Ce n’est pas qu’elle ait été Miss France qui me rend estimable Delphine Wespiser (DW), pas davantage le fait qu’elle soit alsacienne, ce qui crée un lien entre elle et moi.
Mais à cause du constat que son vote assumé, entre les deux tours, en faveur de Marine Le Pen en a fait une héroïne de la démocratie ! J’ai hésité mais je me suis retenu : j’avais failli écrire « une martyre de la démocratie », ce qui aurait été indécent car les atteintes portées à son honneur et à sa réputation n’ont pas été mortelles ; seulement indignes.
Tous les bons apôtres de la République s’en sont donné à coeur joie. On en tenait enfin une, une électrice, une citoyenne, qui avait connu son heure de célébrité et n’avait pas peur d’avouer qu’elle allait voter pour la représentante de la « bête immonde », du « fascisme » et, pour faire bonne mesure, de ce qu’il restait de nostalgie nazie au sein du RN ! Pourquoi se priver alors du jeu de massacre que l’actualité présidentielle non seulement permettait mais légitimait ?
Que le RN soit dans l’espace démocratique et que personne de sensé n’ait songé à l’interdire – des millions de citoyens passeraient ainsi à la trappe à cause d’une stigmatisation morale qui est aveu de faiblesse : la moraline l’emporte quand l’intelligence ne sait plus trouver les arguments ni les mots – n’a aucune importance pour tous ces républicains à mi-temps, persuadés qu’ils ont le droit, malgré un premier tour ayant désigné clairement les jouteurs du second, de dénier à MLP le droit d’en être.
DW, en exprimant son choix, n’use pas d’une liberté mais commet un péché mortel. Elle a fait preuve d’une audace provocatrice qu’il fallait brimer au quotidien en la présentant comme une égarée sans le moindre soutien national. Cette inversion est scandaleuse qui contraint ceux qui invoquent la République à s’excuser d’un arbitrage qui est au coeur de notre démocratie, si on veut bien conserver le caractère authentique de cette dernière…
Sans forcer le trait, DW a souffert avant le 24 avril mais j’éprouve du respect pour cette femme : elle a eu du cran parce que ce qui aurait dû apparaître comme l’évidence d’un choix libre lui a été retourné tel un boomerang par des totalitaires ne supportant qu’une adhésion : celle qu’ils ont décrétée.
Elle est vraiment une héroïne de la démocratie. Modeste mais incontestable.
Philippe Bilger
Tribune reprise de Philippebilger.com