En matière d’espionnage américain aux dépens de « l’allié européen », les affaires se suivent et se ressemblent. L’une des plus fracassantes est révélée, le 6 juillet 2013, par le « lanceur d’alerte » Edward Snowden, aujourd’hui réfugié en Russie. Et c’est là que ce qui était de notoriété officieuse devint réalité officielle : les USA écoutaient la plupart des dirigeants européens ; même le pape Benoît XVI, c’est dire. Un an plus tard, on débusqua même un agent double du BND – les services secrets allemands – qui travaillait en fait pour « l’ami américain ».
Grâce à un reportage de DR, chaîne de télévision publique danoise, nous en savons désormais un peu plus. Ainsi, la NSA (National Security Agency), agence de renseignement américaine chargée des écoutes téléphoniques mondiales, avait-elle passé un accord discret avec Copenhague, lui permettant de se brancher tout aussi discrètement sur les câbles sous-marins de télécommunications danois.
Pourquoi ce pays ? Tout simplement parce qu’il est le seul d’Europe du Nord à appartenir à la fois à l’OTAN et à… l’Europe. Et comme les câbles en question passent par la mer Baltique, voilà qui permet, en sus, d’avoir une oreille en Russie. Ou de l’art de faire des économies d’échelle. On remarquera que le Danemark n’est pas le seul pays impliqué dans ce type d’accord de coopération technologique plus ou moins secrète.
En effet, dès 2010, le même Edward Snowden révélait que la NSA en avait déjà signé cinq. Avec l’Allemagne, par exemple, sans que la chancelière Angela Merkel en ait été forcément avertie ; ce, d’autant plus que ses téléphones étaient eux aussi sur écoute. Autrement, pourquoi aurait-elle diligenté une enquête parlementaire qui fit alors grand bruit, même si débouchant sur de petits résultats, hormis les traditionnelles protestations officielles d’usage ?
Sans grande surprise, la NSA se refuse à commenter les révélations de la chaîne danoise. Pas plus Paris que Berlin, par ailleurs, qui, sollicités par les journalistes du Monde, paraissent assurer une sorte de service minimum. La preuve par Emmanuel Macron et Angela Merkel qui ont exigé, ce 31 mai, quelques explications, à Washington comme à Copenhague : « Si l’information est juste, ce n’est pas acceptable entre alliés et encore moins entre partenaires européens. »
À la Maison-Blanche, on a dû en frémir d’effroi. Surtout quand notre Président jupitérien en remet une couche : « Je suis attaché au lien de confiance qui unit Européens et Américains. […] C’est pourquoi ce que nous attendons, c’est la clarté complète. Nous avons demandé à ce que nos partenaires danois et américains apportent toutes les informations sur ces révélations et sur ces faits passés et nous sommes en attente de ces réponses. » Gageons qu’Emmanuel Macron n’a pas fini d’attendre.
On rappellera qu’en son temps, Barack Obama avait promis, la main sur le cœur, d’en finir avec ce genre de pratiques. Vraiment ? De son côté, Donald Trump était prêt à accorder une grâce présidentielle à Edward Snowden. Logique, sachant que ce dernier lui avait donné un sérieux coup de pouce durant sa campagne, assurant que le choix se résumait à voter « Trump ou Goldman Sachs », clin d’œil à peine appuyé à sa concurrente Hillary Clinton, connue pour ses conférences grassement rémunérées par la banque en question.
Et depuis ? Il n’est pas improbable qu’après la fantasque parenthèse trumpienne, Joe Biden et l’administration américaine aient renoués avec leurs vieilles habitudes.
Trump voulait se désengager de l’Europe, Biden, lui, semble vouloir continuer de l’asservir. Avec la complicité passive de ses vassaux franco-allemands ? L’URSS savait berner ses idiots utiles ; les USA aussi.