Une fois de plus le pouvoir actuel a confirmé sa tendance à jouer les dames patronnesses, cette nouvelle version de la social-démocratie mise en scène par l’oligarchie régnante. On veut bien donner de l’argent aux pauvres, mais à condition qu’ils restent sages et votent bien. Face à la hausse des prix de l’énergie, le gouvernement avait le choix entre baisser les taxes ou distribuer des chèques ciblés vers les consommateurs.
Il a choisi une troisième solution qui consiste à offrir une indemnité de cent euros à tous les bénéficiaires de revenus inférieurs à 2000 Euros par mois. Ce “cadeau” à la manière de l’aumône qui réjouit davantage celui qui la fait que celui qui la reçoit est vu d’en haut : c’est une dépense supplémentaire de 3,8 milliards d’Euros dans le budget, mais ni le déficit budgétaire, ni l’endettement n’ont été les priorités d’un pouvoir qui table sur des résultats économiques illusoires pour assurer la réélection du président ; la planche à billets permet cette distribution apparemment généreuse gagée sur un avenir compromis, à plus long terme. Son “horizon” comme dirait Edouard Philippe est de quelques mois, l’élection présidentielle. Alors creuser le déficit et l’endettement par une mesure très visible et à court terme était la meilleure solution pour le pouvoir : il caresse un certain nombre d’électeurs, il ne diminue pas ses taxes et donc ses rentrées, il ne mobilise pas trop de monde dans une opération trop complexe. Que cette mesure soit une fois de plus fondée sur une redistribution approximative, et donc nécessairement injuste, ne doit pas surprendre : c’est la signature du régime. La baisse des taxes assortie d’une diminution des dépenses excessives et d’une annulation de celles qui sont superflues était la seule solution responsable et à long terme. Elle aurait touché tout le monde et proportionnellement à la consommation d’énergie de chaque personne ou de chaque foyer. Elle aurait laissé place à la liberté de chacun et à ses choix, par exemple dans ses modes de déplacement ou de chauffage. Ici, la pluie, très fine d’ailleurs d’argent public, arrosera tout le monde, sans tenir compte des situations réelles, mais maintiendra au sec ceux qui contribueront le plus à la financer. Plus du tiers de l’augmentation des prix est lié à la hausse des taxes depuis mai 2017. Les Gilets Jaunes avaient donc parfaitement raison d’en accuser l’occupant actuel de l’Elysée. Ce bakchich à l’orientale n’a pas d’autre but que d’empêcher le réveil de la contestation avant l’élection.
A long terme, c’est le brouillard. Pour l’instant, on entretient l’illusion d’une croissance retrouvée et d’un chômage en recul, comme si l’afflux d’argent factice et le creusement des déficits n’en étaient pas les moteurs. Le déficit public de la France en 2022 sera d’environ 40 milliards de plus que prévu par le gouvernement, à 6,3% du PIB selon le cabinet Oxford Economics. L’inflation est contenue notamment par notre déficit du commerce extérieur qui correspond, hors énergie, à l’achat par les Français de nombreux produits fabriqués à bas coût dans des pays qui ne connaissent ni notre protection sociale, ni nos normes environnementales, ni nos conditions d’emploi et de rémunération. La remontée des taux d’intérêt, inévitable, mettra fin à ce mirage de l’argent facile. On peut s’attendre à un revirement très net au lendemain de l’élection présidentielle, quel que soit l’élu, mais pour le pouvoir, il faut surtout que les Français n’y pensent pas, qu’ils continuent à guetter l’éventuelle nouvelle vague du virus. Une Assemblée de godillots clairsemée vient d’ailleurs de voter le prolongement de l’urgence sanitaire et du pass, cette laisse par laquelle on tient beaucoup de Français jusqu’à l’été, au-delà de l’élection présidentielle.
Dernièrement trois ministres ont offert leur visage à ce personnage de dame patronnesse en qui s’incarne actuellement l’Etat : le Premier, bien sûr avec les annonces dispendieuses dont il inonde la France au gré de ses déplacements, mais aussi Madame Wargon, ministre du Logement. Cette progressiste s’est elle-même caricaturée en grande bourgeoise de gauche typiquement macronienne. Résidant dans une vaste demeure d’une ville résidentielle, Saint-Mandé, elle a fait la leçon à ces pauvres Français qui décidément sont encore des enfants. On vous a bercé avec le rêve de la maison individuelle. C’est un non-sens écologique, économique et social. Sous-entendu : moi j’habite de l’individuel à proximité de Paris parce que j’en ai les moyens. Pour vous, c’est fini. Du Macron, dans le style : pour trouver du travail, il suffit de traverser la rue… Mais le plus parfait est Bruno Le Maire. Imperturbablement dans sa bulle, ce qui devrait inquiéter le ministre de l’économie qu’il est, il n’en revient pas quand Sonia Mabrouk lui demande s’il perçoit encore la réalité. Non, il la retourne comme un gant, dans un déluge de contre-vérités et de platitudes qu’il débite avec le masque du premier de classe sérieux et responsable : il serait gaulliste mais glorifie le “centrisme” de Macron, celui-là même qu’il dénonçait en 2017 sur le même ton magistral comme “l’homme sans projet parce que sans conviction”. Lui, désormais, affirme en avoir, des convictions. Mais c’est pour dire aussitôt qu’il ne sait pas ce qu’est la droite, si ce n’est qu’il est de droite pour être allé à la messe et avoir ciré ses chaussures le dimanche matin quand il était jeune. Cette bouillie bas niveau de neurones, face au discours d’une France qui se redresse tenu par Zemmour, condense l’effondrement de notre prétendue élite. Cet homme fait carrière. C’est son avenir qui l’intéresse et non celui de la France. Il pourfend l’opposition de droite en l’associant à l’idée du déclin comme si précisément ce n’était pas le personnel politique auquel il appartient qui avait, avec un mélange d’ambition individuelle et d’inefficacité pour le pays, précipité ce déclin qu’il prétend ne pas voir.
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