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« Droit, conscience et sentiments » : réquisitoire éclairé contre le nouvel ordre moral occidental par Éric Delcroix

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Par Michel Geoffroy, auteur de La Super-classe mondiale contre les peuples et La Nouvelle guerre des mondes ♦ Au moment où la liberté d’expression et de discussion ne cesse de se réduire dans notre pays, au moment où le gouvernement envisage la dissolution de Génération identitaire pour crime de lèse-immigration, le nouvel et court essai d’Éric Delcroix : Droit, conscience et sentiments[1] vient à point nommé.
Un essai qui se situe dans la continuité des réflexions déjà engagées par l’auteur sur la mutation du droit pénal, notamment dans son Théâtre de Satan – Décadence du droit. Partialité des juges, paru en 2002, et dans son Manifeste libertin paru en 2005, et dont il constitue la quintessence. Parce que précisément les maux qu’il dénonçait déjà il y a plus de 15 années n’ont fait qu’empirer.

Un réquisitoire argumenté

Que nous explique en effet Éric Delcroix ? Que le droit a changé de nature, sous l’influence de l’idéologie des droits de l’homme et de la non-discrimination. Et qu’en changeant de nature il a ouvert la voie au gouvernement des juges, qui utilisent la justice contre le droit des peuples, notamment contre le droit des peuples à la continuité historique. Le réquisitoire de l’avocat Éric Decroix est implacable, mais il est argumenté.

L’auteur montre en effet que le droit n’est plus un instrument pour régler les conflits et pour apaiser la société, mais une idéologie de combat, « vecteur de toutes les vindictes[2] » parce qu’il prétend désormais absorber la morale et abandonner toute neutralité axiologique.

La partialité du droit moral

À rebours de ceux qui, tel Jean-Claude Michéa, accusent le libéralisme de neutralité axiologique excessive dans la définition d’une vie bonne, Éric Delcroix montre que justement la bonne justice doit en rester aux faits et se montrer indifférente aux intentions réelles ou supposées des auteurs des actes ou des inactions dont elle a à connaître. Ou du moins de ne connaître des circonstances objectives qu’à fin d’alléger la responsabilité du coupable (les circonstances atténuantes) ou au contraire de l’accentuer (exemple : violence avec armes). C’est bien l’héritage que nous ont légué les Lumières.

Les critiques, souvent justifiées, du libéralisme oublient que précisément notre société « a choisi depuis la seconde moitié du xxe siècle, à l’image des Anglo-Saxons, une voie puritaine dans laquelle le droit quitte précisément la neutralité axiologique pour faire s’épanouir un nouvel ordre moral : l’ordre moral antidiscriminatoire, sous l’égide des droits de l’homme, degré zéro de toute vie sociale[3] ».

La Sainte Inquisition laïque

Cette conception morale du droit constitue une régression historique, qui nous ramène au temps de la Sainte Inquisition, quand les juges devaient se préoccuper de l’éthique de l’intention. Comme quand le juge Beaupère demande tout de go à sainte Jeanne d’Arc, lors de son procès : « Êtes-vous en état de grâce ? ». Et aujourd’hui il vaut mieux, devant les juges, être en état de grâce antiraciste, atlantiste, pro-immigration et pro-islam en France !

Dans le nouveau droit moral, fruit principalement des lois Pleven (1972), Lellouche (2003) et Perben (2004), le mobile est donc de plus en plus intégré à la définition de l’infraction. Éric Delcroix montre qu’alors « la question posée au juge n’est plus : “Le sujet a-t-il voulu l’acte ?” mais “Pourquoi a-t-il voulu l’acte ?” Ce qui restaure l’inquisition des consciences ; ce qui rétablit le contrôle du for interne[4] », qu’avaient abolis les Lumières.

Depuis la loi Pleven, on peut par exemple toujours refuser de louer son bien à tel ou tel mais, si le mobile est considéré comme discriminatoire par le juge, ce refus devient délictueux. On ne juge donc plus seulement l’acte mais l’intention et c’est finalement celle-ci qui finit par l’emporter sur les constats matériels ou la réalité des préjudices subis.

Le retour de l’arbitraire

Cela signifie que le juge « a recouvré l’essentiel de l’arbitraire qu’il avait perdu avec les Lumières, puisqu’il est appelé de nouveau à examiner le for interne du sujet de droit ; le sujet de droit, corrélativement, est privé de son arbitraire intime, sommé par le juge de soumettre son âme, effectivement, à la police de la pensée et des intentions[5] ».

Qu’importe si Génération identitaire n’a commis aucun acte violent ou criminel sanctionné par la justice : le simple fait que ses membres prennent des positions publiques hostiles à l’immigration même irrégulière les fait soupçonner d’intentions discriminatoires illicites. Nous voici bien au temps des crimes par la pensée, prophétisé par George Orwell !

Car, face au droit transformé en morale, désormais, « nul n’a plus droit à son arbitraire intime, à ses intentions secrètes et tout un chacun est appelé à confesser ses péchés à la manière des puritains, publiquement.[6] ». À la manière des puritains, des staliniens ou des maoïstes…

Une dérive puritaine du droit

Éric Delcroix pense que cette régression démontre que, loin d’être axiologiquement neutre, le libéralisme des droits de l’homme comporte des préconisations bien précises et qui ne laissent aucune place à la discussion. Le nouvel ordre moral impose de reconnaître par exemple l’égalitarisme entre homosexuels et hétérosexuels en matière de mariage et de filiation, l’égalitarisme entre les hommes et les femmes, ou vis-à-vis des trans. On n’est pas en ce domaine dans la liberté de préférer mais dans le registre de l’obligation, du tabou.

L’auteur montre aussi que cette mutation du droit (qui touche également le droit constitutionnel, devenu une censure idéologique des lois et non le seul respect des procédures constitutionnelles) nous vient des pays anglo-saxons et donc du puritanisme.

Les sentiments entrent au prétoire

La morale des intentions ne pervertit pas seulement le droit qui, pour cette raison, devient de plus en plus idéologique – donc subjectif – et de moins en moins neutre. Le droit se pervertit aussi parce que les sentiments aux contours mal définis et instables, tels la haine et l’amour, entrent maintenant au prétoire.

On sait que la censure de l’incitation à la haine discriminatoire prend une place croissante dans la répression judiciaire des dissidents, même (et surtout puisque ce qui compte désormais, ce sont les intentions plus que les actes) si cette prétendue incitation n’est suivie d’aucun effet tangible.

Contester les bienfaits de l’immigration dérégulée, n’est-ce pas une forme de haine, pour le progressisme officiel ? L’accusation de haine donne ainsi la primauté aux mots, écrits ou parlés, sur les faits, sur les actes, ce contre quoi justement Montesquieu s’élevait autrefois…

Éric Delcroix voit dans la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1965 la source du concept de haine (hatredhate crime) comme nouvelle incarnation du mal. Le crime de haine est nécessairement plus grave, car d’essence discriminatoire (donc diabolique en quelque sorte…), que le crime ou le délit de droit commun, « d’essence bénigne car commis par des victimes de la société[7] ». Et, face au mal, un bon puritain ne saurait transiger, il ne saurait reconnaître de circonstances atténuantes.

La haine mais aussi l’amour

Mais il n’y a pas que la haine qui est entrée au prétoire ; l’amour aussi, comme l’ont montré les débats autour de la loi sur le Pacs (1999) et sur le mariage homosexuel (loi Taubira de 2013) ! L’idée que l’amour puisse créer des droits juridiques n’avait pas effleuré nos ancêtres, il est vrai bien plus sages que nos progressistes. L’idée que l’enfant puisse aussi devenir un objet de droit juridique et bientôt commercial non plus.

Ce faisant, l’irruption du « pourtoussisme » dans le droit de la famille a fait éclater celle-ci. Et « ce qui n’était qu’accident de la vie, savoir l’enfant sans vrai père et sans vraie mère, qui n’aura pas non plus de vrais frères, grands-parents, oncles ou cousins[8] » devient un droit… établi par la loi. Napoléon, fondateur du Code civil, doit se retourner dans sa tombe.

La régression progressiste

Éric Delcroix montre que ce bouleversement du droit correspond à une profonde inversion des valeurs et à une régression. Il signifie en fait l’abandon de la conception rationnelle du droit que nous avaient léguée les Lumières.

Comme le prétendu État de droit, dont se targuent les progressistes, ne constitue pas un progrès de la démocratie mais son inversion, puisqu’il « permet au juge, non revêtu de la légitimité démocratique, de s’opposer à la volonté du peuple exprimée directement ou indirectement dans les urnes[9] ». Ironiquement, notre auteur montre d’ailleurs que cette conception du juge censeur de la loi trouve ses racines non seulement aux États-Unis (affaire Marbury contre Madison de 1803) mais aussi chez le juriste prussien Robert von Mohl et… dans le Troisième Reich où le juge pénal pouvait écarter la loi formelle au nom de l’esprit du peuple (Volksempfind). Voilà de rassurants précédents !

L’état de droit découle de l’utopie consistant à prétendre qu’il puisse exister des droits politiques préalablement et indépendamment de tout ordre politique, qui est au cœur de l’idéologie des droits de l’homme. Mais, comme le souligne Éric Delcroix, « les partisans de l’État de droit oublient que la justice est historiquement issue du pouvoir politique, ce qui la prive de justification, de métaphysique propre[10] ».

Un essai d’une brûlante actualité

On le voit, l’essai qu’Éric Delcroix consacre à la dérive de la justice et du droit est riche, éclairant et d’une brûlante actualité.

Il n’exclut pas l’ironie comme lorsque l’auteur montre que la loi Pleven autorise la discrimination de… l’agnosticisme ou de l’athéisme puisqu’ils ne sont pas réductibles à une religion déterminée, ce qui revient « à reconnaître explicitement l’infériorité du droit profane[11] » et à conférer un privilège aux adeptes des religions, privilège dont bénéficie aujourd’hui l’islam.

Éric Delcroix nous montre bien combien le progressisme officiel trahit non seulement l’héritage des Lumières, mais instaure une profonde régression sociétale.

Droit, conscience et sentiments, un nouvel essai d’Éric Delcroix qu’il faut lire et méditer.

Michel Geoffroy 23/02/2021

Notes

[1] Delcroix (Éric), Droit, conscience et sentiments, Akribeia, 2020, 10 euros.
[2] Ibid., p. 14.
[3] Ibid., p. 29.
[4] Ibid., p. 30.
[5] Ibid., p. 32.
[6] Ibid., p. 32.
[7] Ibid., p. 59.
[8] Ibid., p. 71.
[9] Ibid., p. 87.
[10] Ibid., p. 93.
[11] Ibid., p. 105.

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