Il y a quelques mois, Renaud Girard et Jean-Loup Bonnamy publiaient Quand la psychose fait dérailler le monde, un essai roboratif dont nous avions rendu compte dans ces colonnes. Ils expliquaient qu’une mise en perspective de la réalité de l’épidémie et un traitement rationnel de celle-ci comme problème de santé publique avaient été écartés par la volonté de masquer les carences de notre système de santé : à partir de là, c’est la peur qui domine, et la psychose, abondamment relayée par les médias, a fait dérailler le politique. Dénonçant cette mondialisation de la psychose, ils expliquaient fort justement que, basculant dans l’irrationnel dont la sacralisation du principe de précaution n’est qu’un variant, le politique avait viré à l’arbitraire et à l’absurde. Une sorte de fuite en avant qui avait fait de ce virus « un terroriste, c’est-à-dire un agent dont l’impact psychologique et sociétal dépasse de loin son impact physique ».
Quelques mois plus tard, nous y voilà : l’incohérence et l’absurdité érigées en système ont fragilisé la santé mentale de nombreux Français, qui ont succombé à la panique. Chez beaucoup de nos concitoyens, le discours illogique tenu par les autorités, martelé jusqu’à plus soif, couplé à une privation de libertés qui met en surchauffe l’équilibre mental de chacun, a réveillé de bas instincts.
Aujourd’hui, chaque Français a peur de son voisin, les grands-parents de leurs petits-enfants, les professeurs de leurs élèves, les commerçants de leurs clients : ce qu’il aurait à tout prix fallu éviter dans un pays déjà malade et fracturé.
Et de la défiance généralisée à la haine, il n’y a malheureusement qu’un pas que d’aucuns ont vite franchi : la délation s’est répandue comme une traînée de poudre.
Ici, c’est un verre de rosé dégusté sur une plage qui suscite, sous les yeux d’une famille avec de jeunes enfants, l’intervention d’une dizaine d’hommes en armes venus verbaliser sévèrement les récalcitrants. Ils étaient coupables de ne pas savoir que Jean Castex avait interdit la consommation d’alcool sur la voie publique, inaugurant un triste et nouveau concept : le puritanisme progressiste. Ce genre d’exemple – et il y en de nombreux – accentue la fracture avec des forces de l’ordre dont la mission est de protéger et que l’ont voit, absurdement, punir. Le motif sanitaire d’une telle mesure est tellement fumeux qu’on ne peut l’expliquer.
Là, c’est un prêtre et son vicaire qui sont en garde à vue parce que, tout à leur ministère de prêtre, lors d’une cérémonie où il y eut dix baptêmes, ils n’ont pas pleinement exercé leur pouvoir de police en allant voir, un à un, les fidèles qui ne portaient par leurs masques. On a vu, là encore, surgir la haine entre frères : le délateur était le frère d’un catéchumène – on imagine les réunions de famille – et certains catholiques n’ont rien trouvé de mieux que de désigner à la vindicte populaire ceux de leurs frères qui étaient mis en cause.
Voyez comme ils s’aiment…
Ailleurs, encore, c’est la chasse aux restaurants clandestins, le nouveau sport national des forces de police : leur ministre de tutelle assimilant sans doute bien plus les malheureux Français contrevenants à des terroristes d’une nouveau genre, fauteurs de trouble sanitaire, que ceux qui, chaque jour et depuis des années, installent le séparatisme islamiste au cœur de notre pays.
L’inflation réglementaire qui a tenu de lieu de gestion de crise, avec les mesures sanitaires obligatoires dont certaines sont franchement douteuses, voire dadaïstes – le port du masque en bord de mer en plein vent, par exemple, est un non-sens médical –, ont créé dans l’esprit des gens un nouveau conformisme d’habitudes rétrécies dont il sera difficile de se défaire. Et comme l’écrit excellemment le journaliste italien Andrea Venanzoni dans la revue Atlantico, « le conformisme est rassurant, chaud, confortable, sanctifiant même parce qu’il élève des esprits médiocres sur l’autel de la conscience sociale, assignant une quelconque fonction d’utilité à des individus qui, sans cela, resteraient piégés dans des existences d’une rare grisaille ».
La question qui se pose maintenant est de savoir comment, après un tel traumatisme de la société, les Français sauront s’unir pour reconstruire le pays.