Il y a droits de l’homme et… droits de l’homme. Alors que les sept plaies d’Égypte s’abattent sur la Russie depuis l’invasion de l’Ukraine, alors que le Parlement européen vient de voter une résolution non contraignante pour un embargo « total et immédiat » du pétrole, du gaz et du charbon russes, le monde entier se prépare, à l’automne prochain, à suivre le Mondial de football 2022 qui aura lieu au Qatar.
Et là, il semblerait qu’il n’y ait plus de valeurs universelles et intouchables qui tiennent. Elles semblent comme par enchantement disparaître face à des enjeux financiers colossaux.
Amnesty International, selon l’AFP, s’alarme des conditions de travail des agents de sécurité au Qatar, « comparables à du travail forcé », « trente-quatre actuels et anciens employés de sociétés de sécurité privées, des travailleurs immigrés principalement originaires du Kenya et d'Ouganda, décrivent des journées de travail de plus de 12 heures, 7 jours sur 7, parfois sans ombre ni eau potable ».
Le 24 février 2021, TV5 Monde, reprenant une enquête du Guardian, faisait état de 6.500 travailleurs migrants morts sur les chantiers des stades et infrastructures qui se sont fortement développés en vue de l’événement sportif. 90 % des travailleurs sont des migrants venant du Sri Lanka, du Népal, du Bangladesh, de l’Inde, du Pakistan, mais aussi du Kenya ou des Philippines. Ce chiffre est d’ailleurs a priori sous-estimé, puisque les autorités de tous ces pays ne communiquent pas forcément le nombre de victimes.
Victimes de quoi ? Mauvais traitements, plages horaires trop longues, conditions de travail éprouvantes dans un pays où la chaleur est suffocante. Face aux remontrances de plusieurs ONG, le Qatar aurait amélioré son droit du travail. « Cependant, ces réformes ne sont pas toujours mises en œuvre, laissant des milliers de travailleurs à la merci d'employeurs sans scrupules, qui continuent de les exploiter en toute impunité. Aujourd'hui, de nombreux travailleurs migrants ne sont toujours pas payés à temps ou en totalité », explique May Romanos, avocat d’Amnesty International.
« Parmi eux, 100 travailleurs de Qatar Meta Coats (QMC) œuvrant sur le grand stade Al-Bayt, emblème de la culture bédouine locale, avec son architecture en forme de tente, n'auraient pas perçu des salaires sur une période de sept mois, selon un rapport d'Amnesty publié mercredi. » (Capital, 11/6/2020).
Face à la polémique, le président du comité d’organisation du Mondial Nasser Al-Khater s’est exprimé : « Au Qatar, trois travailleurs de la Coupe du monde sont morts » (cité par BFM RMC Sport, 3/12/2021 ). Fermez le ban !
Comment expliquer l’indignation à géométrie variable de nos dirigeants et de nos sportifs ? Vont-ils, cette fois-ci, mettre le genou à terre pour dénoncer le quasi-esclavagisme des employeurs qataris ?
Le Mondial de football, ce sont aussi des enjeux financiers colossaux avec, par exemple, un marché télévisuel potentiel de 3,2 milliards de téléspectateurs. En France, la diffusion des matchs sera assurée par TF1 et beIn Sports, beIn Sports (ex-Al Jazeera Sport) étant le groupe de télévision sportive payant qatarien qui diffusera en exclusivité dans toute l’Afrique du Nord et au Moyen-Orient l’intégralité du championnat.
Le président de beIn Sports, Nasser Al-Khelaïfi est également le PDG du PSG. Alors non, on ne se fâche pas avec les puissants qataris pour des broutilles de respect des droits de l’homme. Même si la Russie et le Qatar ont signé un accord de défense et de coopération militaire dans le domaine de la défense anti-aérienne et de la fourniture d’armes en octobre 2017 (L’Orient-Le Jour, 26/10/2017).
Et que dire de la FIFA, qui a toujours défendu ses amis qataris, notamment pour la désignation du Qatar comme pays hôte. Pour ce championnat, ses partenaires sont Adidas™, Coca-Cola™, Qatar Airways™, Qatar Energy™, Visa™, entre autres. La fine fleur du capitalisme mondial.
Mais, toujours vigilante, la FIFA vient d’exclure la Russie de la compétition.
Comme l’écrivait George Orwell dans La Ferme des animaux, « tous les animaux sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres »…
Marie d'Armagnac
https://www.bvoltaire.fr/pas-de-sanctions-pour-le-qatar-ce-grand-ami-des-droits-de-lhomme/