16 « Frappe au ventre ! » Annales, XIV, 8. Texte complet : Jam in mortem centurioni ferrum destringenti protendens uterum “ventrem feri” exclamavit multisque vulneribus confecta est, c'est-à-dire : « Au centurion ayant déjà dégainé le fer pour lui donner la mort, elle désigne son sein en s'exclamant “Frappe au ventre !” et s'effondre transpercée de part en part. » [Retour]
17 Annotation en marge de l'abbé Penon : « Confusion entachée d'anachronisme. » Dans la version du cahier d'honneur, le texte devient : « Tacite reconnut ce danger, il fut le premier à le faire. » [Retour]
18 Annotation en marge de l'abbé Penon : « D'après P. Albert. » [Retour]
19 Agricola était le beau-père de Tacite. [Retour]
20 « Il n'y a plus de terre en sécurité au-delà de la nôtre, ni même de mer, car la flotte romaine nous y menace. Ainsi le combat et les armes, qui font l'honneur des braves, sont-ils aussi la voie la plus sûre pour les pleutres… Nous sommes placés aux confins du monde et de la liberté… Mais au-delà, il n'y a aucun autre peuple, rien d'autre que des flots et des rochers ; et plus dangereux encore, ces Romains dont il est vain de penser apaiser l'arrogance, que ce soit par la soumission ou par la complaisance. Brigands du monde, depuis qu'ayant tout dévasté ils n'ont plus aucune terre à ravager, ils écument les mers ; avides de rapines quand l'ennemi est riche, de domination quand il est démuni ; voler, massacrer, réduire en captivité, voilà ce que dans leur expression mensongère ils appellent l'autorité ; exterminer en tous lieux, voilà ce qu'ils appellent la pacification… » Vie d'Agricola, XXX. [Retour]
21 « Tous les éléments favorables à la victoire sont pour nous. Ici, les Romains n'ont ni épouses pour enflammer leur courage, ni famille pour flétrir leur lâcheté s'ils se dérobent ; ils sont de nulle part, ou d'une autre patrie que Rome ; les véritables Romains sont bien peu nombreux… » Vie d'Agricola, XXXII. [Retour]
22 Citation de Flavius Josèphe. L'ensemble de ce paragraphe a été assez profondément modifié dans la version du cahier d'honneur, mais avec les mêmes structures de phrases et les mêmes mots. La citation est ainsi amenée : « Lorsqu'on voit Tacite jeter ainsi le cri d'alarme et prédire en quelque sorte la destruction de Rome, on se rappelle involontairement ce paysan de la Judée dont parle Josèphe, et qui, parcourant les rues de la ville sainte, faisait partout retentir cette clameur sinistre… » [Retour]
23 Titre du livre quatrième des Harmonies poétiques et religieuses de Lamartine : Novissima verba ou Mon âme est triste jusqu'à la mort. [Retour]
24 Dans le cahier d'honneur, « imposé » devient « proposé » : « qu'il s'était proposé, d'exhaler le deuil de la langue, de la vertu et de la grandeur romaines. » [Retour]
25 Cette dernière proposition, que l'abbé Penon qualifie en marge de « phrase peu claire », disparaît du cahier d'honneur. [Retour]
26 Ce paragraphe ainsi que ceux qui suivent (jusqu'à la citation de Paul Albert incluse) ont été entièrement refondus dans la version du cahier d'honneur. L'abbé Penon avait en effet longuement reproché au jeune Maurras le caractère trop tranché de son propos. Voici ce qu'il écrivit en marge de la copie : « Il ne faudrait pas trop médire de Fénelon et le mettre au nombre des bonnes gens. Cherchez un peu de vrai dans son appréciation, quoiqu'elle soit excessive. » Et Maurras recomposa ainsi son texte :
« On en sera bien vite convaincu si l'on jette un coup d'oeil sur l'histoire littéraire. Homère et Eschyle tant admirés par les Anciens furent plutôt subis qu’acceptés par les modernes jusqu’au XIXe siècle. Aristophane effarouche Fénelon et Boileau ; Lucrèce est oublié, méconnu ; Plaute et Juvénal sont sacrifiés à Térence ; Dante est parodié par Voltaire, Shakespeare est traité de sauvage ivre par le même personnage : à cette liste de glorieux martyrs de la routine et du purisme il ne manquait plus que Tacite, et Tacite a subi le sort commun. Qu'il ait été attaqué par les pédants et par les beaux esprits, on n'en est nullement surpris ; mais voir Fénelon mêler, à une juste appréciation, des réserves pleines de minutie et même d'injustice, c'est ce qui étonne quiconque sait le mérite et l'autorité littéraire d'un tel juge.
Le fait est que le génie de Tacite lui convenait moins qu'à Bossuet. L'idée qu'il se formait d'un sublime le démontre clairement : “Je veux, dit-il, un sublime si familier, si doux, si simple, que chacun serait tenté de croire qu'il l'aurait trouvé, quoique peu d'hommes soient capables de le trouver.” Évidemment, tel n'est pas le caractère du sublime de Tacite ; on ne peut, non plus, le comparer à un éclair subit et passager ; c'est plutôt le froid d'un glaive qui traverse la poitrine et va jusqu'à l'âme. Et Bossuet le sentait profondément, lui qui nommait Tacite “le plus grave des historiens”, lui empruntant même plusieurs de ses traits. Celui qui burina le portrait de Cromwell devait s'y entendre.
À l’âge suivant, Tacite ne fut pas plus heureux. Arouet, triste roi d’une triste époque, menait à l’assaut du grand historien la tourbe du XVIIIe siècle, le traitait de hâbleur, et réhabilitait Agrippine et Néron, Tibère et Domitien. Tel patron, tels clients. Toutes ces réclamations ne valent pas grand chose partant d’une telle bouche : mais quand bien même on voudrait prendre Voltaire au sérieux (qui s’en met d’ailleurs peu en peine), il ne serait pas difficile de renverser tout son échafaudage ; car tout ce que dit l'historien sur l’état de Rome sous Domitien est confirmé par Juvénal. Et si l'on m'objecte les “hyperboles” que lui reproche Boileau, que dire de Suétone qui sur le même ton et avec la même placidité, retrace la vie d'Horace et celle de Néron ? Non, l'on ne peut nier la bonne foi et la véracité de Tacite ; elle est aussi indiscutable que son mérite littéraire.
Lui-même nous l'a dit. Il est réellement, selon ses propres paroles, sine ira et studio quorum causas procul habeo. Quoique pessimiste d'inclination, il ne charge pas la vérité ; il raconte les faits tels quels, dans leur nudité ; on peut différer sur l'appréciation qu'il en porte, mais jamais lui en contester l'existence ou la réalité. »
La citation latine ci-dessus, absente de la version primitive, est la fin du premier paragraphe des Annales : « sans colère ni parti-pris, sentiments dont les raisons me sont étrangères. » [Retour]
27 Il n'est pas interdit de faire le rapprochement entre ce paragraphe et le futur destin de Maurras lui-même ! [Retour]
28 Cette citation est extraite du quatre vingt douzième paragraphe (XCII) du Raphaël de Lamartine, et non du dix septième (XVII) comme il est indiqué par erreur dans l'extrait du "cahier d'honneur" publié en 1965. Sur la copie d'origine, le C est indiscutable et ne saurait se confondre avec un V. Maurras reprend presque l'intégralité du texte de Lamartine, mais en modifie la texture, faisant des phrases plus longues, moins saccadées.
L'éloge de Tacite prend place, dans ce volume de souvenirs qu'est Raphaël, entre une évocation de Cicéron (XCI) et une réflexion sur l'art oratoire (XCIII). Lamartine décrit en détail le féroce appétit de lecture, surtout des auteurs de l'Antiquité, qui fut le sien autour de sa vingtième année ; ce qui rapproche les deux écrivains…
Voici le texte complet du paragraphe :
« Quant à Tacite, je ne tentais même pas de disputer ma passion pour lui. Je le préférais même à Thucydide, cet Homère de l'histoire. Thucydide expose plus qu'il ne fait vivre et palpiter. Tacite n'est pas l'historien, mais le résumé du genre humain. Son récit est le contre-coup du fait dans un cœur d'homme libre, vertueux et sensible. Le frisson qu'il imprime au front, quand on le lit, n'est pas seulement l'horripilation de la peau, c'est le frisson de l'âme. Sa sensibilité est plus que de l'émotion, c'est de la pitié. Ses jugements sont plus que de la vengeance, c'est de la justice. Son indignation, c'est plus que de la colère, c'est de la vertu. On confond son âme avec celle de Tacite, et on se sent fier de la parenté avec lui. Voulez-vous rendre le crime impossible à vos fils ? voulez-vous passionner la vertu dans leur imagination ? Nourrissez-les de Tacite. S'ils ne deviennent pas des héros à cette école, c'est que la nature en a fait des lâches ou des scélérats. Un peuple qui aurait Tacite pour évangile politique grandirait au-dessus de la stature commune des peuples. Ce peuple jouerait enfin devant Dieu le drame politique du genre humain dans toute sa grandeur et dans toute sa majesté. Quant à moi, je dois à cet écrivain non pas toutes les fibres de ma chair, mais toutes les fibres métalliques de mon être. C'est lui qui les a trempées. Si jamais nos temps vulgaires prenaient le tour grandiose et tragique de son temps et que je devinsse une digne victime d'une digne cause, je dirais en mourant : “Rendez honneur de ma vie et de ma mort au maître, et non pas au disciple, car c'est Tacite qui a vécu et qui est mort en moi !” » [Retour]
29 Membre de phrase qui devient dans le cahier d'honneur : « on ne crie plus à la calomnie et à l'hyperbole. » Mais sous la signature on lit une annotation qui change « revendiquer » en « réclamer » et « outragé » en « calomnié ». [Retour]
30 « Corrompre et être corrompu, tel est l'esprit du siècle. » La Germanie, XIX. Tacite fait l'éloge des Germains, qui justement sont indemnes de cette corruption : Nemo enim illic vitia ridet, nec corrumpere et corrumpi saeculum vocatur c'est à dire : « Car dans ce pays nul ne se rit des vices ; ce n'est pas l'esprit du siècle que d'y corrompre ou de s'y laisser corrompre. » [Retour]
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