Le tour de valse de Renaud Muselier avec La République en marche pour les régionales en Provence-Alpes-Côte d’Azur a des airs de scène de boulevard...
© Hannah Assouline
À un an de l’élection présidentielle, il semblerait que Les Républicains s’emploient avec ferveur à rendre impossible l’émergence d’un candidat capable de rivaliser avec les duettistes dont les Français ne veulent pas. Et la gauche n’est pas en meilleur état…
Tragicomédie-sur-Mer. Le tour de valse de Renaud Muselier avec La République en marche pour les régionales en Provence-Alpes-Côte d’Azur a des airs de scène de boulevard. « Moi ? Tromper LR avec LREM ? Comment pouvez-vous imaginer que ça m’aurait effleuré ! »
Mais, dans les Liaisons dangereuses le séducteur n’existe que sur la scène du théâtre mondain, il lui faut afficher sa victoire, et Jean Castex ne s’en est pas privé. Pour lancer une grenade au milieu de la droite déjà souffreteuse ? La déclaration du Premier ministre grillant la politesse au premier intéressé avait tout du baiser qui tue. Comme on dit, il n’a pas levé le pied qu’on lui a déjà vu la semelle… Tout le monde a bien compris qu’il n’était pas question ici de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur mais bien de politique nationale.
À un an de l’élection présidentielle, il semblerait que Les Républicains s’emploient avec ferveur à rendre impossible l’émergence d’un candidat capable de rivaliser avec les duettistes dont les Français ne veulent pas. Il suffirait pourtant que surgisse quelque chose comme une option autre au duel annoncé entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen pour qu’ils s’en saisissent. Quelque chose, quelqu’un, n’importe qui de crédible… Mais voilà…
Fin de la « droite des garagistes »
On peut bien entendu expliquer l’accès de faiblesse de Renaud Muselier : la région vaut bien qu’on lui sacrifie son parti. Surtout quand ce parti a cessé d’être le lieu où se joue la vie politique. Mais le sujet n’est pas là. En termes strictement idéologiques, qui pourrait lui reprocher de s’allier avec un mouvement qui, au niveau national, mène la politique qu’il a toujours appelée de ses vœux ? Il y a aujourd’hui plus de différence entre Bruno Retailleau et Valérie Pécresse qu’entre la même Valérie Pécresse et la plupart des cadres de La République en marche. C’est tout le problème des Républicains, nouveau nom de l’UMP, machine hétéroclite rassemblant le RPR et l’UDF, c’est-à-dire deux droites à peine réconciliables.
Tout le problème étant que la « droite de garagistes », selon l’expression de William Abitbol, ancien conseiller de Charles Pasqua, ces petits patrons et indépendants qui faisaient le socle populaire du RPR, est depuis longtemps partie dans l’abstention ou au RN. La droite « orléaniste », bourgeoise moderniste, peut désormais se reconnaître dans un macronisme qui a abandonné ses quelques oripeaux de gauche, ou disons vaguement progressistes, à l’exception de la PMA pour les couples de lesbiennes et un débat avorté sur l’euthanasie.
La droite impuissante
Bref, l’espace politique d’une droite classique est réduit comme peau de chagrin. C’est cet espace que tente d’occuper un Xavier Bertrand, dont les premières prises de position comme candidat dessinent un programme très « années 2000 », avec réforme des retraites et réduction des dépenses publiques, en y ajoutant seulement un zeste de réindustrialisation et d’aménagement du territoire.
Ce n’est pas rien. Ces deux derniers éléments devraient constituer le noyau dur de tout programme présidentiel (en y ajoutant, entre autres, une refonte de notre enseignement supérieur). Encore faut-il expliquer clairement comment on y parvient sans buter sur le mammouth qui encombre le couloir et que Les Républicains, comme le Parti socialiste à gauche, ont savamment ignoré pour éviter les sujets qui fâchent : l’Union européenne et son idéologie dérégulatrice.
Comment réindustrialiser quand le dogme de la libre concurrence prive l’État de toute marge de manœuvre et favorise le dumping social et fiscal ? Voilà la vraie question. Faute de l’avoir posée, la droite française est menacée de disparaître. Et les citoyens français sont menacés de revivre un duel caricatural entre un parti aux positions démagogiques et à l’histoire douteuse et un président sortant dont les discours tout neufs sur l’indépendance industrielle et la souveraineté masquent difficilement les capitulations en rase campagne face aux lobbys, aux intérêts financiers, au cavalier seul allemand et à l’impérialisme américain.
La gauche en piteux état
La gauche n’est pas en meilleur état. Elle est fracturée entre des archipels post-socialistes qui croient que les outrances sociétales et les poncifs écologiques font une politique, mais qui évitent savamment, eux aussi, de se demander comment « changer la vie » quand on accepte le cadre néolibéral existant, et un Jean-Luc Mélenchon désormais plus passionné par la dénonciation des fascistes et des islamophobes que par la poursuite de ses analyses de 2017 sur les moyens de desserrer l’étau de la mondialisation dérégulée.
Il existe dans les restes des vieux « partis de gouvernement » des gens qui cherchent à se coltiner les sujets essentiels. Un Arnaud Montebourg d’un côté, un Julien Aubert de l’autre, ont le mérite de porter des positions qui seraient nécessaires dans le débat et qui permettraient de sortir du duel « mondialistes » contre « nationalistes », ou « progressistes » autoproclamés contre soi-disant « patriotes » qu’on essaie de nous imposer.
Mais le rouleau compresseur médiatique a fort peu à faire des débats de fond. Le journalisme politique préfère se raconter le roman des « grands fauves » et fantasmer sur Édouard Philippe, l’énarque chic et sympa, et les débats de plateaux télévisés, qui ont besoin de caricature et d’opposition frontale, les trouvent plus facilement sur les sujets identitaires que dans l’aridité des questions économiques. Tant pis pour nous. Tant pis pour la France.
Source : https://www.marianne.net/