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« French Young Leaders », Les petits soldats de l'Amérique (texte de 2015) 2/2

Comme l'indique Charles, « le programme Young Leaders est lancé en 1981. Les États-Unis présidés par Ronald Reagan s'interrogent sur l'arrivée des socialistes au pouvoir. La fondation estime que les relations entre la France et les États-Unis sont en train d'être "diluées" D'où l'idée d'un espace de réunion de personnalités amenées à occuper de hautes fonctions. » Dès l'origine, la FAF dispose de fonds importants avec de très généreux donateurs comme David Rockefeller, l'un des présidents du CFR et le patron de la Commission trilatérale, Franck Carlucci, ancien président du groupe Carlyle (fonds d'investissement colossal où sont présents les Bush), ancien secrétaire adjoint de la CIA, ancien secrétaire d'État à la Défense du président Reagan, John Negro-ponte, directeur du renseignement durant l'ère Bush Junior, ancien président de la FAF américain.

La clé du système d'influence de la FAF est sa capacité à recruter des personnes appelées à occuper de hautes fonctions par la suite et de les former à l'idéologie atlantiste. Depuis 1981, ce sont environ 200 French Young Leaders qui ont été sélectionnés. Idem du côté américain avec des personnalités prometteuses comme le futur président Bill Clinton (1984) ou Hillary Clinton (1983). Dans le cas français, il faut relever les noms d'Alain Juppé (1981), Valérie Pécresse (2002), Arnaud Montebourg (2002), Pierre Moscovici (1996), Alain Mine (1981), Anne Lauvergeon (1996), Emmanuel Macron (2012), Jean-Marie-Colombani (1983), ancien directeur du Monde, Bernard Guetta (1981), inamovible chroniqueur à France Inter, Laurent Joffrin (1994), directeur de Libération, Yves de Kerdrel (2005), directeur de Valeurs actuelles.

[Institut Aspen, la Star Ac’ des politiques]

Le 6 janvier 2015, le dîner de gala annuel de la FAF accueillait plus de 600 invités dont Christine Lagarde, directrice générale du FMI, le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius et l'ambassadeur des États-Unis à Paris Jane Hartley, qui n'a pas jugé utile, en juin 2015, de répondre aux interrogations des députés français quant aux écoutes systématiques des hommes politiques et hommes d'affaires français par la NSA. À cette occasion, Jean-Luc Allavéna, président de la fondation depuis 2010, déclarait (Le Figaro, 6 janvier 2015) : « Dans les relations franco-américaines, il y a bien sûr la colonne vertébrale des rapports directs entre les gouvernements, mais il y a aussi l'inlassable travail des ONG vouées au développement des liens entre les deux pays. La FAF est l'une des plus importantes. » Curiosité, la version américaine du site se félicite que six ministres socialistes du gouvernement soient passés par la FAF, sans parler de François Hollande. Cette mention ne figure nulle part dans la version française... Lors du précédent quinquennat, il était de même indiqué que cinq « fellows » appartenaient au gouvernement de Nicolas Sarkozy, sans que la réciproque soit vraie sur la version française.

Un récent article du magazine du Monde (26 septembre 2014) levait le voile pour la première fois, auprès du grand public, sur la section française de l'Aspen Institute for Humanistic Studies (présenté sous le nom d'Institut Aspen) fondé en 1950, implantée en France depuis 1983 et désormais présentée comme « la Star Ac' des politiques ».

Elle a très longtemps fonctionné sous la houlette d'un entremetteur d'une rare ambition, désormais étrangement passé sous silence, le comte Denis de Kergorlay, président depuis l'année dernière du très chic Cercle Interallié, tout en étant un fervent soutien de Charlie Hebdo. Il a également été coopté au Siècle lorsque ce cercle d'influence hors pair y a pris ses quartiers en 2014, abandonnant les salons de l'Automobile Club de France, place de la Concorde, devenus trop voyants. Apparenté aux maîtres de forges Wendel et neveu d'un ancien ambassadeur de la CEE auprès des États-Unis, ce fils de famille a successivement embrassé la contre-culture hippie (lorsqu'il était étudiant à l'Université de Columbia), l'écologie avec René Dumont, Médecins sans frontières (dont il fut trésorier) de son ami Bernard Kouchner, les milieux barristes, puis mitterrandiens, avant de se reconvertir dans le mondialisme proaméricain (Terre Nova, French Héritage Society, etc.).

Dans la plus grande discrétion, mais dans le plus grand confort, il devait accueillir chaque week-end durant plus de vingt ans dans son château XVIIe de Canisy (Manche), entouré d'un parc de 250 hectares, ce que Globe, l'hebdomadaire de Georges-Marc Benhamou, devait appeler la « nomenklatura politico-journalistico-intellectuelle parisienne ». Umberto Agnelli (Fiat) y frayait avec Jacqueline Grapin (la correspondante du Figaro à Washington), Karen Elliott (éditorialiste du Wall Street Journal) avec Jean-Claude Trichet, Pierre Rosanvallon, le fondateur de la Fondation Saint-Simon (matrice de la « pensée unique ») avec Robert McNamara, secrétaire d'État américain à la Défense, puis président de la Banque mondiale, la chanteuse Joan Baez avec Alexandre Adler, Patrick Poivre d'Arvor et BHL. Avant de tourner casaque, Joseph Macé-Scaron, dans Les Politocrates, Vie, mœurs et coutumes de la classe politique (1993), assurait que l'Institut Aspen fut alors un « haut lieu du fabiusisme. Toute la bande "Laurent" - Henri Weber, Gérard Unger, Pierre Jouven, Charles-Henri Filippi, Maurice Benassayag, Serge Moati - est une habituée du château. »

Par la suite, c'est Raymond Barre, cofondateur de la Commission trilatérale et président durant plus d'une décennie du Forum économique mondial de Davos, qui en prend la présidence, transférant le siège à Lyon en 1994. Bien évidemment, tout lien est nié avec la maison-mère...

Depuis 2006, des séminaires sont organisés pour former les « leaders politiques de demain » (comprendre : ceux qui relaieront les intérêts américains bien compris). Ce qui a plutôt bien réussi pour nombre d'entre eux, le passage par l'IA étant un véritable accélérateur de carrière. Sans se prêter au petit jeu du « name dropping », on citera l'écologiste Cécile Duflot, le républicain Laurent Wauquiez, la socialiste Najat Vallaud-Belkacem. Républicanisme et égalitarisme obligent, la quasi-totalité d'entre eux ne fait pas figurer dans son CV ce passage comme « leader politique de demain ». Appelées « fellows », mot improprement traduit en français par « camarades », les jeunes pousses soigneusement sélectionnées suivent une formation digne d'un MBA : cours, rencontres, contacts, travaux avec les meilleurs experts.

Depuis cette année, Jean-Pierre Jouyet (membre du Siècle), secrétaire général de l'Elysée, ancien patron de la Caisse des dépôts, ancien secrétaire d'État aux Affaires européennes de Nicolas Sarkozy et plus proche ami de François Hollande, préside le conseil de surveillance de l'Institut Aspen (dont il a été secrétaire général), après avoir succédé au banquier Michel Pébereau. Comme l'indique, tout en retenue, Charles, « ce dernier, promoteur de la gouvernance mondiale, est actuellement l'un des patrons les plus influents de France. » On n'en doutait pas un instant.

par Emmanuel Ratier éléments N°157 octobre-décembre 2015

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