Les Gilets jaunes sont-ils prêts à repartir, comme en 18 ? Le 17 novembre 2018, la France des Oubliés déboulait sur les Champs Elysées. Elle allait faire trembler, un temps, les notables de la macronie. Deux ans plus tard, la nouvelle envolée du prix des carburants, ponctionné par une fiscalité gloutonne, a donné prétexte ce week-end à quelques timides réoccupations de ronds-points.
Reste que le gouvernement, toujours aussi arrogant face à la classe moyenne, pourrait bien apporter l’impulsion à une dynamique populaire encore encalminée. Le dédain que montre le pouvoir pour « ceux qui ne sont rien » est un comportement ancré. Emmanuelle Wargon, ministre du logement, en a apporté l’illustration l’autre jour en critiquant la maison individuelle, cet idéal des Français. Elle-même propriétaire d’une maison de 150 m2 dans le privilégié Saint-Mandé (Val-de-Marne), Wargon a fait l’éloge du logement collectif.
Pour la ministre, les pavillons, « ce rêve construit pour les Français dans les années 70 », « ce modèle d’urbanisation qui dépend de la voiture pour les relier », sont un « non-sens écologique, économique et social ». Et d’ajouter : « Le modèle du pavillon avec jardin n’est pas soutenable et nous mène à une impasse ». Mais comment une personnalité qui se dit progressiste peut-elle faire preuve d’une telle morgue ? Vendredi, Wargon a regretté « la caricature faite de ses propos ». « Il n’est pas question d’en finir avec la maison individuelle », a-t-elle assuré.
Les propos de Wargon, qui pourraient s’entendre dans l’excès d’urbanisation des sols, ne sont pas seulement une maladresse. Ils montrent un mépris de classe. Il est porté par la nouvelle bourgeoise urbaine « éclairée ». On se souvient du ministre Benjamin Griveaux qui, en octobre 2018, désignait Laurent Wauquiez (LR) comme le « candidat des gars qui fument des clopes et qui roulent en diesel ». « Ce n’est pas la France du 21 e siècle que nous voulons », avait ajouté Griveaux, aujourd’hui disparu de la scène politique.
En octobre 2020, sur LCI, c’est l’époux d’Emmanuelle Wargon, l’urgentiste Mathias Wargon, qui expliquait à propos de ceux qui contestaient les discours anxiogènes du pouvoir sur l’épidémie de Covid : « Avant, on les entendait au bistrot (les anti-vaccins, les complotistes) Ils étaient un peu bourrés, un peu cons, et on leur disait de rentrer à la maison quand ils étaient trop bourrés… Maintenant, ils sont à la maison, ils sont bourrés, ils sont toujours aussi cons, ils sont sur les réseaux. Je n’ai pas d’autres explications (…) Moi ce qui me fait peur c’est que ces gens votent en fait ». Le nouveau parti de la Raison, que prétend être la majorité présidentielle, se résume assez bien dans ce couple Wargon, belles âmes qui tiennent les « ploucs » pour des sous-citoyens. Oui, l’imbuvable macronie pourrait bien réveiller la révolte mal éteinte des Gilets jaunes.
Ivan Rioufol
Texte daté du 18 octobre 2021 et repris du blog d’Ivan Rioufol