Mac Kinsey, le scandale de trop !
” Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark” . Cette formule célèbre tirée du Hamlet de Shakespeare est souvent utilisée lorsqu’une odeur de scandale commence à stimuler le sens olfactif de l’opinion publique. Il semblerait que le covid, dangereux pour l’odorat, ait des effets collectifs sur ceux qui fabriquent l’opinion publique. A moins que ce ne soit l’odeur de la poudre qui à partir de l’Ukraine se répande sur l’Europe et empêche de de sentir autre chose. Or, un remugle insistant émane de l’Etat français, et de la caste qui le dirige autour d’un homme qui en est la caricature.
Certes les grands médias tentent de boucher le nez des Français, mais ici et là, la puanteur est perceptible : il n’y a pas “quelque chose de pourri” dans la république française, mais c’est la République elle-même qui commence à sentir la banane, une banane trop mûre, en voie de putréfaction. Aujourd’hui, cette odeur s’appelle Mac Kinsey. Si l’attention des Français était logiquement attirée vers cet énorme scandale comme elle l’a été il y a cinq ans sur l’emploi fictif de Mme Fillon, minuscule par rapport à cette affaire, le président sortant devrait être éliminé de la compétition électorale avant d’être poursuivi par la Justice. Mais, notre système judiciaire, notre presse, et le microcosme dirigeant opèrent un tri dans ce qui doit ou non intéresser les Français. En quelques semaines, le compte de François Fillon a été réglé. Depuis cinq ans, le scandale Alstom dort dans les armoires de la justice. Heureusement, le Sénat et ses commissions où s’est réfugié le sens de l’Etat a débusqué un autre scandale qui montre que le premier n’était pas un accident, mais seulement l’un des signes du système. Le député qui avait pointé l’affaire Alstom, Olivier Marleix avait pu parler d’un “pacte de corruption”. Mac Kinsey révèle l’ampleur du problème au coeur même du pouvoir que les Français subissent.
Mac Kinsey est la succursale française d’un très gros cabinet d’audit américain. L’Etat français fait souvent appel à lui pour en recevoir les conseils éclairés avant d’entreprendre une action publique. C’est ainsi que les sénateurs ont mis au jour un contrat de plus de 500.000 euros par lequel McKinsey était chargé réfléchir au « métier d’enseignant de demain ». C’est lui également qui a reçu 4 millions d’Euros pour réformer les Aides Personnalisées au Logement, et… baisser celles-ci de 5 euros pour les étudiants. C’est encore lui qui a empoché près d’un million d’euros pour plancher sur la réforme des retraites qui n’a pas abouti. C’est toujours lui qui est intervenu pour l’organisation de la campagne de vaccination, à raison de 12 millions d’euros. Dans l’ensemble, cet appel de l’Etat aux cabinets privés atteint une dépense de 894 millions d’euros en 2021.
Cette dérive établie clairement par l’enquête sénatoriale pose au moins quatre problèmes. Le premier est évidemment le comble de l’absurdité pour un Etat pléthorique par le nombre de ses fonctionnaires, la kyrielle de ses administrations et agences, le gouffre de ses dépenses, et le puits sans fond de son endettement, d’être incapable de résoudre les problèmes qu’il affronte par ses propres moyens pourtant colossaux. Nous sommes apparemment écrasés sur le plan fiscal et réglementaire par un Etat-diplodocus tellement gros et lourd, tellement empêtré dans ses mouvements, tellement plein de graisse et vide d’intelligence qu’il est condamné à se faire guider par un tiers. Au-delà de cette apparence, il y a de multiples connivences entre les responsables publics et privés, qui appartiennent au même microcosme, se connaissent, passent d’un côté à l’autre, du public par exemple où ils ont constitué un carnet d’adresse au privé où ils le transforment en revenus mirobolants sans rapport avec de prétendues compétences. Or l’Etat a les outils nécessaires et ceux-ci les statuts propres à lui permettre d’assurer ses missions pour peu que le recrutement des responsables fasse régner le sens du Service Public plutôt que de satisfaire la proximité idéologique ou carrément le copinage. Michel Onfray dans “Foutriquet”, son livre au vitriol sur Macron, évoque “cette dame” aux “notes de taxis dispendieuses” quand elle était directrice générale du Centre Pompidou et réintégrée en douce après une courte suspension comme chargée de mission au ministère de la culture. M. Macron n’avait pas besoin pour “emmerder les Français” de faire appel à Mac Kinsey : il y avait Santé Publique France, le Haut Conseil de Santé Publique, la Haute Autorité de la Santé, et j’en passe. On se demande à quoi servent les rémunérations de leurs agents, dont beaucoup son parfaitement compétents, dès lors qu’il faut payer 1528 euros une journée de consultant (en moyenne) de Mac Kinsey !
La seconde question qui se pose est le processus “d’optimisation fiscale” décelée chez Mac Kinsey. C’est une succursale française d’une société américaine basée au Delaware. Celle-ci a un chiffre d’affaires de 329 millions d’euros et ne paie pas d’impôts en France car la maison-mère américaine lui facture ce qu’il faut de prestations pour éponger ses bénéfices. Et donc on assiste à ce scandale de l’argent public français avalé par une société étrangère située dans un Etat dont tout le monde sait qu’il est le paradis fiscal intérieur aux Etats-Unis… et dont ce cher Joe Biden à l’honnêteté proverbiale a été le sénateur. Karim Tadjeddine, son responsable en France, intervenant devant les sénateurs, a affirmé que sa société payait des impôts en France. Elle n’en a payé aucun depuis dix ans. Cela s’appelle un parjure, et c’est le troisième problème que le Sénat a mis en lumière avec les poursuites qui s’imposent.
Enfin, et c’est le plus grave : cette affaire révèle une connivence voire une complicité jusqu’au plus haut niveau de l’Etat. Bercy n’ignore évidemment rien de la situation fiscale de Mac Kinsey. Comment a-t-il pu laisser passer les réponses aux appels d’offre de cette entreprise ? Favoritisme ? Concussion ? Depuis la commission Attali jusqu’aux multiples recours à Mc Kinsey depuis qu’il joue un rôle politique, en passant par la constitution d’En Marche, les liens entre cette succursale américaine et le président français sont récurrents. Éric Labaye, le dirigeant de McKinsey qu’Emmanuel Macron avait rencontré en 2007, a été nommé président de Polytechnique par Emmanuel Macron en août 2018. De son côté, l’ancien patron des Jeunes avec Macron, Martin Bohmert, a rejoint le cabinet McKinsey en 2020. Par ailleurs on sait aussi que Victor Fabius, le fils, y est directeur associé…
Les Français vont-ils accepter, soumis, d’avoir été trompés, trahis, humiliés et de l’être à nouveau cinq ans de plus ?