Comme quoi un discours face aux Français était bien nécessaire ! Face aux habitants de Poissy réunis, ce 7 mars au soir, par leur maire, Emmanuel Macron a enfin entamé sa campagne électorale. Avec une promesse qui tient du tour de prestidigitation. « On supprimera des impôts qui restent, la redevance télé en fait partie, c’est 137 euros en moyenne [en réalité, 138 euros, NDLR], c’est cohérent avec la suppression de la taxe d’habitation : il faut aller au bout », a tranché le président de la République. Sonnez musette, chantez coucous, la France ne sera plus jamais ce qu’elle était. L’ombre s’efface devant la lumière. Quelle créativité, quelle idée ! Quelle avancée merveilleuse sur le chemin du progrès !
Mais voilà, ce premier caillou blanc n’en est pas un. D’abord parce qu’Emmanuel Macron démarre sa campagne par un emprunt. La mesure faisait déjà partie des programmes de Marine Le Pen, la première à l’avoir proposée, et d’Éric Zemmour. Deux candidats patriotes que le président de la République et ses affidés dénoncent du matin au soir et du soir au matin comme de dangereux incompétents, irréalistes, nuls en économie et on en passe. Ensuite, Emmanuel Macron ne dit pas comment il financera cette mesure. Sans doute puisera-t-il dans les caisses de l’État les quelque 3,2 milliards d’euros évaporés (les fruits de la redevance). Charge à lui d’augmenter d’autres impôts : Macron a le choix, tant la France est créative dans ce domaine - un modèle absolu dans le monde. Il s’agit donc d’un tour de passe-passe à somme nulle, un de ces vrais-faux cadeaux dont raffole le chef de l’État. Les naïfs auront le temps de se réjouir avant que la facture sortie par la grande porte ne revienne par la fenêtre.
Car l’audiovisuel public coûte cher, très cher, aux Français. Près de 3 milliards d’euros pour la seule France Télévisions, à peine moins que le prix de nos prisons. Quelque 600 millions pour Radio France. Surtout aux Français qui financent, non pas de gré mais de force, les nombreux salariés de ces maisons (près de 9.000 chez France Télévisions !), nos médias publics témoignent de leur reconnaissance en leur lavant consciencieusement le cerveau à longueur de feuilletons politiquement corrects et d'émissions à faire dresser les cheveux sur la tête, comme celles de France TV Slash. À tel point que le groupe a dû faire amende honorable et reconnaître des « maladresses ».
Des maladresses très, très orientées… Marine Le Pen, elle, a trouvé une solution plus logique : la privatisation pure et simple de la quasi-totalité de l’audiovisuel public. « C'est, immédiatement, 2,8 milliards de redevance que nous rendons aux Français. Nous sommes une grande démocratie. A-t-on encore besoin d'un audiovisuel public de cette taille ? », a interrogé la candidate, dès septembre 2021, dans les colonnes du Figaro. Éric Zemmour a la même ambition.
Voilà une opération économique, bien financée, urgente et de salut public quand la proposition d’Emmanuel Macron tient de l’opération… comptable. Au passage, le Président a trouvé une manière de sanctuariser ces caisses de résonnance honnies par bien des Français. Ils constatent en vain l'écart de ce média qui leur appartient avec ce qu'ils sont et ce qu'ils pensent. Circulez, il n'y a rien à voir. Payez, braves gens, on s'occupe de tout. Jusqu'à quand ? Ce premier caillou blanc en dit long sur les cinq années passées, et plus long encore sur celles qui viennent si Macron reste aux commandes.