Comme souvent, l’arbre cache la forêt. Une simple phrase, « Les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder », fait oublier le reste. Simple « dérapage », comme disent les médias ? Ou calcul chafouin visant à se mettre dans sa poche l’écrasante majorité du peuple des vaccinés ? Avec Emmanuel Macron, on ne sait jamais vraiment.
Pourtant, dans ce long entretien accordé à nos confrères du Parisien, il y a autrement plus intéressant : sa vision de l’Europe, par exemple. Sur la crise sanitaire, il déplore le manque de coopérations européennes, « comme le font les Américains avec une agence fédérale qui leur a permis d’arriver plus vite au vaccin ». Seulement voilà : l’Europe n’est pas l’Amérique. Elle a certes un drapeau – la preuve par sa brève exposition controversée sous l’Arc de Triomphe –, mais pas de capitale historique, pas de passé semblable et encore moins de peuple constitué.
L’actuel résident de l’Élysée, qui est tout sauf idiot, a bien conscience de cette lacune essentielle : « Il faut d’abord considérer que l’Europe, c’est le respect de nos différences qui sont une chance. » Certes, c’est mignon comme une chanson de Jean-Jacques Goldman, mais le mot ne nous dit guère plus sur le substrat européen. À l’heure où tout le personnel politique, d’Éric Zemmour à Jean-Luc Mélenchon en passant par Marine Le Pen, Valérie Pécresse et… Emmanuel Macron, se donne pour gaulliste, il n’est pas inutile de rappeler ce qu’en disait le principal intéressé : « J’ai, de tout temps, ressenti ce qu’ont en commun les nations qui peuplent l’Europe. Toutes étant de même race blanche, de même origine chrétienne, de même manière de vivre, liées entre elles depuis toujours par d’innombrables relations de pensée, d’art, de science, de politique, de commerce, il est conforme à leur nature qu’elles en viennent à former un tout, ayant au milieu du monde son caractère et son organisation. » Soit, mais ce « tout » relevant plus du banal constat que du vœu pieux, Emmanuel Macron ne l’évoque à aucun moment.
Plus inquiétant, dès lors qu’il sort des déclarations de principe pour entrer dans le lourd, la politique étrangère, Emmanuel Macron emprunte illico la rhétorique de l’OTAN ; c’est-à-dire celle de la Maison-Blanche. À propos de l’Ukraine ? Cette étrange réponse, en forme d’aveu : « L’Europe n’est sans doute pas au bout de ses propres frontières, les Balkans occidentaux ne seront jamais en paix si on les laisse à part. »
Là, une fois encore, notre homme confond USA et Europe. Les premiers, forts de leur « destinée manifeste », se voient comme nation universelle, d’où la forgerie sémantique du « monde libre », allant de Washington à Séoul, de Berlin à Tokyo, de Canberra à Ottawa. Au contraire, la seconde est tenue par des frontières façonnées par des siècles d’Histoire, s’arrêtant naturellement à celles de la Russie. Mais l’idée qu’Emmanuel Macron se fait de ces mêmes frontières est toute théorique, à en croire les reproches faits au président turc Recep Tayyip Erdoğan, dont « le projet n’est pas conforme aux valeurs de l’Europe ».
Une fois de plus, nous nageons en plein pilpoul politico-sociétal, cette déclaration présidentielle équivalant à prétendre que si la Turquie adoptait théorie du genre, idéologie « wokiste », GPA et mariage homosexuel, elle serait la bienvenue en cette Europe sans frontières ? Décidément, on apprend nombre de choses dans les grandes écoles, les banques et les ministères ; hormis l’essentiel, peut-être.
Emmanuel Macron se voulait Président jupitérien, chef suprême des armées ? Il n’est que comique troupier. Et même pas drôle, encore ; sauf à son corps défendant, loin de celui, mystique, du roi, qu’il entendait pourtant incarner au début de son mandat. C’était il y a longtemps, si longtemps.
Nicolas Gauthier
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