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Les rigidités qui tuent l'emploi (texte de 2013)

« Le chômage taraude la société française » soulignait Louis Gallois sur Europe 1 ce 21 avril. Au-delà de ce constat et des drames personnels que cachent les statistiques, le phénomène appelle explications.

François Hollande martelait en septembre qu'il allait « inverser la courbe du chômage d'ici un an ». Le record des 3,195 millions de chômeurs, établi en 1997, pourrait être battu en mars et ce sont près de 5 millions de Français qui sont actuellement en activité réduite ou au chômage complet. Le mal est profond depuis la fin des années soixante-dix. Au delà des facteurs conjoncturels, une des sources majeures du chômage en France réside dans les rigidités et blocages administratifs qui détruisent l'emploi… à coups de mesures, aides, taxes en faveur de l'emploi.

De l'aveu même du président de la République, une petite entreprise doit envoyer 3000 informations par an à l'administration. On estime généralement qu'un patron de PME passe au moins un tiers de son temps en formalités administratives. Cet impôt papier, que ne viendra pas vraiment réduire le « choc de simplification », empêche les PME de se consacrer à leur activité principale, générer de l'activité, donc de l'emploi.

Pourtant on s'accommoderait presque de cette situation si le niveau de prélèvements obligatoires ne s’élevait à 45 % du PIB, faisant de la France le numéro deux mondial des impôts, avec tous les effets contre-productifs que l'on connaît sur la compétitivité et la rentabilité des créateurs d'emploi potentiels.

Le CDI favorise la précarisation

Concernant la compétitivité, les prélèvements obligatoires ne sont pas seuls en cause. Les auteurs d'une étude du Conseil d'analyse économique publiée ce 24 avril notent que le décalage entre le salaire réel net moyen et la productivité « laisse craindre une dégradation supplémentaire de la situation de l'emploi ».

C'est tout le système d'organisation et de rémunération du travail qui décourage l'emploi.

Premier visé : le SMIC. Son coût artificiellement élevé écarte du marché de l'emploi les travailleurs les moins productifs et qualifiés, dont l'embauche ne serait pas rentable pour l'entreprise. Le Conseil d'orientation pour l'emploi a souligné en 2008 le lien entre hausse du SMIC ou à l'inverse baisse des coûts du travail et chômage. L’augmentation du SMIC augmente la probabilité d'une perte d'emploi pour les salariés rémunérés à ce niveau.

À l'inverse, les baisses de charges octroyées entre 1993 et 1997 ont permis d'enrayer les destructions d'emplois, en particulier dans les entreprises les moins productives. De fait, les emplois les moins qualifiés sont pris en étau entre un SMIC trop élevé et les aides sociales qui peuvent avoir un effet de trappes à inactivité : pourquoi chercher un boulot quand les allocs assurent un revenu quasiment équivalent, que l'on perdrait en cas de retour à l'emploi ?

Même les indemnités chômage contribuent à la dégradation du marché de l'emploi. Une enquête de l'Institut des politiques publiques divulguée le 24 avril montre qu'allonger la durée de l'Assurance chômage ralentit le retour au travail elle conclut en effet à une diminution de 28 % du taux de sortie du chômage lorsque la durée d'indemnisation est de 15 mois au lieu de 7 mois.

L’augmentation et la non-dégressivité des indemnités chômages, pointées dans cette étude, étaient le premier volet d'une tentative de « flexi-sécurité » à la française : assouplir le CDI en échange d'une meilleure indemnisation des chômeurs. Malheureusement, hormis l'instauration de la rupture conventionnelle du contrat de travail, le second volet n'a jamais été mis en place. Le contrat de travail unique, qui faciliterait la vie aussi bien des patrons que des employés (essayez de louer un appart avec un CDD…) est pour le moment encore dans les cartons. Résultat une précarisation accrue des employés. De fait, environ 80 % des nouveaux inscrits au Pôle emploi sortent d'un CDD ou d'un contrat précaire et les chances de passer d'un contrat à durée déterminée à un contrat permanent ont chuté de 45 % entre 1995-1996, à seulement 12,8 % en 2010.

En jeu : la paupérisation de pans entiers de la société.

Il est plus que temps de faire sauter les verrous qui cadenassent le marché de l'emploi.

Stanislas Tarnowski monde&vie 30 avril 2013 n°875

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