Depuis qu’avec Mitterrand et les chiraquiens la France a renoncé à sa souveraineté via le traité de Maastricht en 1992, les élections sont devenues des parodies de consultations démocratiques.
La preuve: comme dans toute bonne tyrannie, on peut annoncer leur résultat avant même qu’elles aient lieu. Ad nauseam, je dis depuis des années que le système européiste est ainsi fait que, quoi qu’il arrive, quelles que soient les péripéties, c’est toujours un candidat de l’État maastrichtien qui se trouve élu au second tour – parfois même: le soir du premier tour…
La jurisprudence Mitterrand qui a fascisé les idées patriotes a une fois de plus fonctionné et produit les effets que l’on sait au soir du second tour de ces élections de 2022.
Personne, surtout pas à gauche, ne trouve à redire à la persistance d’un compagnonnage épistémologique avec cet homme qui fut compagnon de route de la Cagoule, un vrai mouvement d’extrême droite celui-là, à sa participation à des manifestations racistes, antisémites et xénophobes dans les années 30, à son vichysme, à son maréchalisme, à sa dilection pour la Milice, à sa francisque, à sa défense de l’Algérie française, à sa passion pour la guillotine quand il était ministre de la justice ou de l’Intérieur au moment de la guerre d’Algérie, à sa fidélité à ses amis dont Bousquet, préfet de Vichy ayant diligenté la rafle du Vel d’Hiv, au fait qu’il fait fleurir la tombe de Pétain alors qu’il était président de la République, à sa réhabilitation des putschistes d’Alger, à son dernier déjeuner à l’Élysée où il entretint Jean d’Ormesson «de la formidable puissance du lobby juif»[1]. Non, nous dit-on, l’extrême droite et le fascisme ne se trouvent pas chez cet homme ni chez ceux qui le soutiennent, pas plus chez les communistes d’un PCF qui fut franchement collaborationniste le temps du Pacte germano-soviétique en France (soit de 1939 à 1941), une honte qui n’a jamais conduit cette «gauche» à présenter ses excuses ou sa repentance, car le fascisme se trouve partout où une personne défend la Marseillaise et le drapeau tricolore!
Cette élection a été gagnée grâce aux méthodes de ce compagnon de route de la Cagoule, de ce vichyste, de ce maréchaliste, de cet antisémite, de ce xénophobe, de ce raciste, de ce partisan de l’Algérie française que fut Mitterrand dont la doctrine d’instrumentalisation des Le Pen (les pousser le plus haut possible afin de mieux les faire chuter le plus bas…) a été activée une fois de plus pour effacer la France et affirmer la soumission de notre pays à cette Europe qui la dilue dans son mécanisme impérialiste. Et l’extrême droite serait du côté de ceux qui résistent à cette idéologie? On marche sur la tête…
En vertu de cette méthode, fasciser l’adversaire qui résiste et héroïser celui qui collabore, les présidents maastrichtiens se remplacent depuis trois décennies: Mitterrand II, Chirac, Sarkozy, Hollande, Macron I et II. Tous ont été élus grâce à cette stratégie de diabolisation de toute résistance à la soumission. Il n’est pas étonnant que Sarkozy & Hollande aient appelé à voter Macron et que Manuel Valls ait été de la fête sur le champ de Mars (le dieu de la guerre pour mémoire: quelle guerre d’ailleurs et contre qui si ce n’est contre le petit peuple?). Mélenchon, Roussel, Jadot, Pécresse auraient pu s’y trouver aussi car c’est également leur victoire.
La jurisprudence du compagnon de route du cagoulard a été activée par toute la presse, le service public dans sa totalité bien sûr, tout autant que les médias détenus pas des milliardaires aidés par l’argent du contribuable pour déverser leur propagande néo-mitterrandienne.
La prétendue France d’en haut (du panier…) a comme un seul homme emboité le pas aux vieilles méthodes et aux discours du titulaire de la Francisque. Des sportifs, des artistes, des chercheurs présentés par les médias du système comme les sportifs, les artistes, les chercheurs, ont joué la carte de la servitude idéologique soit par dressage mental soit pour ne pas encourir la mort sociale. Mais ce sont ceux qui rappellent ce compagnonnage brun de l’homme à la rose qui sont considérés comme d’extrême droite et traité de fascistes!
Cette élection était donc prévisible. La méthode est bien connue, mais elle marche encore. C’est comme si un prestidigitateur (Gérard Majax par exemple…), avait révélé les dessous du tour qu’il effectue, mais que le troupeau de moutons voulait tout de même croire à la vérité et à la réalité de l’illusion! C’est un coup de bonneteau, on sait que le manipulateur ment, mais on veut quand même croire qu’on sait sous quel gobelet se trouve le dé.
On arrose donc les fleurs du mal pendant cinq ans avec force engrais: reportages, débats, sujets, documentaires, entretiens, photos, etc. C’est, pendant un quinquennat, l’élément de langage: Marine Le Pen et ses chats. Puis, à proximité des élections, cette gentille dame à matous est soudainement présentée comme une nazie de la meilleure espèce – si ce n’est-elle, c’est donc son père, ou des amis de son père, ou des militants de son parti, ou un type qui, dans un bal où elle va, est le cousin de la tante d’un voisin dont l’arrière-grand-père habitait sur le même palier qu’Hitler.
Il y a cinq ans, la dame aux chats était mise en relation avec la division Das Reich, puis avec Hitler responsable de la Solution finale par Macron qui avait visité Oradour et le mémorial de la Shoah entre les deux tours. Cette fois-ci, le même Macron a joué la même carte: la nazie avait établi les plans d’invasion de l’Ukraine avec Poutine dont elle était un agent pendant que lui, il présidait l’Europe et sauvait les Ukrainiens. Marine Le Pen c’était donc Das Reich + la Shoah + Poutine pendant que Macron c’était Jean Moulin + de Gaulle + Zelenski. Le plus gros est que ça a marché…
Il est vrai que Macron semble moins fort de sa force que de la faiblesse de Marine Le Pen elle-même affaiblie par les coups de Zemmour. Il y a plus d’un an, j’ai émis l’hypothèse que Zemmour en campagne, ce serait l’assurance de la réélection de Macron, mais sûrement pas celle de son élection à lui. Qui dira aujourd’hui que j’avais tort?
Il n’empêche que Marine Le Pen est aussi faible de ses faiblesses. Son absence de colonne vertébrale est problématique depuis longtemps. Elle portait une option frexiteuse il y a cinq ans et elle a chuté par incompétence devant le techno qui maîtrisait mieux ses dossiers qu’elle. Elle a passé cinq ans à réviser ses fiches pour être aussi techno que lui et laver l’offense personnelle d’une incompétence étalée au grand jour. Mais on n’accède pas au pouvoir suprême juste en essayant de régler un problème d’égo… Elle a peut-être réussi un second débat parce qu’elle ne l’a pas raté, mais ça ne suffit pas pour gagner l’élection qui se joue à un autre niveau.
Macron a eu beau jeu, car il avait raison de lui rétorquer que son programme était inapplicable si elle restait dans le cadre maastrichtien puisque ce dernier empêche une politique souverainiste. Elle ne pouvait alors que répondre qu’elle mettrait l’Europe à sa main ce qui, bien sûr, était encore plus nul que confondre l’euro et l’écu. Qui peut croire que, le lendemain de son élection, les vingt-sept pays européens se seraient comme par enchantement alignés sur son programme, autrement dit: lepénisés! Personne ne pouvait imaginer une chose pareille. Eut-elle été élue qu’elle n’aurait pas mangé l’Europe maastrichtienne, mais qu’elle se serait fait dévorer par elle en moins de deux…
Contrairement à ce qu’ont raconté les journalistes du système et les politicards de profession, copains comme cochons, Macron & Le Pen n’avaient pas des programmes radicalement opposés! L’un et l’autre, en restant dans la configuration maastrichtienne, se contraignaient à suivre la feuille de route émise à Bruxelles!
Un réel débat, un véritable choix de société, un projet de civilisation alternatif suppose la résolution de cette question politique essentielle: dans ou hors la configuration européiste mondialiste? Si c’est dans, comme Mélenchon avec son international-socialisme & Macron avec son international-libéralisme, Pécresse & Le Pen, comme Zemmour aussi, alors c’est, au bout du compte, la même politique – c’est celle de Mitterrand & Chirac, de Sarkozy & d’Hollande.
Si c’est hors d’elle, alors tout est possible et le destin de la France ne se trouve plus dans les mains de l’Europe, obligatoirement libérale, mais dans un pays souverain qui peut alors mener une politique démocratique et républicaine en réalisant le projet souhaité, voulu et voté par le peuple, pour le peuple.
Le courage eut exigé de Marine Le Pen que, pendant cinq ans, au lieu de potasser ses fiches pour cette fois-ci faire bonne figure à l’oral du second tour, comme au bac, elle travaille d’arrache-pied à un programme frexiteur avec des talents capables de penser ce projet, de l’expliquer, de le raconter, disons-le trivialement: de le vendre afin d’en obtenir l’application.
J’ai souvenir d’une immense ferveur politique, au sens noble du terme, en 2005, quand dans des réunions publiques, le peuple discutait pied à pied de ce Traité constitutionnel ardu avant de décider massivement de le refuser lors du référendum que l’on sait. On sait aussi qu’en 2008, les professionnels de la politique ont puni le peuple d’avoir voulu faire de la politique, ce que la constitution permet pourtant – la démocratie indirecte et la démocratie directe, via le référendum, sont mêmement possibles.
La ligne directrice de cette campagne eut été simple: revenir à la pureté de la Constitution de 1958 qui n’existe plus… Elle a été vingt-deux fois charcutée au point qu’elle en est devenue méconnaissable – les guignols bien payés du Conseil constitutionnel veillent sur un cadavre embaumé au nom duquel ils valident l’européisme dans lequel ils communient tous. Cette chirurgie lourde l’a défigurée avec ce fameux traité de Maastricht en 1992: on lui a enlevé son cerveau pour le remplacer par l’encéphale européiste post-national. Depuis, la France est en état de mort clinique.
Au programme de cette révolution constitutionnelle qui consisterait à revenir au vivant d’avant le cadavre: souverainisme en matière de politique intérieure et de politique étrangère, septennat non renouvelable, élections législatives intermédiaires qui engagent le président à remettre en jeu son mandat, et nullement à cohabiter, référendums qui obligent le chef de l’État, service militaire, un président qui préside et un gouvernement qui gouverne, une Europe des contrats avec des nations souveraines, un souci du peuple et non des banques, une économie au service de la politique et non l’inverse. La solution n’est pas une VI° République, qui est l’autre nom de la IV°, mais une V° restaurée dans sa superbe et conduite par une figure digne de ce nom. C’est le plus dur à trouver: une personne qui ait le sens de l’Histoire et qui s’estime à son service et non l’inverse…
Il n’est pas anecdotique que, lors de cette deuxième soirée de commémoration de ses victoires, Emmanuel Macron ait effectué son apparition publique sur l’Hymne à la joie de Beethoven qui est celui de l’Europe. Les drapeaux européens flottaient, nous n’étions plus en France – le message était clair -, mais dans une province européenne, avec un chef de l’État qui tenait son épouse par la main, et qui avançait devant une nuée d’enfants à lire comme la métaphore d’un peuple infantilisé conduit par son Guide. Qu’on cherche les traductions allemandes, italiennes et espagnoles de ce dernier mot pour rire un peu…
Macron a eu cinq ans pour détruire la France; il dispose désormais de cinq années supplémentaires. Dans dix ans, il n’y aura plus rien. Marine Le Pen pourra vivre tranquillement de son élevage de chats.
[1] Tout ceci se trouve longuement documenté et référencé dans mon Vies parallèles. De Gaulle & Mitterrand, Bouquins.
Philippe Bilger
Tribune reprise de Michelonfray.com