L’étude de Fondapol conduite par M. Dominique Reynié sur les mutations politiques en cours, d’un intérêt exceptionnel, comporte des enseignements que les responsables politiques de ce pays seraient bien avisés de prendre en compte. Elle établit que lors des dernières élections nationales – les législatives – le comportement de rejet du système en additionnant le vote protestataire (RN, LFI, extr gauche), vote blanc et abstentionnisme, atteignait presque 80% du corps électoral. Ce qui signifie que le vote d’adhésion aux partis prétendus de gouvernement, les fréquentables avec lesquels il est permis de dialoguer, selon les plus hautes autorités de l’Etat (PR et PM), dépassait à peine un cinquième de l’électorat.
Quelque 30 ou 40 ans auparavant, ce rapport eût sans doute été exactement inverse. Voilà qui marque bien l’effondrement vertigineux de la confiance des Français en la politique. Ce constat devrait bouleverser les consciences de ceux qui s’intéressent à la vie publique. Plutôt que de se noyer dans les polémiques grotesques (virilité des barbecues!), de multiplier les coups de communication vaniteux, la manipulation des peurs, la dissimulation et le mensonge, ou la grandiloquence mégalomane, les responsables du pays feraient mieux de se poser la question sans fard: comment avons-nous pu, depuis quatre décennies, plonger le pays dans un tel niveau de défiance? Ce n’est pas un hasard si le conseil national de la refondation lancé par le président Macron ne semble guère susciter l’intérêt du pays. Pour qu’une telle initiative ait un sens, elle devrait être accompagnée d’un immense mea culpa: il y a trop longtemps que nous nous moquons des Français. Le mépris est d’ailleurs la marque de l’époque.
Il faut voir le dernier éditorial du Point intitulé La bêtise va-t-elle gagner? La bêtise, c’est, d’après cet article, tout ce qui ne va pas dans le sens de la ligne officielle (celle qu’incarne à la perfection le pouvoir actuel), autrement dit, le populisme, le complotisme, ou encore la voix des 80% identifiés par Fondapol… de la vile multitude… La question n’est pas de basculer d’une caricature vers une autre en prétendant, aussi faussement, que le peuple a toujours raison (vox dei). Mais d’en finir avec la logique du mépris selon laquelle tout ce qui n’est pas dans la ligne officielle (élitiste, progressiste, post-frontières, post-nationale, libertariste) est bête, salace et vulgaire donc indigne de dialogue. Refondation? Transformation? Révolution? Tous ces mots qui claquent sont désormais vécus par l’immense majorité comme relevant de la communication. Il existe un préalable à toute véritable refondation: dénoncer, pour le combattre, le souverain mépris…
Maxime Tandonnet
Texte repris du blog de Maxime Tandonnet