Nicolas Sarkozy, Laurent Wauquiez ou, plus récemment, Xavier Bertrand, affirmaient « avoir changé ». Serait-ce aujourd’hui le cas de Caroline Fourest ? En tous cas, si l’on s’en tient à l’entretien accordé au Point ce lundi 12 août, c’est à croire qu’on nous l’a changée ; enfin, un peu.
Il est vrai que son laïcisme intégriste, mâtiné de fondamentalisme républicain et de féminisme radical fait aujourd’hui un peu tâche dans le paysage universitaire décolonial et indigéniste. Et la pauvre petite de se plaindre en ces termes : « On lutte moins contre le viol pour résister au patriarcat que pour exister en tant que victime. C’est tout le problème de l’ère identitaire. Nous l’avons même dépassée pour entrer dans l’ère du narcissisme tyrannique. »
Pour un peu, Caroline Fourest sombrerait presque dans la nostalgie du “bon vieux temps” : « En quelques années, nous sommes passés – et la féministe que je suis ne va pas le regretter – de sociétés héroïques et viriles à des sociétés plus égalitaires, mais aussi de victimes, où le fait de se plaindre vaut mieux que de résister. » Voilà qui n’est pas faux mais, ce disant, ne serait-elle pas dans la posture du pyromane pleurant l’incendie ?
De même, elle n’a pas tout à fait tort, lorsque notant : « Il a suffi d’un seul mot pour retourner la tolérance contre elle-même. Le mot “islamophobie”. À lui seul, ce terme a retourné l’antiraciste contre lui-même. Alors qu’il signifie “phobie de l’islam”, il a permis de faire passer la critique des idées et des croyances pour de la haine envers les personnes. » Bien vu, mais à ce compte, l’antifascisme sans fascistes lui ayant longtemps tenu lieu de bréviaire est tout aussi crétin.
Et notre repentie de confesser : « Pendant des années, j’ai été invitée par des réseaux comme Ras l’Front ou les réseaux antifascistes pour alerter contre le FN. Tous entretenaient la croyance qu’il ne fallait pas parler d’islamisme et des sujets qui fâchent, parce que, disaient-ils, cela faisait monter l’extrême droite. J’y ai cru, moi aussi. Je suis désormais convaincue du contraire. » Fort bien ; mais comme on dit : ce n’est pas forcément aux convertis de porter la bannière en tête de procession.
D’ailleurs, Caroline Fourest a encore un sacré bout de route à parcourir sur le chemin de Damas, puisqu’à aucun moment, dans ce long entretien de huit pages, elle n’évoque le problème de l’immigration. Car ces musulmans fondamentalistes, de l’espèce violente ou non, ne débarquent pas non plus du Rouergue ou de Vénus. Idem pour ce terrorisme dont elle convient qu’en France, « il est à 90% islamiste », – sans d’ailleurs préciser qui est responsable des 10 % restants. Et là encore, elle fait l’impasse sur cette réalité voulant que le terrorisme en question concerne avant tout des immigrés ou enfants d’immigrés plus souvent issus d’Afrique du Nord et d’Afrique noire que d’Islande.
Ensuite, que propose-t-elle ? La laïcité et l’universalisme, pardi. Soient des mots magiques, sorte de mantras, qui conduisent de fait à se payer de mots. Et d’oublier au passage qu’en France, la laïcité, quoique ayant été instituée par la force et la violence contre l’Église catholique, fonctionnait à peu près avant que ne survienne cette même immigration de masse, extra-européenne et ne partageant que de loin notre substrat culturel façonné par des siècles de catholicisme. Quant à l’universalisme, à quelle époque fut-il autre chose qu’un concept vide ? Celle de notre empire colonial. On ne va tout de même pas reconquérir l’Algérie et le Tonkin pour faire plaisir à mademoiselle Fourest.
Et les islamo-gauchistes pour finir : « Ils baignent dans une forme de naïveté, en niant tout ce qui pourrait les agresser. Et pensent parfois, comme Michel Foucault, qu’il suffit de proclamer un monde idéal pour l’obtenir de façon “performative”. » Si l’on avait l’esprit mauvais, on rétorquerait à Caroline Fourest que sa laïcité universaliste, participe du même processus d’aveuglement et de niaiserie.