L’EIGS, l’État islamique au Grand Sahel, vient de subir une perte importante avec l’élimination de son chef Adnan Abou Walid al-Sahraoui (appelé AWAS par l’armée). Il est peut-être exagéré de parler de « coup décisif », comme l’a fait Florence Parly, le ministre des Armées, mais c’est tout de même une étape importante dans la lutte contre le Daech local dont la structure est très centralisée.
Avec lui, c’est un vétéran du djihad qui disparaît. Impliqué dans la guerre civile algérienne des années 90, il mena ensuite un long combat au sein du Front Polisario, le mouvement indépendantiste sahraoui (d’où son nom d’Al-Sahraoui) en guerre contre le Maroc.
C’est aux environs de 2010 que le terroriste apparaît au Mali. Il est alors affilié à Al-Qaïda. Il est de tous les combats, notamment la prise de Gao en 2012, puis, en 2015, annonce son ralliement à l’État islamique. Cela provoque sa rupture avec Mokhtar Belmokhtar mais lui permet de devenir le numéro un de son groupe qui, toutefois, se divise profondément entre l’affiliation à Daech et celle à Al-Qaïda. C’est alors que le nouveau groupe prend le nom d’EIGS.
Depuis, c’est sur la zone des trois frontières (Mali, Niger, Burkina Faso) que l’EIGS lance ses attaques, souvent d’une grande cruauté. Les exactions contre les civils font partie de la panoplie normale de son activité comme, d’ailleurs, partout où Daech exerce ses talents.
Mais c’est aussi lui qui avait tué quatre soldats américains, en 2017, au Niger, provoquant les interrogations de l’opinion publique américaine sur la présence discrète de ses soldats dans cette zone. C’est surtout lui qui avait fait assassiner six humanitaires français, en août 2020, toujours au Niger. Depuis, la France en avait fait sa cible numéro un.
Sa mort est d’autant plus importante qu’elle vient après celle de plusieurs cadres de l’EIGS, en juin et juillet. Le mouvement a également subi des pertes lors de ses combats fratricides contre ses rivaux d’Al-Qaïda, et il semble maintenant durablement affaibli.
L’armée a fourni d’intéressantes précisions sur la façon dont l’opération s’est passée. Elle a eu lieu entre le 17 et le 22 août, dans une zone difficile d’accès où l’EIGS a ses forces principales. Appuyés par des drones (enfin !), des soldats français ont attaqué et ratissé ce territoire, tuant et capturant plusieurs cadres. AWAS aurait été tué par drone dès le premier jour.
Il faut saluer ce succès de Barkhane alors que l’opération doit prendre fin l’année prochaine. À moins qu’un revirement ne se produise, mais rien n’est moins sûr, à l’aube d’une campagne électorale.
Il convient, toutefois, de ne pas se faire trop d’illusions. Si Daech est affaibli, Al-Qaïda ne se porte pas trop mal et, globalement, l’hydre islamiste progresse dans l’Ouest africain. La faiblesse des États y est pour beaucoup, à commencer par celui du Mali avec qui les relations se sont beaucoup tendues, depuis le coup d’État militaire.
L’armée française a, une fois de plus, démontré son efficacité et son professionnalisme, mais elle est bien seule, dans cette immense zone.