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De la religion des Romains 2/3

Une remarque au passage : alors que, dans le cas de Rome, nous possédons des certitudes substantielles quant à l'existance de son empire, même si elles sont parfois résolument ignorées par bon nombre de savants, dans le cas d'autres traditions — par ailleurs tout à fait respectables, comme celles qui directement ou indirectement proviennent de la Bible — on assiste à une démarche contraire : pensons seulement à l'Empire de David et de Salomon, pour lequel il n'existe que très peu de documents archéologiques, d'aucune nature que ce soit, et qu'aucun des quarante rois, depuis Saul jusqu'à Sédécias, n'a laissé la moindre trace tangible (voir à ce sujet l'excellente et très digne de foi — même pour le Vatican — Histoire et idéologie dans l'ancien Israël, de Giovanni Gabrini, éd. Paideia, Brescia, 1986).

Lares et Penates

La connexion entre feu-ancêtres-Lares et le culte public et privé constitue la thématique très intéressante du deuxième chapitre de l'ouvrage de Del Ponte, où l'auteur nous démontre qu'il est un détective sage et attentif, capable de recueillir des finesses qui ne sont pas toujours perceptibles de premier abord. Lares et Penates, que l'on a confondu dans le passé sur le plan conceptuel, y compris chez des auteurs éminents trouvent, dans l'analyse détaillée de Del Ponte, une définition meilleure et plus exacte, tant du point de vue rituel que théologique. L'auteur repère dans les dieux Lares  « l'essence spirituelle du foyer domestique », correspondant à la « mémoire religieuse des ancêtres », ces derniers étant perçus aussi comme « l'influence spirituelle » des habitants antérieurs d'un lieu et, par conséquent, comme les « gardiens de la Terre des Pères » (pp. 62-63) ; dans les Penates, véritables divinités, il faut par contre reconnaître une nature essentiellement céleste  et propice à un groupe familial au cœur duquel on transmettait le culte de père en fils, tant et si bien qu'ils étaient considérés comme « les dieux vénérés par les pères ou les ancêtres ».

Un autre chapitre extrêmement intéressant, qui nous aide à mieux comprendre la sensibilité religieuse des Romains et leur approche du domaine du surnaturel, est consacré aux indigitamenta :  il s'agit de listes consignées dans les livres pontificaux « contenant les noms des dieux et leurs explications ». Noms de dieux qui, comme l'observe à juste titre l'auteur, « se réfèrent aux grands moments, ou rites de passage (...),  indispensables à tout homme et à toute femme au cours de la vie et qui, justement à cause de leur complexité, nécessitent un instrument divin particulier. Ces moments de la vie sont : a) la naissance, avec les moments critiques qui la précèdent et qui la suivent ; b) la puberté, avec tout ce qui précède et qui suit ; c) le mariage ; d) la mort » (pp. 78-79).

Cette “sacralisation de chaque manifestation de la vie” est aussi une source de vie pour l'État romain et il est donc assez significatif de noter que le livre explicite 2 idées-phare :

  • 1) la pax deorum (c'est-à-dire le rapport qui s'est créé avec les dieux au moment précis de la fondation de Rome, avec le pacte conclu par Romulus et pleinement approuvé par Numa Pompilius, pacte impliquant un équilibre subtil, condition indispensable à la réalisation de l'imperium sine fine promis par Jupiter à Énée et ses successeurs)
  • 2) l'identification des constantes dans les vicissitudes millénaires et sacrées de Rome.

Ces deux idées-phare viennent inévitablement se fondre avec précision dans l'étude sur le Collège Pontifical, et en particulier sur la figure “antithétique” du Souverain Pontife.

Le rôle de Vettius Agorius Praetextatus

C'est vraiment très captivant de reparcourir l'histoire de ces prêtres qui voulaient, savamment et avec prévoyance, lire dans le futur en défendant et en gardant jalousement, depuis les temps immémoriaux de Numa à ceux extrêmes de Symmaque, les anciens rites, sans jamais les déformer et en adaptant, en l'occurrence, les nouveautés à travers l'intervention régulatrice du Collège des Quindecemvirs, afin qu'elles ne vinssent pas perturber la pax deorum, en portant atteinte à l'État. Elles représentent donc des fonctions vitales, développées par le Collège, mais qui dérivent très probablement, affirme justement Del Ponte, « des stratégies religieuses et politiques qui débouchèrent sur des transformations radicales de l'État romain au Ier siècle de la République » (pp. 153-154) ; des stratégies conçues et mises en pratique par des groupes de l'ancienne aristocratie qui furent, plus tard, constamment présents (aussi parmi les Augustes) au fil des siècles, tant et si bien que même quand le grand pontificat fut assumé par un homme nouveau, issu de la plèbe (T. Coruncanius), la très haute qualification de cette éminente figure sacerdotale ne fit pas défaut.

Dans ce sens, nous nous permettons d'articuler l'hypothèse suivante : l'intervention du pontife et quindecemvir Vettius Agorius Praetextatus (en fr. Prétextat) — qui eut un rôle de modérateur lors des événements tragiques qui déterminèrent l'élection du Pape Damase Ier — était dictée, outre les exigences d'ordre publique, par ses propres prérogatives, qui lui permettaient de réglementer un culte étranger (chrétien en l'occurrence) qui n'était plus considéré comme illicite. Très vraisemblablement, à cette époque (IVe-Ve s.) les bases furent jetées, qui acceptaient et organisaient, sous une autre forme, la survie de l'antiqua pietas. Aujourd'hui nous ne pouvons plus percevoir le mode d'expression de cette antiqua pietas. Les bases établies par Vettius Agorius Praetextatus remplissaient une fois de plus le devoir primordial, sacré et institutionnel, confié au pontificat par l'auctor Numa Pompilius, dès l'aurore de l'histoire de Rome.

À suivre

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