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L’UE, rampe de lancement d’Emmanuel Macron pour sa réélection en 2022

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Par Paul Tormenen, juriste et spécialiste des questions migratoires ♦ Le président de la République française élue le 7 mai 2017 n’a jamais caché sa volonté d’approfondir l’intégration européenne. Au début de son mandat, le 26 septembre 2017, il prononçait en grande pompe un fervent plaidoyer pour « une Europe souveraine, unie, démocratique » (1). Joignant les actes aux paroles, Emmanuel Macron, depuis sa prise de fonction, n’a pas cessé de montrer des signes d’allégeance à une certaine conception de l’Union européenne. Au point de faire parfois passer les intérêts de la France après ceux des autres pays de l’UE. Cette obsession à vouloir être le meilleur élève de la classe se vérifie dans de nombreux domaines. Emmanuel Macron semble tout faire pour que la présidence française de l’Union européenne durant le premier semestre 2022 soit le marchepied à sa réélection.

L’importante contribution de la France au budget de l’Union européenne

Depuis de nombreuses années, la France fait partie des plus importants contributeurs nets au budget de l’Union européenne. En clair, notre pays verse beaucoup plus à l’UE qu’il ne reçoit (2). Cette tendance ne fait que s’amplifier avec le départ du Royaume-Uni de l’UE. La contribution nette de la France, actuellement évaluée entre 6,7 et 7,7 millions d’euros par an, devrait atteindre 10 milliards d’euros par an à partir de 2021 (3).

Parmi les autres facteurs que le Brexit ayant contribué à cette hausse, des rabais au financement du budget de l’UE ont été accordés à certains pays lors de la négociation du plan de relance européen. Alors qu’Emmanuel Macron avait annoncé en février 2020 son souhait de mettre un terme à cette pratique de ristourne jugée « archaïque, injuste et illisible », les rabais forfaitaires alloués à cinq pays de l’UE ont non seulement été pérennisés mais aussi augmenté pour la période 2021-2027 (4). Ils devraient coûter aux Français la bagatelle de 700 millions d’euros par an (5).

Le plan de relance européen défavorable à la France

Le 21 juillet 2020, les chefs d’État des différents pays membres de l’Union européenne ont conclu un plan de relance pour stimuler l’activité économique déprimée par la crise sanitaire. D’un montant prévisionnel de 750 milliards d’euros, il prendra la forme de prêts et de subventions. La nouveauté de ce plan est la mutualisation de l’endettement des États membres auprès de la Commission européenne. Plusieurs modalités ne sont pas, à ce jour, encore arrêtées, comme ce que rapporteront les taxes communautaires qui doivent être mises en place et le montant précis qui devrait être remboursé par chaque État dans le cadre du grand emprunt commun à partir de 2028.

Néanmoins, plusieurs économistes s’accordent à dire que la France paiera beaucoup plus qu’elle ne recevra dans le cadre de ce plan (6). Selon certaines estimations, la facture potentielle pour les Français pourrait être comprise entre 27 et 74 milliards d’euros (7). La volonté du président Macron d’approfondir l’intégration européenne par un endettement mutualisé et la création d’impôts communautaires paraît avoir été obtenue au prix de lourdes et coûteuses concessions pour notre pays.

Une politique industrielle peu protectrice

L’économie française compte peu d’avantages compétitifs. L’électricité peu chère produite grâce à un important parc de centrales nucléaires en fait partie. Ce parc a permis aux Français et à ses entreprises de bénéficier pendant de nombreuses années d’une électricité peu chère. L’application des règles concurrentielles de l’UE a abouti au renchérissement du coût de l’électricité, pour qu’il atteigne le prix de marché européen. L’accès des concurrents d’EDF à l’électricité nucléaire à prix fixe a été particulièrement coûteux pour l’entreprise publique. La débâcle industrielle provoquée par la récente désorganisation de la filière nucléaire française aurait dû inspirer de la prudence à nos dirigeants dans leur volonté réformatrice (8).

Sous la pression de Bruxelles, une profonde réorganisation d’EDF est de nouveau sur le point d’être menée dans le cadre du projet « Hercule ». L’aide de l’État à l’entreprise très endettée ne pourrait intervenir que si le groupe intégré (nucléaire, hydroélectrique, énergie verte et distribution) est démantelé en trois entreprises. L’un des risques majeurs est que « EDF bleu » chargé du fonctionnement du parc nucléaire ne devienne un centre de coût au service des fournisseurs d’électricité.

La croyance invétérée en la concurrence libre et non faussée s’est également traduite par l’absence de véto de l’État français lors de prises de contrôle par des entreprises étrangères de plusieurs sociétés françaises florissantes et/ou de haute technologie (9). La liste est longue : Alcatel, Pechiney, STX, Alstom, Technip, Latécoère, Photonis, Souriau, HGH, etc. Pendant ce temps, les pays concurrents (Allemagne, Chine, États-Unis) protègent leurs pépites industrielles de façon décomplexée (10).

Inutiles frontières

Acquis à la société ouverte, Emmanuel Macron a souvent manifesté son peu de considération pour les frontières. En 2017, le candidat Macron présentait positivement la libre circulation des personnes à propos de l’immigration : « Ces mouvements vont aller croissant parce que les incertitudes géopolitiques, les déstabilisations climatiques, vont continuer à toucher des régions qui sont très proches de la nôtre. […] L’immigration se révèle une chance d’un point économique, culturel, social » (11). Une fois élu, en juin 2017, il évoquait de nouveau l’inutilité des frontières concernant la menace terroriste : « les filières terroristes ne connaissent pas les frontières de l’Europe » (12).

En février 2020, alors que l’épidémie de coronavirus se propageait dans notre pays, il ironisait sur la volonté de certains leaders politiques de mieux contrôler aux frontières les entrées dans le territoire : « N’en déplaise à certains, le virus ne connaît pas ces limites administratives » (13). Le respect intransigeant et irréaliste par les autorités françaises des règles de libre circulation de l’espace Schengen ne s’est pas arrêté là.

Le 12 mars 2020, alors que les pays voisins de la France fermaient leurs frontières en raison de la propagation du coronavirus, il mettait en garde contre le « repli nationaliste » (14). Alors que l’Allemagne avait déjà mis en place un contrôle à ses frontières intérieures, le président de la République française se bornait le 16 mars 2020 à relayer la décision de l’Union européenne de « fermeture » des frontières extérieures de l’Union européenne et de l’espace Schengen (15). Si plusieurs renforcements des contrôles aux frontières intérieures de la France ont été annoncés depuis, ce n’est que depuis le 31 janvier 2021 qu’un test PCR est exigé aux voyageurs arrivant en France venant d’un autre pays de l’Union européenne (16).

Une immigration hors de contrôle

En mars 2017, le commissaire européen aux migrations et aux affaires intérieures Dimítris Avramópoulos déclarait que « les vingt-sept auront besoin à l’avenir de six millions d’immigrés » (17). Une telle déclaration ne pouvait qu’entrer en congruence avec la vision positive de l’immigration du président Macron, indépendamment de la situation économique et sociale du pays (18).

Les moyens sont au rendez-vous : les dépenses de l’État pour la seule mission budgétaire Immigration, asile et intégration ont ainsi augmenté d’un milliard d’euros en quatre ans, pour s’établir en 2021 à 6,9 milliards d’euros (19). On ne compte plus les mesures visant à favoriser l’immigration dans notre pays depuis le début du mandat d’Emmanuel Macron, comme l’extension, dans le cadre de la loi asile et immigration adoptée en 2018, du droit au regroupement familial pour les frères et sœurs des mineurs réfugiés (20).

Ce tropisme pro-migrants s’illustre également en matière d’immigration clandestine. Considérant que « le système actuel [des arrivées clandestines sur les côtes européennes – NDLR] fait porter à quelques-uns toute la charge et ne pourra pas résister aux prochaines vagues migratoires », le président Macron a répondu positivement à toutes les sollicitations de répartitions des migrants arrivés clandestinement par bateau sur les côtes européennes (21). Et gare aux récalcitrants : le président Français a exprimé en juin 2018 son souhait que des sanctions financières soient infligées aux pays qui refuseraient de prendre leur part à l’accueil des migrants arrivés clandestinement en Europe (22).

Un système de soins à rude épreuve

Un eurodéputé de gauche a recensé entre 2011 et 2018 63 recommandations de la Commission européenne aux États membres de l’UE de privatiser certains pans du secteur de la santé ou de réduire les dépenses publiques en matière de santé (23). Avant la pandémie du coronavirus, les services des urgences étaient en France déjà fréquemment saturés pendant les épisodes grippaux (24).

Il n’y a donc rien d’étonnant que, après les coupes sombres dans le système de santé, les services de soins intensifs aient rapidement été à saturation dès le début de la pandémie de coronavirus (25).

Mais si certaines dépenses sont compressibles, d’autres semblent bénéficier d’un droit de tirage illimité. Le budget de l’aide médicale d’État va dépasser le milliard d’euros en 2021. En dépit de factures impayées par des étrangers à la suite de soins dans les hôpitaux français d’un montant également plus qu’important, le système de paiement (après les soins) n’a toujours pas été remis en cause. Et pas davantage les admissions d’étrangers en France pour soins médicaux… (26).

Alors que la vaccination tarde à se déployer en France, notre pays attendant sagement les doses commandées par l’Union européenne, les initiatives des pays voisins pour diversifier les approvisionnements sont sévèrement critiquées par les autorités françaises. L’achat de vaccins russes par l’Allemagne serait ainsi selon le secrétaire d’État français aux Affaires européennes un « coup de communication » (27).

Diplomatie : le traité d’Aix-la-Chapelle conclu en catimini

L’intégration européenne ne va probablement pas assez vite au goût du président Macron. Afin d’approfondir la convergence avec l’Allemagne, les gouvernements français et allemand signaient le 22 janvier 2019 un traité sur la coopération et l’intégration franco-allemande, appelé traité d’Aix-la-Chapelle. Celui-ci prévoit un rapprochement entre la France et l’Allemagne dans plusieurs domaines : coordination des politiques économiques, création d’une Assemblée parlementaire franco-allemande afin notamment de « formuler des propositions en vue de tendre vers une convergence des droits français et allemand », renforcement de la coopération diplomatique et militaire, etc.

Mais cette convergence n’est déjà pas sans poser de problèmes. Dans une tribune parue dans un journal économique, une vingtaine de spécialistes des questions de défense soulignait, exemples à l’appui, l’idéalisme des autorités françaises en opposition au réalisme allemand. En matière d’armement, « ce qui est allemand n’est pas négociable (domaine terrestre) ; ce qui est français (domaine aéronautique) doit être renégocié dans le sens des intérêts allemands » (28).

Cette situation s’est récemment illustrée lors des négociations franco-allemandes sur le projet de système de combat aérien du futur, le gouvernement allemand cherchant selon certains observateurs à « obtenir des concessions de Paris pour pouvoir utiliser des technologies développées dans le cadre du projet SCAF pour ses propres programmes d’armement » (29). Cela amenait le PDG de Dassault Aviation à pousser un coup de sang lors d’une audition devant les sénateurs en mars 2021 (30).

Depuis le début de son mandat, Emmanuel Macron ne cesse de donner des gages à une certaine construction européenne. Mais ce qui devrait relever d’un calcul réfléchi des intérêts de notre pays semble dicté par une foi aveugle qui l’amène à prendre des décisions défavorables à la France, pourvu que cela aille dans le sens de l’intégration supranationale. Celles-ci semblent tendues vers un objectif : se présenter comme le principal artisan de l’approfondissement d’une Union européenne « progressiste », à mille lieues notamment des « idées de peur de l’immigration [et] de recentrage autour des valeurs chrétiennes », pour reprendre les termes d’un ancien conseiller d’Emmanuel Macron qui travaille désormais pour George Soros (cela ne s’invente pas) (31).

D’ores et déjà, l’exécutif français prépare la présidence française de l’UE au premier semestre 2022, afin d’obtenir rapidement des résultats tangibles et de permettre à Emmanuel Macron de présenter aux électeurs lors de l’élection présidentielle un nouvel horizon radieux… Quoi qu’il en coûte…

Paul Tormenen 20/04/2021

Notes

(1) « Initiative pour l’Europe – Discours d’Emmanuel Macron pour une Europe souveraine, unie, démocratique ». Site de l’Élysée. 26 septembre 2017.
(2) « Budget européen : pays contributeurs et pays bénéficiaires ». Toute l’Europe. 21 février 2020.
(3) « EU expenditure and revenue 2014-2020 ». Site de la Commission européenne – « Contribution française au budget européen : l’addition explose ». La Banque des territoires. 16 novembre 2020.
(4) Projet de loi de finances pour 2021. Rapport général n° 138 (2020-2021) de M. Jean-Marie Mizzon.
(5) « Contribution française au budget européen : l’addition explose ». La Banque des territoires. 16 novembre 2020.
(6) « Plan de relance européen : la farce et les dindons ». LVSL.16 juillet 2020.
(7) « Dangereux, coûteux et défavorable aux Français : pourquoi le plan de relance européen est une menace ». Frédéric Amoudru et Jean Messiha. Valeurs actuelles. 1er août 2020 – « Plan de relance européen : l’anti-victoire ». Arnaud Montebourg. Les Échos. 6 août 2020.
(8) « EDF-Areva, l’épilogue d’un désastre français ». Le Point. 30 juillet 2015.
(9) « Européennes : les programmes des principales listes sur la concurrence et le commerce ». Les Échos. 23 mai 2019.
(10) « Entreprises : l’Allemagne se met au protectionnisme ». France Info. 12 juillet 2017 – « La Chine est le pays le plus protectionniste vis-à-vis de l’Europe ». Les Échos. 17 juin 2019 – « Trump ou Biden, le protectionnisme restera présent aux États-Unis ». L’Actualité. 4 novembre 2020.
(11) « Migrants, politique migratoire et intégration : le constat d’Emmanuel Macron ». Réforme.net. 1er mai 2017.
(12) « Emmanuel Macron : “L’Europe n’est pas un supermarché. L’Europe est un destin commun”». Le Temps. 21 juin 2017.
(13) « À Naples, Macron et Conte affirment “la solidarité européenne” face au coronavirus ». Public Sénat. 27 février 2020.
(14) « Coronavirus : cinq minutes pour comprendre la fermeture de frontières ». Le Parisien. 16 mars 2020.
(15) « La France “entre en guerre” contre la “crise sanitaire mondiale” du coronavirus ». RTS. 17 mars 2020.
(16) « Covid-19 : la France a fermé ses frontières ». France Info. 31 janvier 2021.
(17) « L’Europe va avoir besoin de 6 millions d’immigrés ». Tribune de Genève. 7 mars 2017.
(18) et (19) Mission « Immigration, asile et intégration ». Projet de loi de finances pour 2021. Commission des finances. Sénat. S. Meurant.
(20) « Immigration : la folle politique de peuplement du gouvernement français ». Polémia. 12 décembre 2020.
(21) Cf. (12).
(22) « Migrants. Macron veut des sanctions financières contre les pays qui refusent d’accueillir des réfugiés ». Ouest-France. 24 juin 2018.
(23) « “La Commission européenne a demandé 63 fois aux États de réduire les dépenses de santé”, dénonce l’eurodéputé Martin Schirdewan ». L’Humanité – https://www.humanite.fr/la-commission-europeenne-demande-63-fois-aux-etats-de-reduire-les-depenses-de-sante-denonce-687250
(24) « La France, pays grippé et… malade de sa santé ? ». TV5 Monde. 3 janvier 2018.
(25) « La baisse de la capacité des services de soins hospitaliers ». Statista. 28 mai 2020.
(26) « Le coût de l’Aide médicale d’État (AME) passera la barre du milliard d’euros en 2021 ». InfoMigrants. 8 décembre 2020 – « Les effarantes dérives de l’aide médicale de l’État ». Le Figaro. 7 octobre 2019 – Rapport interministériel sur l’admission au séjour des étrangers malades. Mars 2013.
(27) « Covid-19 : l’achat de vaccins Spoutnik par l’Allemagne est “un coup de communication”, selon Paris ». Le Figaro. 11 avril 2021.
(28) « Armement : les erreurs allemandes de la France ». La Tribune. 23 mars 2021.
(29) « Défense : Paris et Berlin tentent de surmonter leurs divergences sur le SCAF », Yahoo,17 février 2021.
(30) Compte rendu de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Sénat. 10 mars 2021.
(31) « Comprendre l’européisme de Macron, une conversation avec Shahin Vallée ». Le Grand Continent.eu. 7 mai 2018.

https://www.polemia.com/lue-rampe-de-lancement-demmanuel-macron-pour-sa-reelection-en-2022/

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