Emmanuel Macron fidèle à lui-même ! Dans une allocution d’une quinzaine de minutes prononcée jeudi, le président de la République a montré ses limites diplomatiques mais aussi sa malice politique.
Comme lors du discours prononcé le 24 février, Emmanuel Macron se tenait jeudi soir devant trois drapeaux. Celui de la France, naturellement, celui de l’Union européenne, sans surprise, mais aussi celui de l’Ukraine. Même si l’on peut légitimement être solidaire de la nation ukrainienne et admiratif de sa résistance militaire et populaire, voilà une décision partisane loin d’être anodine de la part d’un chef d’Etat et qui rend caduque toute prétention diplomatique.
Emmanuel Macron a par ailleurs assuré que « nous nous tenons aux côtés de l’Ukraine » et adressé « le soutien fraternel de la France » au président ukrainien Volodymyr Zelensky, précisant que ce dernier était « le visage de l’honneur, de la liberté et de la bravoure ». Certes, mais ce dernier est aussi considéré comme un ennemi par la Russie. Afficher explicitement un soutien envers lui paraît donc peu stratégique pour tenter de convaincre Vladimir Poutine d’une désescalade militaire.
La voie diplomatique est pourtant celle qu’Emmanuel Macron prétend défendre, affirmant d’ailleurs être toujours « en contact » avec les présidents des deux pays. Nul doute que la médiation française aurait été crédible si notre pays n’avait pas passé les dernières années à sanctionner et diaboliser la Russie.
Ni diabolisation, ni angélisme, voilà une posture sérieuse qui paraît impossible à tenir pour le gouvernement.
Rappelons la bourde de Bruno Le Maire qui, mardi, déclarait sur France Info que nous menions « une guerre économique et financière totale » à la Russie, un message repéré et dénoncé par Dmitri Medvedev, proche de Vladimir Poutine. En ne désavouant pas publiquement son ministre, Emmanuel Macron s’est tiré une nouvelle balle dans le pied pour ses futurs échanges avec le maître du Kremlin.
La guerre a bon dos
Emmanuel Macron n’a pas officialisé sa candidature à l’élection présidentielle mais a tout de même profité de cette allocution pour avancer ses pions et annoncer la couleur pour les temps à venir. Plus d’UE (réflexion autour de la défense européenne), plus d’OTAN (annonce du déploiement de soldats français dans les pays Baltes et en Roumanie), mais aussi une crise économique dont la cause serait essentiellement la guerre en Ukraine.
Oubliant sa politique suicidaire du « quoi qu’il en coûte » ainsi que le contexte économique mondial bouleversé par le Covid, Emmanuel Macron a donc expliqué la hausse prochaine du coût des matières premières et des énergies par la guerre fraîchement déclenchée, osant même déclarer que « notre croissance aujourd’hui au plus haut sera immanquablement affectée ». Si la guerre n’arrangera évidemment pas le problème, les prix explosaient déjà depuis de nombreux mois. La croissance actuelle n’est, quant à elle, que le retour de manivelle du désastre économique de 2020.
Si Vladimir Poutine a ridiculisé Emmanuel Macron sur la scène internationale, il lui aura bel et bien été d’une aide précieuse pour ses ambitions nationales.
Louis Marceau
Article paru dans Présent daté du 3 mars 2022