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Une guerre contre le Système ? C'est urgent (texte de 2015)

Qu'est-ce que le système ? Ce qui fait que tout se tient et que quel que soit le domaine qu'on aborde, social, religieux, politique, on retrouve le même imbroglio causal. George Orwell avait donné un nom à ce Système : Big brother. C'est lui, le grand frère universel, que nous décrit Laurent Obertone dans son dernier livre.

Laurent Obertone avait, dans La France Orange Mécanique, lancé un gros pavé dans la mare médiatique : un journaliste se permettait de décrire, faits à l'appui, l'état hallucinant de la violence quotidienne, partout en France. « Nul n'est censé ignorer la réalité », proclamait la couverture de l'ouvrage, qui n'avait rien d'un roman et tout d'un document. Cette réalité exposée a été vécue comme une offense et une vilenie par les médias et les politiques. Puisqu'Obertone dénonçait un « vivre-ensemble » foireux, c'était lui qui était accusé de semer le désordre et d'attiser la haine. La mécanique est connue. On aurait pu croire que les atrocités décrites en si grand nombre auraient pu valoir à cette vérité, à cette réalité, un statut d'exception non.

De la violence au silence

Très logiquement, l'auteur revient aujourd'hui avec un autre ouvrage, plus ambitieux, mais qui se veut lui aussi descriptif, documentaire, embrassant désormais dans un seul regard et la violence et le silence, et les élites et le peuple, et la manipulation et la soumission. La France Big Brother creuse le sillon, laboure tout le champ nous sommes manipulés, conditionnés, asservis, dès le plus jeune âge, et depuis longtemps, par un système qui n'a pas de nom, à la dimension du monde.

La force du raisonnement d'Obertone tient à la qualité de son écriture : moitié Société du spectacle à la Debord, moitié Tactique du diable à la Lewis. L'auteur empoigne son lecteur dès la première page : Big Brother écrit à Monsieur Moyen, révélant à l’homo domesticus toute l'étendue de son contrôle. Le livre est une succession de lettres où est passé en revue tout ce qui fait le charme de la France : pouvoir omniprésent et méprisant, administration pléthorique et inefficace, gabegie financière, moralisme suicidaire, mensonges médiatiques, faillite de l'école, démission de l'université, pouvoir de la finance, ordre mondial totalitaire, etc. Obertone ne laisse rien passer, en s'acharnant ajuste titre sur l'incroyable collusion entre les médias censés informer, les intellectuels censés analyser et les politiques censés gouverner, les trois catégories fondues en une seule caste jalouse de ses privilèges. S'il est une évidence, c'est que l'auteur se sent Français et souffre de ce que son pays est devenu, sans parler de ses concitoyens.

Un intime sentiment de réalité

Tout l'aspect factuel, exposé avec une rage froide, dans un style oscillant entre sécheresse et exhortation, emporte l'adhésion, ne serait-ce que par la capacité de synthèse dont il témoigne et la justesse des maux dénoncés. Comme le souligne un des rares critiques du livre, « La pensée d'Obertone rencontre le sentiment "intime" qu’on a du réel. » (Benjamin Berton). Il n'y a pas à proprement parler une thèse ce système qui nous oppresse, ce Big Brother machiavélique et si sûr de son succès qu'il se révèle (en une pirouette : « […] Le problème c'est toi, et toi seul »), ce Parti auquel les élites ont vendu leur âme, tout cela reste un peu flou - mais l'auteur compense l'absence de visage par une accumulation précise de faits : résultats des élections opposés aux commentaires, montants versés aux organismes internationaux, désignation précise des stipendiés du Qatar ou des USA, etc. Des faits qu'il n'hésite pas à aller chercher dans le passé, revisitant au passage la seconde guerre mondiale, évoquant tranquillement l'épuration, Tchernobyl, Timisoara et les armes de destruction massive, bref rassemblant en un seul mouvement tout ce qui est bien propre à nous dégoûter du consensus et de ses thuriféraires, à nous faire perdre confiance, à nous redonner conscience, à nous réveiller. Le livre est un immense patchwork enfiévré, qui révèle peu à peu son dessin en même-temps qu'il décrit ce chaos ordonné dans lequel nous vivons et qu'on nous interdit de remettre en cause - car même le rebelle fait partie du plan.

Hubert Champrun monde & vie 4 février 2015 n°903

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