C’est un antagonisme évident aux yeux de tous. Industrie et ruralité s’opposent comme l’eau et le feu, comme deux mondes, comme deux époques révolues. Dans l’inconscient collectif, c’est l’usine qui poussa le « paysan français » à déserter sa campagne pour rejoindre la ville et changer la nature de son travail. Alors oui, le progrès technique et les ruptures technologiques ont considérablement augmenté les rendements, sans parler des changements de consommation qui ont poussé les paysans vers les villes usines, mais Franklin Mendels avait théorisé ce qu’il est communément admis d’appeler la « proto-industrialisation ».
Ce phénomène, initié dès le XVIIIe siècle, avant la révolution industrielle, est l’apparition d’une production industrielle complémentaire de l’activité agricole dans laquelle les familles paysannes trouvèrent de nouvelles ressources. On voit éclore à cette période des ateliers ruraux utilisant des ressources naturelles de proximité (laine, bois, lait..), rapidement compétitifs du fait des coûts de transport faibles et à la main-d’œuvre accessible et travailleuse. On peut même remonter jusqu’au XVIIe siècle avec l’implantation des manufactures pour la fabrication des produits de haut rapport, destinés au pouvoir royal et à l’exportation. Celles-ci étaient presque toujours implantées dans les espaces ruraux pour des questions évidentes de logistique, de place et surtout d’accès simplifié aux ressources. Un localisme et des circuits courts, des concepts tellement d’actualité.
Mais une question demeure ? Que reste-t-il de l’industrie française ? Selon l’INSEE, l’industrie représente 13,5 % du PIB pour 12 % des emplois. Elle représentait un tiers du PIB en 1950. La chute est vertigineuse et indiscutable.
Pour reconstruire, il faut déconstruire la politique menée depuis quarante ans en favorisant en premier lieu l’environnement fiscal. Cette fiscalité étouffante qui est portée sur les impôts de production aggrave la compétitivité de nos industries. Il est encore nécessaire de diminuer cet impôt de 30 milliards pour atteindre un niveau acceptable de prélèvements sur la production et, donc, la valeur ajoutée des entreprises. Il faut ensuite réorienter géographiquement ces entreprises par une fiscalité attractive dans les zones rurales désindustrialisées et proches des centres-bourgs, en mettant en place des zones franches. Pour pousser les entrepreneurs à s’installer dans ces zones, nous devons simplifier les démarches administratives, et surtout en abaissant (au taux réduit de 15 %) les impôts sur les sociétés pour dégager des bénéfices.
Autre levier essentiel de la réindustrialisation, la commande publique devra être le moyen d’orienter les fonds de l’État vers la production française, locale en premier lieu. La préférence nationale devra s’appliquer pour les marchés publics. En achetant français, on favorise la production française, CQFD.
L’État devra retrouver sa vocation colbertiste en créant une stratégie par filière : aéronautique, portuaire, métallurgie, automobile, électronucléaire... en adaptant les contraintes législatives, environnementales, sociales à ces différentes activités stratégiques.
Enfin, il sera nécessaire de réenraciner ces entreprises dans les zones rurales en mettant fin aux droits de succession complètement fous qui poussent les industriels à vendre aux fonds américains ou chinois nos savoir-faire parfois ancestraux. La PME industrielle familiale est l’idéal économique que nous devons viser.