléaire et la planète ».

M&V : Peut-il se produire le même type d'accident en France qu'à Fukushima ?

Francis Sorin : Personnellement, je ne le pense pas. Nous n'avons pas le même type de réacteurs. En France, les centrales sont équipées de réacteur à eau pressurisée, munis de deux circuits. À Fukushima, il s'agit de réacteurs à eau bouillante, qui n'ont qu'un seul circuit, ce qui engendre une pollution radioactive de l'eau.

Par ailleurs, les enceintes de confinement des réacteurs français à eau sous pression sont plus épaisses et solides. En troisième lieu, dans les centrales françaises, des recombineurs d'hydrogène sont installés à l'intérieur des enceintes de confinement : la baisse du niveau d'eau à l'intérieur d'un réacteur provoque une production d'hydrogène et de vapeur d'eau, et la pression s’accumule. Ces recombineurs transforment l'hydrogène en eau, ce qui permet de faire baisser la pression et d'éviter qu'une explosion ne se produise, comme à Fukushima. Enfin, nos enceintes de confinement sont équipées de filtres à sable, qui nous permettent d'ouvrir l'enceinte pour soulager la pression : la vapeur part à travers le filtre, qui piège les radioéléments. Tous ces éléments permettent de supposer que dans une séquence accidentelle, nos réacteurs pourraient mieux se comporter que les japonais. Je reste cependant prudent, car il existe toujours des risques. Contrairement à une légende, les acteurs du secteur nucléaire n’ont jamais prétendu qu'il fallait écarter toute possibilité qu'un accident grave se produise. Nous pensons toutefois que c'est improbable et que le respect de consignes rigoureuses permet de limiter ce risque.

M&V : De quels types de risques pourrait-il s'agir en France ?

FS. Une fusion partielle du cœur d'un réacteur pourrait par exemple se produire. Mais cela n'aurait pas de conséquences à l'extérieur de la centrale.

M&V : Est-il exact qu'en cas d'accident nucléaire, certains territoires pourraient devenir inhabitables ?

F. S. Oui. Ainsi, au Japon, une zone de 20 kilomètres autour de la centrale ne sera pas réhabilitée tout de suite. Cette zone d'exclusion ne durera pas pendant des siècles, mais un certain temps si les niveaux de contamination sont importants. Les mesures qui seront adoptées dépendront également du niveau de contamination : l'exclusion pourra concerner les habitants, ou les denrées alimentaires, par exemple. Il existe aussi des moyens de faire baisser la radioactivité, par exemple en enlevant la terre sur 20 centimètres. Ce type d'intervention est réalisable, même sur de grandes surfaces.

M&V : Sans parler d'accident, les déchets nucléaires, qui restent radioactif sur de très longues durées, ne posent-ils pas un problème ?

FS. Il existe cinq types de déchets et toutes les solutions pour les gérer dans de bonnes conditions. Il est facile de les confiner. c'est une énorme contrainte et cela demande une très grande rigueur, mais cela ne nous pose pas de problème. Le seul danger vient des réacteurs, comme on l'a vu à Three mile Island, à Tchernobyl ou aujourd'hui à Fukushima.

M&V : Quels sont les principaux avantages que présente, à vos yeux, l’énergie nucléaire ?

F.S. Elle répond aux deux grands problèmes auxquels l'humanité se trouve aujourd'hui confrontée d'une part, la raréfaction et l'épuisement, prévisible à quelques décennies, de notre plus grande source d'énergie, à savoir tes énergies fossiles : charbon, pétrole et gaz naturel. Et d'autre part, l'accroissement de la population de la terre : en 2050, on compterai milliards d'hommes sur la planète. Nous allons devoir produire une énorme quantité d'énergie pour relever ce défi, même si nous, pays riches, l'économisons de plus en plus.

Le nucléaire pallie cette absence prochaine de combustible fossile. Il permettra à ces 9 milliards d'êtres humains, habitant en majorité des pays pauvres, d'accéder décemment à l'énergie et de faire face à l'accroissement démographique.

Autre avantage, contrairement aux combustibles fossiles l'énergie nucléaire ne dégage pas de gaz carbonique et ne contribue donc pas à l'effet de serre et au réchauffement climatique.

Enfin, d'un point de vue économique, les centrales coûtent cher à construire, mais au fil du temps elles produisent l'électricité à des prix raisonnables. La matière première, l'uranium, n'entre qu'à hauteur de 10 % dans les coûts de production, au lieu de 70 % pour le pétrole ou le charbon.

M&V : Ne risque-t-on pas d'être un jour confronté à une pénurie d'uranium, de la même manière qu'aujourd'hui à une pénurie de combustibles fossiles ?

F.S. Il existe 16 millions de tonnes d'uranium dans le monde, ce qui, au rythme actuel de production, représente entre 220 et 240 ans de réserves; moins bien sûr si le rythme de production s'accroît. Nous en avons pour 80 à 100 ans, rien qu'avec celles qui sont actuellement exploitées.

Propos recueillis par Hervé Bizien monde&vie 2 avril 2011 n° 641

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