La violence gagne les hôpitaux français, obligeant les établissements à prendre des mesures radicales. La réponse devra toutefois être politique.
L’information peut surprendre. A Limoges (Haute-Vienne) comme à Digne-les-Bains (Alpes-de-Haute-Provence), les soignants reçoivent dorénavant des cours d’auto-défense, notamment de krav-maga, une méthode défensive de combat au corps à corps développée par l’armée israélienne et les services spéciaux israéliens.
La raison de ces formations ? Comme les rues, les transports en commun, les centres commerciaux et la plupart des lieux publics de France, les hôpitaux sont désormais régulièrement le théâtre de violences et les premières victimes ne sont autre que les soignants.
S’il faut simplement beaucoup de patience pour supporter les invectives ou les insultes d’un patient mécontent de son traitement, il faut au moins maîtriser un art martial pour parvenir à esquiver un coup de couteau.
Interruptions temporaires de travail (ITT), dépressions, démissions… Les conséquences de ces violences sont en tout cas dramatiques. Si les soignants acceptant de témoigner dans les médias restent encore très « pudiques », évoquant à demi-mot des drogués ou « des jeunes », quelques faits divers de ces dernières semaines nous en disent plus et nous apprennent que les soignants ne sont pas les seules cibles.
A Blois, une violente bagarre entre Turcs et Kurdes s’est achevée aux urgences de la ville. Une situation similaire s’était produite peu avant dans l’Essonne après des affrontements entre bandes rivales de Ris-Orangis et Grigny.
A Sète, une adolescente de 13 ans tabassée à la sortie du collège a ensuite été « intimidée » au sein même de l’hôpital où elle avait été envoyée par « des jeunes »
Les rapports terrifiants de l’Observatoire national des violences en milieu de santé
En 2020, l’Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS) publiait un rapport alarmant. L’organisme annonçait avoir reçu pas moins de 26 060 signalements, dont une très large majorité (81 %) pour « atteintes à la personne ». Pire encore, ces chiffres ne concernaient que 7,8 % des hôpitaux du pays, les signalements n’étant pas obligatoires mais effectués par les établissements volontaires.
Sur son site internet, l’ONVS précise que « le nombre de signalements ne reflète pas la dangerosité d’un lieu de soins mais le nombre de fois où les professionnels ont estimé utile de faire un signalement. Ceci est très variable d’un établissement à l’autre, d’un service à l’autre au sein d’un même établissement, voire au sein d’un même service de soins, d’une année à l’autre. Ils ne prétendent pas à l’exhaustivité mais présentent les incidents que les services ont tenu à signaler. »
Le rapport de 2020 était tout de même déjà plus fourni que celui publié en 2019, avec 23 360 signalements recensés cette année-là.
Depuis, le Covid est passé par là et a nettement modifié l’activité des hôpitaux. Les chiffres de 2022, s’ils sont diffusés par l’ONVS, donneront une bonne indication de l’évolution du problème, le Covid ne paralysant plus autant le pays, même si l’on n’oubliera pas les milliers de soignants suspendus car n’étant pas vaccinés.
Notons enfin que d’après l’ONVS, les services les plus touchés par les violences sont la psychiatrie – sans surprise – et les urgences.
Louis Marceau
Article paru dans Présent daté du 24 mai 2022