Avocat et essayiste, Thierry Bouclier vient de publier un ouvrage sur la violence gauchiste, La Gauche ou le monopole de la violence de 1789 à nos jours. Le monopole de l’usage légitime de la force physique sur un territoire, qui devrait relever seulement de l’Etat, a été annexé par les mouvements de gauche et d’extrême gauche. Au fil d’une chronologie qui couvre deux siècles et demi, Thierry Bouclier passe en revue le deux poids, deux mesures permanent dans le traitement médiatique et judiciaire des violences politiques de droite et de gauche. Alors que les discours et les agissements de la droite sont systématiquement diabolisés, ceux de l’extrême gauche font au contraire l’objet d’une complaisance fort peu coupable, ce qui leur confère une légitimité et autorise la gauche à désigner les cibles acceptables et à punir les transgressions à son idéologie.
Nous avons interrogé l’auteur sur cette violence :
Vous faites remonter la division droite gauche et l’invention du terrorisme à la Révolution française. Pensez-vous que la gauche française est par essence terroriste ?
Il faut bien s’entendre sur ce terme de terrorisme. Dans le langage courant, le terrorisme renvoie aux attentats, notamment islamistes. Mais le terrorisme, qui vient du mot terreur, terror en latin, n’implique pas nécessairement de poser des bombes ou de tuer aveuglément en poignardant le premier passant venu. L’origine du terrorisme contemporain remonte effectivement à la Révolution française lorsque la terreur a été revendiquée pour la première fois, comme système politique, le 5 septembre 1793, date à laquelle la Convention a décidé de la mettre à « l’ordre du jour ». La gauche est l’héritière de cette terreur. Depuis 1789, elle prétend incarner le bien et le progrès, tandis que la droite symboliserait le mal et l’archaïsme. Au nom du bien, la gauche peut tout se permettre, et notamment terroriser ses adversaires. Sa terreur peut être physique, comme le démontre la violence des antifas et autres groupuscules d’extrême gauche, mais également psychologique, à travers la criminalisation des discours et des idées qui lui déplaisent. Le terme de « terrorisme intellectuel » est probablement celui qui la définit le mieux.
Vous évoquez la déstabilisation de la militante LGBT Alice Coffin lors d’un entretien sur Europe 1, lorsque Sonia Mabrouk a comparé la liberté d’expression revendiquée par les gauchistes et la censure subie par des personnalités conservatrices. Pensez-vous que, sans les médias, la gauche pourrait perdre ce monopole de la violence ?
Son monopole serait, en tout état de cause, amoindri. Les médias occultent systématiquement la violence de la gauche et montent en épingle, tout aussi systématiquement, celle de la droite. Je prendrai deux exemples récents. Le 1er mai, au cours d’une manifestation de gauche, une infirmière s’en prend violemment à un pompier en le frappant. Les médias insistent sur le fait qu’il s’agit d’une habituée des mouvements hostiles à la vaccination obligatoire – qui passent abusivement pour être très à droite de l’échiquier politique – mais occultent le fait qu’elle soit une électrice de Jean-Luc Mélenchon. Il est évident que si cette manifestante avait été une électrice d’Eric Zemmour, l’information aurait tourné en boucle dans tous les médias pendant 72 heures. Dans la nuit du 26 au 27 mars 2002, le militant de gauche Richard Durn avait abattu froidement huit élus et en avait blessé dix-neuf autres, lors d’une séance du conseil municipal de Nanterre. A juste titre, aucun média n’avait attribué l’horreur de cet acte à son engagement politique. En revanche, lorsque Loïk L. a abattu, le 19 mars dernier, le joueur de rugby Arambarù, tous les médias ont expliqué son geste en raison de son engagement politique, lorsqu’il était plus jeune, au sein du GUD.
Vous estimez que le 24 mars 2013, si LMPT avait appelé à marcher sur les Champs Elysées, le pouvoir aurait reculé. En êtes-vous si certain ? N’aurait-on pas assisté à un nouvel épisode hystérique face au risque fasciste ? Voire à une dissolution de LMPT ?
Il est évident que la droite, puisqu’elle est le mal, est sous la surveillance constante de la gauche. Elle ne peut se permettre aucun écart au regard de la légalité sans être immédiatement rappelée à l’ordre. L’invasion de la Chambre des députés, par la gauche, en 1848 et en 1870, constituent des faits d’armes glorieux. Mais le chahut des partisans de Trump au Capitole, le 6 janvier 2021, représente une atteinte sans précédent contre la démocratie. Je ne vous parle pas de la manifestation du 6 février 1934 que j’aborde dans le livre. La quasi-totalité des manifestations de la gauche se terminent, sans que cela ne choque personne, par des vitrines brisées, des voitures brûlées, les forces de l’ordre attaquées et des magasins pillés. En revanche, LMPT a été violemment dénoncée pour avoir simplement… piétiné l’herbe du champ de Mars. La droite n’a pas besoin d’être violente pour incommoder la gauche puisque sa seule existence est déjà une violence aux yeux de cette dernière. Quoi qu’elle fasse et quoi qu’elle dise, la droite sera toujours stigmatisée par la gauche. Nous l’avons vu avec les manifestations de 2013. Impossible d’imaginer des manifestants plus disciplinés et mieux élevés, pour reprendre une expression devenue célèbre. Malgré cela, la gauche n’a cessé de dénoncer la soi-disant violence de ces gigantesques rassemblements pacifiques. Dans ces conditions, LMPT n’avait rien à perdre, le 24 mars 2013, à faire preuve d’un peu d’audace en débordant, dans l’ordre et le calme, en canalisant la foule, le périmètre de la manifestation qui lui avait été assigné. Ce jour-là, je suis persuadé qu’elle avait rendez-vous avec l’Histoire et que par pusillanimité, elle a raté ce rendez-vous. Et malheureusement, l’histoire ne repasse jamais les plats.
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