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Pourquoi le strabisme islamophile des chrétiens ? (texte de 2012)

Comment les Occidentaux voient-ils l'islam ? Un récent ouvrage du père Gallez aborde cette importante question.

Il y a plusieurs livres dans le dernier ouvrage du Père Edouard Marie Gallez sur Le Malentendu islamochrétien. Il y a une vision de l'histoire : il faut cela pour comprendre l'islam du point de vue de l'Evangile. Il y a une longue mise au point sur l'islamologie et les islamologues. Il y a enfin quelques pistes à l'attention des théologiens catholiques d'aujourd'hui.

La principale force de l'islam n'est pas dans la religion elle-même, mais dans la manière dont cette religion s'impose aux autres, et en l'occurrence aux Occidentaux depuis les origines. D’où vient son étrange pouvoir de séduction ? D'où vient la fascination qu'il a exercé sur Raymond Lulle, sur Nicolas de Cues ou, plus près de nous, sur Louis Massignon ?

Depuis les années 1960, un dialogue islamo-chrétien s'est mis en place. Mais, comme le remarque le Père Gallez, « il ne peut se targuer d'aucun fruit, à moins de s'arrogé les tiens que crée une fréquentation locale, due à la proximité et à la bonne volonté des gens ». Non seulement les musulmans n'évoluent guère au fil du dialogue, mais on leur fait concession sur concession. Finalement le seul «fruit » de cette entreprise, c'est que, comme l'écrit Hamza Boubakeur dans son Traité de théologie islamique, « l'Europe qui était hostile à l'islam se penche avec un intérêt des plus vif sur son message. Des prêtres et des religieuses s'islamisent, à l'instar des intellectuels, des ouvriers et des jeunes. »

Hamza Boubakeur est certainement un peu « optimiste » de son point de vue, mais il a raison de souligner, en particulier, que ce sont des intellectuels qui, dans les années 1970, ont été séduits par l'islam, pour de mauvaises raisons, abandonnant peu ou prou le vieux christianisme. La figure emblématique de cette islamophilie chrétienne est Louis Massignon, orientaliste, professeur au Collège de France. C'est lui qui illustra toute sa vie l'idée que l'islam est la troisième religion « abrahamique » et que, du point de vue des mystiques (il était spécialiste d'Al Hallaj), le Monothéisme forme un tout, dont la prédication évangélique ne constituerait au fond qu'une partie.

Edouard Marie Gallez n’hésite pas à aller au fond des choses. Pour lui, l'idée de l'islam religion abrahamique est « un mythe ». « Les Arabes, écrit-il, n'ont jamais prétendu être des fils d’Ismaël [dans la Bible Ismaël est le frère d'Isaac, né de l'esclave Agar et non de Sara femme d'Abraham] du moins pas avant que l'islam - ou le mouvement qui est devenu l'islam - ne les en convainque. René Dagorn l'a bien montré. Au demeurant cette idée ne vient pas de la Bible. Celle-ci ne présente jamais les fils d'Ismaël comme des Arabes et les situe non en Arabie, mais un peu au sud de l'Euphrate. »

Pour le Père Gallez, cette représentation de l'islam comme « religion abrahamique » détenant une partie de la Révélation, est à l'origine de la faiblesse des Occidentaux depuis le Moyen âge.

Une déformation intentionnelle de la vérité chrétienne

Il faut repenser la place de l'islam et le repenser en perspective historique, le repenser dans l'histoire. Le Père Gallez, depuis ses recherches extrêmement fouillées sur Le Messie et son prophète, est convaincu que, loin de pouvoir revendiquer pour lui une partie de la Révélation divine, l'islam doit se concevoir, ainsi d'ailleurs que le pensent depuis toujours les chrétiens orientaux, comme une hérésie chrétienne, déformant et humanisant la matrice de la Révélation divine. On prend couramment et sans examen l'islam pour une religion abrahamique. Il faut plutôt le considérer historiquement, et dans l’économie du salut, comme un post-christianisme, comme une déformation intentionnelle de la vérité chrétienne.

Reprenant le schéma idéologique des « religions séculières » (marxistes, fascistes et autres) qui ont fait florès au XIXe siècle, le Père Gallez tente de montrer que l'islam est, lui aussi une idéologie. Il cite le sociologue Jules Monnerot voyant dans le communisme « l'islam du XXe siècle »; et on serait tenté, à le lire, de renverser la perspective de Monnerot et de faire de l'islam - qui sait ? - « le communisme du XXI siècle ».

Il démontre aussi que le laïcisme participe de cette matrice idéologique post-chrétienne. Raison pour laquelle il s'accordera spontanément avec l'islam : « l'allahicité » n'est pas un fantasme. Idéologiquement, comme nous l'écrivions dans le dernier numéro de Monde et vie, la bataille se déroule entre le christianisme et les idées chrétiennes devenues folles. Le diagnostic se précise. Le Père Gallez n'est pas le seul à le poser. Mais, depuis René Girard, il apparaît que l'histoire est le véritable champ de bataille où s'affrontent, pour l’avenir, les deux seules forces demeurées en présence : celle du christianisme et celles du post-christianisme, qu'il soit islamique, marxiste ou laïc.

La place manque pour définir ce post-christianisme, qui peut faire un peu « attrape-tout » si l'on en reste à la superficie du propos. Disons qu'à travers la négation (arienne) de la divinité du Christ, on fait du christianisme une entreprise humaine. On « temporalise le Royaume de Dieu » comme disait Maritain. On s'imagine (le Christ étant un homme comme les autres) que son Royaume aussi est de ce monde, que l'Absolu est dans ce monde, que la Lumière va advenir dans l'histoire.

La mondialisotion heureuse d'Alain Mine et des libéraux d'aujourd'hui...

Pour nous, chrétiens, le Christ Lumière est venu à un moment de l'histoire et nous nous en éloignons. Il nous faut simplement chercher à rester fidèle à son message. Pour les ariens négateurs de la divinité du Christ, le royaume du Christ, purement humain, est un royaume qui advient dans l'avenir. C'est l’Oumma pour laquelle combattent les musulmans; c'est la société sans classe des marxistes : c'est la mondialisation heureuse d'Alain Minc et des libéraux d'aujourd'hui… Dans les cénacles mondialisés, on tente de faire converger ces différents projets antichrétiens, qui ont tous la même structure et qui font tous la même confusion entre le Temps et l'Absolu.

Edouard Marie Gallez, Le Malentendu islamochrétien, éd. Salvator, 2012,224 pp.

Abbé G. de Tanoüarn monde&vie 4 décembre 2012 n°868

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