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La postmodernité, nouveau cadre du Système ? 3/4

États-Unis, puissance postmoderne de tutelle

Comme on l'a vu lors des émeutes interraciales de Ferguson, les États-Unis, puissance postmoderne de tutelle, est elle-même confrontée à des replis et des lignes de fractures raciales et communautaristes que la postmodernité croyait avoir proscrits, grâce aux bienfaits pacificateurs du marché et de la société de consommation. Il serait loisible de vérifier la pertinence de la thèse postmoderne de l'écroulement des systèmes de pensée modernes dans le cadre de l'outillage conceptuel contemporain des relations internationales. Si l'on parle volontiers, parfois trop aisément, de l'archaïsme du fait national, de la fin du modèle moderne de l’État-nation, le débat postmoderne sur le pouvoir politique porte toujours sur la capacité d'exercer la souveraineté, la capacité d'exercer une action sur la scène internationale.

À ce titre, il est intéressant de se référer à la théorie élaborée par Robert Cooper, selon qui il existe aujourd'hui dans les relations internationales trois grands types d'États(3). D'abord, l'État pré-moderne (Afghanistan, Libéria, Somalie), qui renvoie à des États fragiles, instables et chaotiques, n'ayant pas la capacité d'exercer le monopole de la violence légitime, telle qu'elle a été définie par Max Weber. Le deuxième type d'État est l'État moderne, catégorie qui se réfère à des États qui, très attachés à la notion d'État-nation et à la souveraineté nationale (Cooper cite la Chine), peuvent prétendre encore détenir le monopole de la violence légitime. La troisième catégorie concerne l'État postmoderne, soit les vieux États occidentaux ayant globalement rejeté l'usage de la force pour régler leurs différends, et dont la sécurité repose en grande partie sur la transparence de leur politique étrangère, sur l'interdépendance des économies et sur un système de surveillances réciproques. Cette classification très en vogue dans les milieux universitaires et diplomatiques, semble cependant souffrir de lacunes. Par raccourci, l'on pourrait penser qu'à ces trois types d'États correspondent trois systèmes de pensée dominants pré-moderne, moderne et postmoderne. On pourrait aussi penser naïvement que la raison d'État de Machiavel dans les États post-modernes a cédé la place à une conscience morale appliquée aux relations internationales. La dynamique de l'histoire contredit le caractère étanche et réducteur de toute classification théorique.

En effet, l'actualité quotidienne démontre que les États-Unis en tant que puissance postmoderne sur le plan rhétorique et symbolique, sont la puissance géopolitique la plus unilatéraliste et la plus belliqueuse, par rapport à d'autres États occidentaux classés « modernes » qui, même en ayant une grande tradition étatique, semblent renoncer à la force et à l'accession au statut de puissance. La création de la Cour pénale internationale (CPI) n'a pas empêché de voir se commettre les pires atrocités dans des États modernes de l'Europe de l'Est, sous les auspices bienveillants de puissances postmodernes moralisatrices. Il faut aussi remarquer que certains États postmodernes comme l'Autriche, le Canada, l'Australie ou la Belgique privilégient la diplomatie morale. D'autre part, sur les ruines de certains régimes (baassistes) arabes laïques et modernes, naissent aujourd'hui des entités pré-modernes ethno-confessionnelles anarchiques et transnationales, qui concluent des alliances avec des États post-modernes impérialistes (alliance entre les islamistes wahhabites et les USA).

Et si le postmodernisme était lui aussi une idéologie, une grande narration à la fois constructiviste et eschatologique ? La promesse de la société du bien-être, de la société d'abondance en tant que salut et but de l'existence, constitue en soi la structure narrative de la nouvelle idéologie dominante du marché.

Philosophe et urbaniste autodidacte, disciple de Deleuze, Paul Virilio démontre depuis quarante ans que notre monde épris de technologie est fils de la vitesse.

À suivre

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