Dans l’univers comme dans l’histoire, la création, la destruction et la conservation sont à l’oeuvre. C’est vrai à l’échelle cosmique comme à celle de la vie, de l’économie et de la politique. Les politiques ont rarement le recul et les connaissances nécessaires pour comprendre ce processus et pour tenter de le maîtriser dans la limite de leurs moyens et dans le but d’assurer le bien commun des peuples qu’ils ont en charge. Tel veut le progrès avec furie qui fonce tête baissée vers la décadence. Tel veut la suprématie de sa nation qu’il la précipite dans le plus profond abaissement. Tel veut que rien ne bouge jusqu’à ce que tout s’effondre.
Ces excès propres aux dictatures sont étrangers aux démocraties où la pluralité des décideurs et le court terme des échéances électorales empêchent le plus souvent la moindre hauteur de vue. Les plus grands hommes politiques sont ceux qui surmontent ce handicap. Ce sont les conservateurs intelligents qui luttent pour la survie de leur nation, comme des commandants de vaisseaux, en n’affrontant pas les vents contraires, mais en sauvant le navire quitte à louvoyer non sans le délester de quelque bagage trop lourd. Les exemples de ces hommes remontent à la seconde guerre mondiale : Churchill et De Gaulle.
Il y a des forces qui entraînent les hommes vers leur destinée. Lorsqu’on dit que l’histoire est tragique, ce n’est pas seulement pour rappeler que la violence et la guerre y sont chez elles, mais pour souligner que les hommes font l’histoire en la subissant plus qu’en la dirigeant. Henri Guaino pointait cette évidence récemment dans un parallèle entre la marche vers la première guerre mondiale et la situation actuelle créée en Ukraine. Les acteurs du drame voient bien leurs objectifs, mais n’ont pas conscience des conséquences de ce qu’ils veulent, du croisement fatal de ces objectifs. C’est la raison pour laquelle, il est vital qu’à ces moments cruciaux, le pouvoir soit donné à des hommes dotés de la hauteur de vue nécessaire et de la claire conscience de leur mission : assurer le bien commun de leur peuple.
Malheureusement pour notre pays, le dernier président à avoir eu quelques lueurs dans ce domaine, malgré bien des déficiences, était Chirac. Son refus de soutenir les Etats-Unis dans leur aventure irakienne a été la dernière décision intelligente de la politique internationale de notre pays. Depuis, ses trois successeurs ont sombré dans un atlantisme servile. Ils ont fait rentrer la France dans le rang des nations médiocres comme le sont devenus les autres peuples européens, avec une oligarchie bruxelloise qui est le relais du suzerain américain et leur transmet ses directives, le plus souvent au travers des organismes internationaux qu’il contrôle. Il ne faut pas chercher de “chef d’orchestre” là où il y a seulement une addition confuse d’intérêts, de visions du futur, d’objectifs stratégiques et d’idéologie aussi inconsciente que conquérante. Cette idéologie et ces intérêts ne sont pas ceux du monde, mais seulement ceux d’un Occident qui décline. Les autres civilisations s’en libèrent, et un homme politique sérieux devrait en être conscient.
Le grand paradoxe qui préside aux choix politiques des Français est de confier leur avenir à une caste qui les rassure par ses diplômes et ses concours alors qu’elle devrait les effrayer par le poids de ses erreurs, de ses fautes, de ses échecs dans pratiquement tous les domaines où elle sévit. Là où il faudrait un habile manoeuvrier capable de se dégager du troupeau, on a au contraire le pire des suiveurs qui aspire seulement à être en tête du groupe pour mener plus vite et dans l’enthousiasme sa charge vers le ravin. Le vent est puissant qui pousse dans cette direction : il a la force de l’oligarchie occidentale, de sa puissance financière et politique, de ses relais médiatiques, et de l’idéologie dominante secrétée dans notre formation dite supérieure, singulièrement là où on enseigne les sciences molles. La nomination comme ministre de l’Education nationale de Pap Ndiaye, est un symbole de taille : sans la moindre expérience des arcanes du ministère très lourd dont il hérite, il est avant tout un universitaire spécialiste de la société américaine, de ses minorités, de ses ségrégations, et très compréhensif à l’égard du “wokisme”, bref un accélérateur de la diffusion en France d’un modèle américain inapproprié à notre histoire et d’une idéologie mortifère pour notre pays.
Cette provocation vise bien sûr le peuple français que le président réélu a l’habitude d’accabler de son mépris. Pourquoi se gênerait-il, puisque la brave bourgeoisie mêlant bobos et retraités l’a réélu ? Mais elle se situe dans une démarche que les grands médias se garderont bien de dénoncer puisqu’ils en sont les complices : la peur de l’extrême-droite, Zemmour au premier tour, qui n’a rien fait pour l’éviter, Marine Le Pen au second, a assuré la réélection dans le brouillard des peurs entre Covid et Ukraine. Une fois la droite explosée et repue de ses lambeaux, les législatives seront un terrain réservé à la gauche, dans un jeu pervers de séduction-répulsion. C’est désormais l’extrême-gauche qui sèmera une frayeur salutaire dans les isoloirs, mais ce sont ses thèmes qui seront au centre des débats. La droite sociologique préférera Macron à Mélenchon d’autant plus facilement que les carriéristes ralliés se seront multipliés. Mais les questions seront : jusqu’où l’immigration et le changement bénéfique de peuple ? Jusqu’où l’Europe et la dilution de la France ? Le pouvoir d’achat, la peur climatique, la prétendue menace russe, et peut-être le retour de l’épidémie distrairont les Français des questions superflues comme de savoir si notre pays, sa langue, sa culture ont un avenir. La montée de la violence sera considérée comme un phénomène que l’Etat ne peut guère maîtriser, contrairement au climat, cela va sans dire.
Durant cinq ans, et même davantage, puisque Macron est entré à l’Elysée avec Hollande, le président réélu n’a apporté aucun remède aux problèmes des Français. Il faut lire ” Le vrai Etat de la France” d’Agnès Verdier-Molinié pour mesurer la mystification mise en oeuvre afin de donner l’illusion d’une amélioration de notre économie. Elle n’est que le signe apparent d’une accentuation de la politique de gauche menée depuis des décennies en France, animée par la démagogie du “toujours plus”, rendue momentanément possible par la planche à billets de l’endettement. Cette accélération au nom du “quoi qu’il en coûte” produit ses résultats calamiteux, hausse des prix, inflation, montée des taux d’intérêts dont l’effet de ciseaux sera douloureux. Cela s’ajoutera au sentiment confus que la “bienpensance” aura contenu, voire culpabilisé : celui du déclassement, du déclin et de la décadence de notre pays. Le réveil de la nation pourra alors être violent, à moins que les Français n’aient décidément choisi le sommeil, et ne veuillent ignorer, à tout prix, la supercherie dont ils sont les victimes. (Fin)
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