Bref, tempête et enfumage à l’Élysée ! Rappelons que ce Conseil national de la refondation fut très largement délaissé par l’opposition mais se veut tout de même une « nouvelle méthode pour revivifier le débat démocratique et faire face aux enjeux forts dans lesquels se trouve le pays ». Les parlementaires ayant rejeté ce nouvel ODNI (objet démocratique non identifié) ont rappelé, de façon légitime, qu’ils portent déjà la parole d’un peuple par le biais de la représentation nationale.
Reste que, de façon devenue quasiment systématique, le Président Macron entend discréditer tout ce qui pourrait lui opposer une contradiction. Pour ce faire, le dernier argument, qui n’a pas ému grand monde, consiste à affirmer que les parlementaires feraient preuve d’un « corporatisme de la représentation ». Autrement dit, le chef de l’État conteste aux parlementaires le droit de demeurer les seuls à représenter le peuple. C’est donc oublier que le droit constitutionnel occidental moderne n’organise que des régimes politiques fondés sur le principe de la représentation démocratique, c’est-à-dire des régimes où le peuple ne gouverne pas directement. Il s’agit de l’article 3 de la Constitution de notre pays qui prévoit que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Or, ce qui est justement reproché aux gouvernants depuis la crise des gilets jaunes, c’est l’absence de considération du peuple dans les décisions prises. Le Covid-19 a ainsi vu l’émergence d’un organe opaque et autoritaire qui a permis la mise en œuvre de décisions bien souvent liberticides, et ce, au nom de valeurs prétendument supérieures. Alors, en instituant ce nouveau « CNR », le président de la République jugerait que les matériaux juridiques à sa disposition seraient insuffisants.
Il semble surtout, en réalité, que la création de ce type d’institutions non prévues par la Constitution résulte d’un complexe de supériorité intellectuelle, signifiant que Macron ne pourrait accepter d’être contredit par un peuple qu’il méprise profondément. Il avait pourtant le pouvoir de revivifier le débat démocratique en usant des moyens offerts par la Constitution, et notamment le référendum. Les méthodes comme le vocabulaire employé sont toujours les mêmes et s’inscrivent dans une défiance permanente du peuple français. Il s’agit d’une volonté pérenne d’évitement qui ménage néanmoins l’apparence démocratique, le tout sur un ton professoral assumé. Mais pendant que le CNR se réunit à l’Élysée et tente de « revivifier la démocratie », Élisabeth Borne use, une fois encore, de l’application de l’article 49.3. On peut alors s’interroger sur l’apathie générale dans laquelle semble s’être enferré ce fameux peuple souverain, qui se laisse ainsi soumettre.
Me Alain Belot