La présente chronique tend, exceptionnellement, à répondre à deux commentaires opposés, émanant de deux lecteurs habituels et amicaux, signant eux-mêmes BL et RR.
Le premier, BL, suggère gentiment que si je me tiens à distance de l'aventure Zemmour c'est par une sorte de jalousie. Par exemple, en effet la conférence-débat qui réunira quelques-uns de nos amis le 8 novembre n'aura pas l'audience quantitative du meeting de Zemmour à Nantes, le 30 octobre. Le second commentateur, RR, lui-même admirateur constant de Guillaume Faye et de Bertrand Renouvin, ce qui n'est pas la même chose, s'efforce de défendre votre serviteur qu'il désigne non moins gentiment comme son vieux camarade.
Merci au moins à tous deux pour l'intérêt qu'ils portent à ces chroniques.
Certes je ne puis que regretter que le succès de librairie de mon dernier livre, la "Terreur rouge", théorie et pratique, pour lequel nous avons travaillé à deux avec mon ami Charles Culbert, n'égale pas, que dis-je n'égale pas : il n'arrive même pas à la cheville de ceux de Zemmour. C'est un fait. Il ne m'empêche pas de dormir.
J'avoue aussi que depuis Tixier-Vignancour en 1965, qui remplissait les salles, dans tout le pays à partir de mai 1964, ou depuis Jean Royer en 1974, pour lequel je n'ai ni voté ni milité non plus, j'ai appris à me défier des engouements successifs de la droite dite "nationale".
Tout un chacun peut et doit mesurer, certes, l'injustice, et même l'ignominie, de certaines attaques contre le quasi-candidat Zemmour. On doit s'inquiéter plus encore des propos agressifs que tiennent à son encontre Hidalgo ou Mélenchon, lequel va jusqu'à lui reprocher de "reproduire beaucoup de traditions liées au judaïsme."
Quand une Hidalgo déclare sur LCI le 31 octobre qu'elle refuse de débattre avec lui, qu'il "occupe l’espace médiatique de manière éhontée" et lance "un appel au CSA", elle ne peut que rendre Zemmour sympathique y compris à ceux qui ne partagent pas ses positions.
Soyons quand même clairs. Tout cela en fait peut-être un porte-drapeau aimable pour les droites les plus radicales, lesquelles semblent en passe de s'y engouffrer toutes. Rien de cela cependant n'en fait un président de la république souhaitable pour la France en 2022, encore moins un élu plausible.
Un curieux entretien, avec un rédacteur de Marianne, était publié le 25 octobre sur Figaro Vox. On y décortiquait l'affirmation de Gérard Larcher rapportée par le Journal du Dimanche quelques jours plus tôt. Le président du Sénat avait ainsi analysé le fond du succès actuel de la campagne Zemmour : "C'est un miroir que nous tendent des millions de Français, qui nous reprochent nos renoncements, notamment sur la question migratoire, l'insécurité et l'identité. Il n'y aurait ni phénomène Le Pen ni phénomène Zemmour si nous avions mieux traité ces questions". À la question "Pensez-vous qu'il a raison ?" David Desgouilles répond : "j'ai l'impression qu'il enfonce une porte ouverte."
Effectivement c'est enfoncer une porte ouverte, ce dont Le Figaro habituellement se garde bien, que de dire de la campagne et du vote de 2022 qu'ils seront largement déterminés par le rejet des trois "i", i comme islamisme, i comme insécurité, i comme immigration.
On doit aussi ajouter c comme crédibilité : croyons-nous en la capacité de présider le pays de tel candidat, à la sincérité de tel autre ? Voilà la double question qui fera pencher l'électeur dans un sens ou dans un autre, et d'abord au sein de la droite classique entre le 1er et le 4 décembre ; et puis, au cours des mois la même interrogation travaillera le principal parti de France, celui des abstentionnistes.
Je voudrais pour conclure faire justice à une accusation des anti Zemmour : on lui reproche d'être maurrassien. Non seulement il ne l'est pas vraiment, mais il professe ouvertement un héritage que tous les maîtres de la pensée maurrassienne, le Martégal lui-même, mais aussi Léon Daudet ou Jacques Bainville ont toujours combattu, celui du bonapartisme. Si chacun d'entre eux a publié un livre sur le sujet, c'est bien parce qu'ils savaient combien il paralysait, en fait, leur mouvement. Voltaire a des mots plus méchants à propos des interdits bibliques : on ne condamne que les vices existants.
Or, c'est à cela, c'est à cette hérésie néobonapartiste sur le fond, qu'était consacrée la chronique en date du 1er octobre sur le Présidentialisme.
Dois-je l'avouer enfin ? "Quand j'étais enfant je pensais comme un enfant" nous dit saint Paul, dans sa Première Lettre aux Corinthiens chapitre XIII, verset 11. Ma chambre de petit garçon était décorée des images d'Épinal, du Pont d'Arcole, de la bataille des Pyramides, etc. Il était d'usage à l'époque de qualifier Napoléon de "plus illustre des Français". Plus tard, nous, jeunes nationalistes qui adhérions au rêve "d'effacer Dien Bien Phu de l'histoire", étions hélas encadrés par de sympathiques héritiers politiques plus ou moins conscients du bonapartisme, du boulangisme, des ligues antiparlementaires et autres croix-de-feu. Et l'Action française elle-même, auparavant, s'est développée dans la contradiction de professer bel et bien une doctrine légitimiste, ralliée à un prince orléaniste, s'adressant à un public bonapartiste.
Or, entre le bonapartisme et la cause des libertés sociales, économiques, régionales, familiales et scolaires, il faudra bien choisir. Un tel écartèlement a tué nos prédécesseurs.
Voilà ce qui me sépare, pour le moment, de l'aventure du camarade Z.
JG Malliarakis