C’est pour moi la principale leçon à tirer de ces élections départementales et régionales.
Les Français qui ont voté sont essentiellement des « notables ». Ils ont voté pour leurs notables de province. Pardon, on ne doit plus dire « province » mais « territoire ».
Les « gueux », c’est-à-dire les gilets jaunes, ne sont pas allés voter, tant ils ne se considèrent pas concernés par des élections qui ne servent strictement à rien. Les départements, les régions, les intercommunalités, les métropoles, tout cela leur est totalement étranger, c’est tellement éloigné de leurs préoccupations quotidiennes.
Les « notables en place », les « élites territoriales » savent en revanche parfaitement bien quels beaux fromages représentent tous ces postes d’élus rémunérés.
Pour fixer les idées, au plus bas de l’échelle, un conseiller départemental est payé de 1.556 euros à 2.723 euros bruts par mois, un conseiller régional de 2.333 à 2.722 euros. Ce n’est pas si mal, comparé au salaire médian français de 1.940 euros pour un travail à temps plein. Il serait intéressant de se pencher sur la réalité du cumul des postes de conseiller municipal, conseiller à la communauté de communes, vice-président de telle ou telle commission, etc.
Autant de couches au mille-feuille, autant d’indemnités à glaner !
Autant de copinages, autant aussi, il faut bien le dire, de magouilles et tripatouillages en tous genres pour aller à la soupe.
Et même le retour à la transmission héréditaire des postes, comme au bon vieux temps de la IVe République. Je connais une commune dont le papa a été maire et conseiller départemental et dont le fils est devenu maire et conseiller départemental… le plus naturellement du monde grâce à un clientélisme de base. En attendant le petit-fils.
Bref, on peut raisonnablement se dire que ce niveau pharaonique d’abstention est une preuve évidente de plus de la confiscation de la démocratie par « les élites », quel que soit leur bord politique.
Le « pauvre peuple » a compris que, quoi qu’il fasse, rien ne changera. Alors « il s’en fout » et ne va pas voter.
Le « peuple des élites », en revanche a parfaitement compris que la préservation de ses privilèges passait nécessairement par la réélection de celles et ceux qui ont « fait leurs preuves » et assureront le statu quo : fini les aventures !
Macron a démontré qu’il était impossible de gérer un pays comme on gère une entreprise (d’ailleurs, Macron n’a jamais rien géré). En disant « Essayez-nous, vous verrez de quoi on est capable », Marine Le Pen a fait une erreur stratégique hallucinante !
Et retour aux « spécialistes », et donc réélection de tous les sortants !
Nous, les « bouseux de province », pardon les « citoyens des territoires », les grandes manœuvres politiques nationales, on s’en fout complètement. Dans une France qui devient de plus en plus un archipel de communautés, il est logique qu’un retour à une structure féodale soit souhaité. Au moins, son seigneur, on le connaît.
Hollande a voulu de grandes régions dont le poids démographique et économique pourrait peser en Europe. Ce faisant, il a récréé une France des duchés ou des baronnies, comme on voudra.
Et observons que, devant la faillite de l’État centralisé, les régions s’octroient, avec la bénédiction des citoyens, des compétences qui ne sont pas les siennes, mais sont primordiales, comme la sécurité, par exemple. Et ce n’est qu’un début, nécessité fait loi.
Girondins contre jacobins, c’est reparti ! Espérons que la fin de ce nouvel épisode ne sera pas la même.
Patrick Robert