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Les mouroirs portent désormais bien leur nom

C’est un livre glaçant, révoltant, atroce. Un lieu où les familles payent cher pour y faire entrer un proche mais où ce dernier payerait encore plus cher pour en sortir. Le journaliste indépendant Victor Castanet publie Les Fossoyeurs chez Fayard. Une enquête de trois ans, publiée ce mercredi, en immersion dans les établissements Orpea, leader mondial de la maison de retraite. Et le résultat est glaçant ; en parcourant Le Monde qui s’est procuré les bonnes pages, on est saisi par l’horreur. Des pensionnaires payant plus de 3 000 euros par mois rationnés sur les couches et les biscottes, des salariés parfois forcés à la maltraitance pour d’obscures raisons de rentabilité et de sous-effectifs.

Il faut lire dans Le Monde le témoignage de Saïda Boulahyane, auxiliaire de vie chez Orpea : « Dès que je suis arrivée dans cette unité, dès que l’ascenseur s’est ouvert, j’ai compris que quelque chose n’allait pas. Déjà, il y avait cette odeur de pisse terrible, dès l’entrée. Et je savais que c’est parce que [les résidents] n’étaient pas changés assez régulièrement », lâche-t-elle. Puis elle poursuit : « Ça s’est révélé être le cas. Je suis restée près d’un an là-bas, et je ne vous dis pas à quel point il fallait se battre pour obtenir des protections pour nos résidents. Nous étions rationnés : c’était trois couches par jour maximum. Et pas une de plus. Peu importe que le résident soit malade, qu’il ait une gastro, qu’il y ait une épidémie. Personne ne voulait rien savoir. »

Et tout le livre recèle de témoignages de cet acabit. Pour des montants allant de 2 500 à plus de 7 000 euros par mois, voilà comment sont traités les pensionnaires. Le livre à peine sorti est déjà au cœur de la polémique. La société Orpea a fait savoir d’ores et déjà qu’elle attaquera sans même avoir lu le livre. Pire, l’auteur révèle qu’on lui a proposé 15 millions d’euros pour ne pas publier l’ouvrage. Le gouvernement a de son côté déclaré qu’il convoquera le directeur général d’Orpea pour s’expliquer.

Derrière le scandale

C’est un marronnier de l’enquête à scandale, les maisons de retraite sont bien souvent pointées du doigt par les journalistes et l’opinion publique. Rentabilité rognée sur le bien-être des pensionnaires malgré des coûts exorbitants, personnel peu qualifié et en sous-effectif, encadrement médical en pointillé… Des attaques, hélas, rarement suivies d’effets. D’autant que les errements des gros groupes ne doivent pas masquer l’exemplarité d’autres établissements. Il faut aussi remettre en perspective, plus de 70 % des EHPAD sont publics, et assez épargnés par le vent de protestation alors même qu’ils sont aux prises avec des scandales similaires, on y est souvent encore moins bien logés car ces établissements sont bien moins onéreux et donc proposent moins de services. L’affaire Orpea pose en tout cas une vraie question d’ordre civilisationnel. Que penser d’une nation qui a fait de l’EHPAD une norme d’accueil pour ses vieillards ? Que penser d’une société qui éloigne d’elle ses membres les plus fragiles ? Il ne s’agit pas de condamner tout le monde : lorsque la grand-mère est atteinte d’une lourde pathologie associée à des crises de démence et de violence, elle nécessite souvent une hospitalisation dans une structure dédiée. Mais que dire de ces légions de vieillards encore bien portants enfermés dans ces établissements tout simplement parce que leur relative dépendance gênait ? •

Journal Présent 

https://www.tvlibertes.com/actus/la-une-de-present-du-27-01-2022

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