« Bien entendu, nous ne ferons rien ». Ce fut l’aveu de Claude Cheysson, ministre des affaires étrangères de François Mitterrand, après le coup d’Etat en Pologne de décembre 1981. La même prudence est reprise ces jours-ci dans le camp occidental, plus pusillanime que jamais. Après la reconnaissance par Vladimir Poutine, lundi soir, des « républiques populaires » de Donetsk et Louhansk (Dombass), les démocraties indignées ne feront rien.
Elles se contenteront de protestations usuelles et de sanctions économiques symboliques contre la Russie et sa volonté de déstabiliser l’Ukraine. Les mots pourtant ne manquent pas pour alerter sur la gravité de la situation créée par l’autocrate russe. Emmanuel Macron, qui s’est fait humilier par le nouveau tsar en croyant jouer au pacificateur, le qualifie de « paranoïaque ». L’Anglais Boris Johnson accuse Poutine de préparer « la plus grande guerre en Europe depuis 1945 ».
Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des affaires étrangères à l’Assemblée nationale, évoque « la plus grave crise internationale depuis la deuxième guerre mondiale ». Si la menace est bien celle décrite par l’Union européenne et les Etats-Unis, une mobilisation militaire devrait s’imposer. Mais les Occidentaux n’ont aucune envie de sacrifier une vie de soldat pour défendre l’intégrité de l’Ukraine. Poutine le sait : il est libre de ses gestes, face à un camp désarmé. Il reste à espérer que le maître du Kremlin saura maîtriser le mépris que lui inspirent ces beaux parleurs qui se planquent.
Poutine révèle ce que sont les donneurs de leçons : des faiseurs de jactance incapables de penser le conflit contre les puissants. Le régime russe est répulsif dans son autoritarisme, son centralisme, sa brutalité. On ne peut reprocher néanmoins à Poutine de vouloir défendre son peuple, sa culture, son histoire : des valeurs considérées comme ringardes par le « progressisme » occidental. Le monde libre aura trouvé naturel de séparer par la force le Kosovo devenu majoritairement musulman de la Serbie chrétienne. En revanche, il trouve intolérable que les russophones du Dombass soient attirés par le monde orthodoxe. Plus généralement, l’Europe montre son propre déclin. Le 15 mai 2014, je publiais un bloc-notes titré : « L’homme européen est une femme à barbe », après le choix de l’Eurovision de promouvoir un transsexuel barbu, Conchita Wurst. J’y écrivais notamment : « Le nouvel Homme européen est une femme à barbe. La promesse européenne ? Elle enfante ce divertissement transgressif, exhibé comme une fierté libératoire et une victoire politique. Conchita résume le manque d’ambition de l’Europe déclinante : une réalité qui se lit plus gravement dans le plaisir cynique que prend Vladimir Poutine à l’humilier sur le terrain ukrainien. Tandis que l’Eurovision plébiscitait son héroïne labellisée LGBT (lesbienne, gay, bi et trans), le tsar faisait défiler ses troupes et ses chars sur la place Rouge, puis en Crimée annexée. À quelques jours de l’élection de ses députés, l’Union européenne se présente sans diplomatie, sans armes, sans âme. Sans rien sinon sa futilité étalée. » C’est cette futilité que nous payons.
Ivan Rioufol
Texte daté du 23 février 2022 et repris du blog d’Ivan Rioufol