En octobre, alors que la France entière s'indignait, pour quelques jours, de l'affaire atroce Samuel Paty, le ministre Blanquer dénonçait le phénomène. Il le définissait comme "une idéologie qui, ensuite, de loin en loin, mène au pire".
Stricto sensu il ne s'agit pas seulement de convergences momentanées comme le rapprochement entre le NPA trotskiste et les Frères musulmans lors de la manifestation du 12 décembre. On se trouve hélas en présence d'un complexe de gauche beaucoup plus large, plus diffus, plus durable.
Un spécialiste tel que Gilles Kepel, y voit l'attitude "d'intellectuels tétanisés par la culpabilité postcoloniale". N'est-ce pas restreindre cette impudique convergence au seul lieu géométrique de Saint-Germain-des-Prés, à seulement quelques préciosités de salles de rédaction ? Certes on ne doit pas trouver trop souvent auprès du public des ouvriers ou des paysans la même myopie : on sait très bien à l'atelier ou à l'usine que l'islam en tant que religion ne fonctionne que bien rarement au service de l'émancipation humaine puisqu'elle professe l'inégalité des sexes, la soumission, le mépris des techniques, etc. Les exploits de Boko Haram au Nigeria s'accomplissent bel et bien au nom de la lutte contre l'éducation, Boko, réputée impure, Haram.
Difficile par conséquent de couvrir la complaisance pour la religion de Mahomet, et pour ses zélateurs les plus extrêmes, du manteau d'une gauche, qui professe exactement les valeurs inverses.
Pourtant, au delà même de la "culpabilité postcoloniale"analysée par Gilles Kepel, la gauche française reste travaillée par le souvenir de complicités remontant à la guerre d'Algérie et à ces porteurs de valises du FLN dont le camarade ex-trotskiste Jospin est souvent cité comme un emblématique exemple.
Au sein de cette faune, on a toujours refusé de voir dans le nationalisme algérien la dimension islamique. Elle avait été affirmée pourtant dès le congrès de la Soummam en août 1956. Et c'est bien cette volonté d'éliminer d'Algérie aussi bien les chrétiens que les juifs auxquels serait appliqué le slogan "la valise ou le cercueil" qui convainquit un Albert Camus de ne plus espérer le moindre dialogue. Dès 1962 le programme fut mis en œuvre sans pitié, les quelques pieds-rouges ne demeurant que sur un siège éjectable. À bientôt 60 ans de distance, le drame de l'Algérie contemporaine en résulte encore.
En 2016, c'est un journaliste de gauche Jean Birnbaum qui dénonce courageusement cet aveuglement de la génération précédente dans son livre implacable et lucide "Un silence religieux : la gauche face au djihadisme"(éd. Seuil). Tous ces braves gens, pas si braves que ça, veulent bien se ranger mollement aux côtés de ceux qui combattent les conséquences, et encore du bout des lèvres mais ils prétendent en ignorer les causes. Pas question d'avoir l'air de toucher, de près ou de loin, à la religion des opprimés.
Le terme "Islamogauchisme" peut certes être considéré comme un néologisme. Il ne figure pas dans l'édition Littré de 1877. Les beaux esprits le dénoncent comme tel. Il aurait été inventé par Taguieff qui voit surtout, et critique, le rapprochement momentané des "judéophobes" islamistes et pro palestiniens d'extrême gauche. Mais bien au-delà, quand Edwy Plenel et Mediapartprennent la défense de Tariq Ramadan, il faut voir une très vieille stratégie révolutionnaire vieille d'un siècle puisqu'elle remonte au congrès de Bakou de septembre 1920. Ne la limitons pas à la guerre d'Algérie : l'homme de la conférence de Bandoeng de 1955, date décisive de la lutte mondiale contre les Européens, l'Indonésien Sukarno lui avait même donné le nom, aujourd'hui oublié, de nas-a-kom, alliage explicite du "nationalisme" anticolonial, de la religion mahométane et du communisme, ciment de son régime dictatorial à la tête du plus gros pays musulman du monde.
JG Malliarakis
https://www.insolent.fr/2020/12/lislamogauchisme-nest-pas-un-mythe.html