Une trentaine d’avocats (parmi lesquels celui de votre blogue Me Triomphe), magistrats, professeurs d’université, notaires et juristes dénoncent dans cette tribune de Valeurs Actuelles les propos tenus la semaine dernière par le président de la République, et s’interrogent sur les conséquences légales qu’ils pourraient avoir :
« J’apprends que le gouvernement estime que le peuple a trahi la confiance du régime et devra travailler dur pour regagner celles des autorités. Dans ce cas, ne serait-il pas plus simple pour le gouvernement de dissoudre le peuple et d’en élire un autre ? » (Bertolt Brecht)
La scène imaginaire décrite avec ironie par Brecht est devenue aujourd’hui une réalité :
« En démocratie, le pire ennemi c’est le mensonge et la bêtise. Nous mettons une pression sur les non-vaccinés en limitant pour eux, autant que possible, l’accès aux activités de la vie sociale » (…) « Quand ma liberté vient menacer celle des autres, je deviens un irresponsable. Un irresponsable n’est plus un citoyen » (…) « C’est une toute petite minorité qui est réfractaire. Celle-là comment on la réduit ? On la réduit, pardon de le dire comme ça, en l’emmerdant encore davantage. Moi je ne suis pas pour emmerder les Français. Je peste toute la journée contre l’administration quand elle les bloque. Eh bien là, les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder. Et donc on va continuer de le faire, jusqu’au but. C’est ça, la stratégie. Je ne vais pas les mettre en prison, je ne vais pas les vacciner de force. Et donc, il faut leur dire : à partir du 15 janvier, vous ne pourrez plus aller au restau, vous ne pourrez plus prendre un canon, vous ne pourrez plus aller boire un café, vous ne pourrez plus aller au théâtre, vous ne pourrez plus aller au ciné… » (Emmanuel Macron, le Parisien, mercredi 5 janvier 2022).
La dernière saillie du président de la République est à la fois une déclaration de bannissement civique d’une partie des Français et une atteinte à la Constitution, qui le rendrait passible — si les représentants du peuple en avaient le courage — de destitution pour manquement aux devoirs de sa charge de manière manifeste et incompatible avec l’exercice de son mandat.
Un bannissement inacceptable de concitoyens
Tout le monde conserve à l’esprit la fracassante allocution d’Emmanuel Macron du 16 mars 2020 dans laquelle il a, à six reprises, insisté sur le fait que la France était en guerre. À l’époque l’ennemi était « invisible, insaisissable ». Depuis lors, l’ennemi a un nom : le peuple de France qui refuse, pour des raisons qui, à tort ou à raison — l’histoire se chargera de le dire —, lui sont propres, de se soumettre à la pression vaccinale imposée par le gouvernement.
« J’ai très envie de les emmerder. Et donc on va continuer de le faire, jusqu’au but. C’est ça, la stratégie », déclare Emmanuel Macron. Monsieur le Président, vous êtes le président de tous les Français et non pas seulement de vos électeurs. Que cela vous plaise ou pas, le mandat de président vous a été confié par tous les citoyens. Il est inacceptable, pour les juristes que nous sommes, de vous entendre parler de réduire une minorité, ce qui est le propre de toute démocratie libérale, en l’emmerdant encore d’avantage. Vos propos clivants ne sont pas dignes d’une République et d’une Nation qui a figée comme principe premier des droits de l’homme et du citoyen que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune » (art. 1, Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789).
Qui porte atteinte à notre Constitution
Vous portez atteinte à l’égalité entre les citoyens en créant par vos paroles et actions des citoyens déclassés, des citoyens de seconde zone. L’histoire a déjà connu des tragédies lorsqu’au nom de minorités réfractaires les gouvernants se sont livrés aux pires abus des droits humains conduisant leurs semblables à la destruction et à la mort. Rappelons aussi que
« la Loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas (art. 5, Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789) ».
La loi n’impose pas une obligation vaccinale à caractère général. Cela aurait comme corolaire d’imposer à l’État la responsabilité qui découle de cette obligation, responsabilité que vous n’avez jamais assumée depuis le début de la crise sanitaire. De ce fait, nul, hormis les personnes strictement listées par la loi, ne peut être contraint à se faire vacciner. Le choix personnel de refuser une injection ne peut avoir comme conséquence de rendre un citoyen victime d’une vindicte étatique qui ne repose sur aucun fondement de droit. Les gouvernements passent mais la Constitution reste. Comme tous les Français, et encore plus qu’eux, par les fonctions qui sont les vôtres, il vous est imposé de respecter l’État de droit et ses règles.
L’article 5 de la Constitution française précise que
« Le président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités. »
Vous devez veiller au respect de la Constitution et nous autres, juristes, nous serons toujours présents pour vous le rappeler à chaque fois que, par vos paroles ou actions, vous trahirez le dépôt qui vous a été confié. « L’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements » (préambule, Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789). Ne méprisez pas, Monsieur le Président, les droits de toutes les composantes de notre Nation, ne seraient-elles toutes vos électeurs. Par la violence de vos paroles, vous incitez à la haine et créez la division :
« En démocratie, le pire ennemi c’est le mensonge et la bêtise. Nous mettons une pression sur les non-vaccinés en limitant pour eux, autant que possible, l’accès aux activités de la vie sociale. » (Emmanuel Macron, le Parisien, mercredi 5 janvier 2022)
Vous traitez, avec dédain, plus de 5 millions de Français de menteurs et d’abrutis et vous prétendez de votre seule autorité leur dénier la qualité de citoyens. Faut-il vous rappeler, à ce stade, que si beaucoup de Français n’ont pas souhaité se faire vacciner c’est parce que votre gouvernement, et vous-même, Monsieur le Président, vous avez depuis le début de la crise sanitaire tenu des propos mensongers et des actions contradictoires ? Faut-il vous rappeler que cela fait à peine un an vous affirmiez : « Je l’ai dit, je le répète : le vaccin ne sera pas obligatoire. » Quelle crédibilité pouvez-vous espérer avoir dans ces conditions ? Au lieu de traquer les Français libres, Monsieur le Président, vous feriez mieux de leur présenter vos excuses.
La France ne vous appartient pas, ni à personne.
Et qui pourrait mériter une destitution pour manquement aux devoirs de votre charge
Vos propos sont d’une telle gravité que vous pourriez vous rendre passible de la sanction prévue par l’article 68 de la Constitution nationale, selon laquelle
« le président de la République ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour. »
Bien sûr, la majorité présidentielle vous protègera de la constitution d’une Haute Cour pour vous juger, mais la matière à incrimination est constituée et jette un discrédit sur la fonction présidentielle, dans l’opinion publique française comme internationale.
Vous parlez trivialement de vos concitoyens comme ce que vous dénonciez d’un Trump, d’un Poutine ou d’un Bolsonaro, mais que nous sachions ces chefs d’État n’ont jamais parlé des Américains, des Russes ou des Brésiliens qui ne votaient pas pour eux comme vous venez de le faire !
De manière symbolique, au nom de tous les citoyens déclassés que vous souhaitez laisser sans voix, nous sommes affligés de constater que vous avez gravement failli aux devoirs qui sont les vôtres, ce qui pourrait entrer dans les prévisions de l’article 68.
La France éternelle, celle qui vibre encore dans le cœur de très nombreux Français qui savent reconnaître leur frère dans leur semblable sans se soucier si celui-ci porte son passe vaccinal ou pas, vous jugera un jour, dans les urnes et dans l’histoire.