Lu dans Valeurs Actuelles :
[…] Depuis 2017, le parti est écartelé entre un ligne conservatrice, très à droite, incarnée notamment par Laurent Wauquiez ou Éric Ciotti, et une ligne plus modérée, celle portée pendant la campagne par Valérie Pécresse. La contre-performance de la candidate fait inévitablement resurgir ces lignes de fracture. Le parti doit-il jouer, une fois encore, la carte du “Front républicain” contre le Rassemblement national ? S’opposer à Emmanuel Macron ? Ou tenir une ligne “ni, ni” ? Lorsqu’elle monte sur scène, 20 minutes après l’annonce des résultats, la présidente de la région Île-de-France a fait son choix :
« Malgré les profondes divergences que j’ai martelées tout au long de la campagne, je voterai en conscience Emmanuel Macron pour empêcher l’arrivée au pouvoir de Mme Le Pen et le chaos qui en résulterait. »
Elle embraye en « demand[ant] aux électrices et aux électeurs qui [l]’ont honorée de leur confiance, de peser les conséquences potentiellement désastreuses, pour notre pays et pour les générations futures, de tout choix différent du [s]ien qu’ils envisageraient pour le second tour ». En clair, elle leur demande de voter eux aussi pour le Président sortant.
Un message loin d’être reçu 5/5. Les Républicains devaient débattre lundi matin, lors d’un bureau politique, de la ligne à adopter ; en fait de quoi les avis contraires se multiplient, dès 20 heures passées ce dimanche. Eric Ciotti, premier à prendre la parole, annonce sur le plateau de TF1 que
« les Français sont libres, mais personnellement je ne voterai pas pour Emmanuel Macron. […] Je récuse ces termes [de barrage] qui sont classiques et que les Français ne supportent plus. »
Un peu plus tard, Julien Aubert, le député du Vaucluse, affirme sur BFM TV qu’il « ne votera pas pour Emmanuel Macron ». En fin de soirée, c’est encore Guilhem Carayon, le président des Jeunes Républicains, qui lance sur Twitter
« pendant 5 années, nous avons combattu la politique d’Emmanuel Macron. Par cohérence, je ne voterai donc pas pour lui. »
Alors le parti peut-il résister au choc ? « Il est trop tôt pour parler d’implosion. On surévalue le moment, par rapport à une histoire qui s’annonce déjà longue », tempère Julien Aubert. Amine Elbahi, de l’équipe de Valérie Pécresse, se montre plus pessimiste :
« Il faut se demander comment la droite va survivre demain, et comment attirer nos électeurs qui sont partis ailleurs. Il faut renouveler nos idées et trouver de nouveaux visages. »
Le “renouvellement”, c’est un peu le mantra des Républicains, une solution magique qui leur permettrait de survivre à la tempête mais dont les contours restent bien flous. Charles Consigny, élu parisien, martèle : « Il y avait un problème de ligne politique, nous n’avons pas proposé un vrai modèle de société, peste-t-il. Ça serait une bonne chose maintenant de mettre en avant de nouvelles têtes. » « Quand vous avez une décomposition, c’est prévu qu’il y ait une recomposition. », ajoute Julien Aubert. « On ne peut pas faire indéfiniment le grand écart au sein du parti, il faut assumer une ligne claire, sinon on perd nos électeurs », explique encore Stéphane Le Rudulier, sénateur et président de la fédération des Bouches-du-Rhône.
Encore faut-il tenir jusque-là. Car un renouvellement de la maison LR prendra forcément du temps, et il n’est pas certain que le parti en ait suffisamment. D’abord parce que les élections législatives arrivent à grands pas : prévues pour le mois de juin, elles pourraient bien être avancées si le président élu dans deux semaines décide de dissoudre l’Assemblée. Othman Nasrou, porte-parole de Valérie Pécresse, l’a bien compris, et appelle déjà, en cette soirée de premier tour, à la mobilisation pour les législatives. Il faut dire qu’en l’absence d’une ligne claire, alors que nombre d’ex-élus LR ont rejoint les rangs de la majorité et qu’Éric Zemmour compte bien jouer les trouble-fête, le parti pourrait voir son groupe parlementaire réduit à la portion congrue.
Ensuite parce que la campagne de Valérie Pécresse a coûté, selon les estimations de BFM TV, près de 15 millions d’euros. Or avec un score potentiellement inférieur à 5 %, Les Républicains ne toucheraient que 800 000 euros de financement de l’État, contre 8 millions s’ils passent cette barre fatidique. De quoi creuser un trou profond dans les finances du parti… Dimanche soir, il n’aura fallu que quelques minutes, après la fin du discours de la candidate, pour que la salle se vide. Pas de Christian Jacob à l’horizon, ni un quelconque ténor en guise de soutien. Elle achève sa campagne comme elle l’avait commencée… seule.
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