[Ci-dessus : Peigne d'apparat en or de facture grecque représentant des guerriers scythes combattant à cheval et à pied. Découvert en 1913 dans la tombe kourgane (à tumulus) de Solokha (Ukraine). IVe s. av. JC. Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg]
En Grèce, les Paléo-Égéens, qui, sur le plan linguistique, appartenaient probablement au groupe caucasien- anatolien, réussissent à domestiquer pour la première fois un mammifère de grande taille : le bœuf domestique (bos primigenius f. taurus). Cette performance mérite une ample attention, surtout si l'on songe combien dangereux peuvent encore être les taureaux et au rôle qu'a joué le bœuf dans l'alimentation de l'homme. Les recherches récentes relatives à la domestication ont découvert que la transformation physique la plus frappante dans la phase initiale de la domestication, c'est une diminution de la taille. On peut encore voir de très petits bovidés domestiques en Anatolie aujourd'hui.
En Europe
Au nord des premiers éleveurs de bœufs, dans la péninsule balkanique, vivaient vers –6000, les porteurs de la culture des céramiques à bandeaux. Ils adoptent, en même temps que la culture des céréales, les animaux domestiques méditerranéens et transmettent ces formes d'économie à l'Europe Centrale en l'espace de 800 ans seulement. Il faut signaler dans ce processus 3 stations de transmission au nord du cours supérieur du Danube pendant le néolithique : Müglitz/Mohelnice en Moravie ; Karbitz/Chabarovice en Bohème du Nord ; Olszanica en Haute-Silésie (8). Vers 5000 av. notre ère, la culture des céramiques à bandeaux linéaires s'étend déjà depuis l'Ouest de la France jusqu'à la Vistule. Les régions littorales du Nord et la Russie ne sont pas encore atteintes. Cela signifie que l'Europe du Sud-Est et du Centre possède à cette époque une avance culturelle et économique par rapport à toutes les autres régions du sous-continent.
Cette nouvelle forme d'économie provoque un premier mouvement de population, accompagné du défrichage par incendie et de la construction de maisons longues rectangulaires. Les haches perforées qui, dans le Nord de l'Europe préhistorique, étaient des haches faites en bois de cervidés et avaient déjà une longue tradition derrière elles, se fabriquent désormais en pierre taillée. Les morts sont enterrés assis. On reconnaît les tombes des hommes aux bijoux faits de fragments de coquilles d'huîtres. Le type racial dominant est est-méditerranéen. La taille des corps augmente en direction du nord, en concordance avec les lois de la zoologie. Les crânes hauts, étroits et longs se rapprochent de l'aspect de ceux des Est-nordides. Ce groupe démographiquement important et culturellement homogène pour les critères de cette lointaine époque ne peut qu'être indo-européen du point de vue linguistique. Au vu des preuves nombreuses et des indices dont nous disposons, je ne puis que me référer à mon livre de 1986. Idem pour la justification exacte de la chronologie que j'emploie.
La capture des chevaux
À côté de l'élevage des animaux domestiques, la chasse continue à jouer un rôle important pour la satisfaction des besoins en protéines et en matières grasses. Le cheval sauvage est compris dans les animaux chassés, comme le prouvent les découvertes du Solutréen près de Lyon en France (–28.000 à – 17.000 av. notre ère). À cet endroit, les Paléo-Européens ouest-boréens ont tué quelque 40.000 à 100.000 chevaux en profitant de la panique de cet animal qui fuit devant le danger ; les chevaux tombaient du haut d'une falaise en fuyant. Ce cheval du Solutréen est, croit-on aujourd'hui, une forme primitive et occidentale du tarpan des forêts.
Si déjà les Paléo-Européens du Solutréen pouvaient organiser des chasses à battues efficaces, les représentants de la culture de la céramique en bandeaux devaient, eux aussi, en pratiquer. Grâce à leurs expériences acquises avec le bœuf domestique, ils savent comment s'y prendre avec les mammifères de grande taille. Dans les clairières, les lopins cultivés devaient immanquablement attirer les chevaux sauvages. D'après nos connaissances quant à la construction des bâtiments longitudinaux, il était possible de fabriquer des enclos vers lesquels on poussait les chevaux sauvages. De telles conditions n'existaient pas dans la steppe. De plus, même pour les représentants de la céramique à bandeaux linéaires, nous ne possédons pas encore de preuves de la domestication du cheval.
Les découvertes de Woldrich
Environ vers –4800, l'unité de la grande culture centre-européenne se fractionne. Dans le vieux centre que fut la Bohème et la Saxe, se développe une culture de la céramique à poinçon, qui dura jusque vers –4200. Tous les sites archéologiques démontrent qu'à cette époque, l'élevage des animaux joue un rôle beaucoup plus important. Mais il nous manque toujours des indices (des ossements en l'occurrence) prouvant une domestication du cheval. Dans un ancien rapport de fouilles, relatif au site de Karbitz/Aussig, le paléontologue J. Woldrich signale toutefois des données intéressantes quant à la présence d'ossements dans les fosses cultuelles de la culture des céramiques à bandeaux. À l'époque de Woldrich, les dénominations en zoologie pour les animaux domestiques n'étaient pas encore uniformes et l'âge de la culture n'était pas encore déterminé avec certitude. Je remarquai tout particulièrement que Woldrich signalait la présence de nombreux restes d'os d'equus caballus minor, puis de différents types de bovidés et aussi d'equus caballus. Ces noms d'espèce ne sont plus utilisés aujourd'hui. Mais ils correspondent à equus ferus = przewalskii, le cheval sauvage d'Eurasie.
Nous venons de voir qu'il existait en Europe 2 sous-espèces de cette espèce. Je tiens pour exclu que la désignation “minor” désigne le tarpan des forêts, plus petit et différent du tarpan des steppes. La région située entre les Monts Métallifères et les Monts de Bohème, à l'époque fort humide, était recouverte d'une épaisse forêt. Ce n'était pas du tout un espace adéquat pour le tarpan des steppes. De surcroît, les sous-espèces naturelles se sont précisément développées par isolation géographique. Souvenons-nous de cette connaissance, établie récemment, qui prouve que la taille moyenne des premiers animaux domestiqués diminuait par rapport à leur forme sauvage ; alors les descriptions de fouilles de Woldrich nous apparaissent sous un jour nouveau. À côté de quelques ossements de cheval sauvage (equus caballus ; dans la nomenclature moderne : e. f. = p.), Woldrich mentionne de très nombreux ossements de cheval domestique, qu'il nomme equus caballus minor (dans la nomenclature moderne : e. f. = p. f. caballus).
À suivre