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Ukraine – le piège d’un choix imposé par les autres – par Jean Goychman

I want you for U.S. Army : nearest recruiting station / James Montgomery Flagg. 1917. Library of Congress..War poster with the famous phrase “I want you for U. S. Army” shows Uncle Sam pointing his finger at the viewer in order to recruit soldiers for the American Army during World War I. The printed phrase “Nearest recruiting station” has a blank space below to add the address for enlisting…http://hdl.loc.gov/loc.pnp/ppmsca.50554

Sans que personne ne nous en donne la raison, nous nous trouvons devant ce fait accompli que nous devons soutenir l’Ukraine qui doit être victorieuse devant la Russie. Une fois pour toute, Vladimir Poutine est un tyran sanguinaire qui veut s’emparer de l’Ukraine par la force militaire et probablement détruire pour cela jusqu’au dernier ukrainien. Méprisant ce principe élémentaire du doit qu’est la présomption d’innocence, nous sommes ainsi sommés de condamner sans appel la Russie et lui faire subir les sanctions destinées à « mettre son économie à genoux » comme nous l’a annoncé notre ministre de l’économie.

Mais ce qu’on ne nous dit pas, c’est quel sera le monde d’après la victoire de l’Ukraine sur la Russie ?

Un choix qui peut s’avérer crucial

Le narratif qui nous est imposé depuis des années est que les Etats-Unis sont du côté du Bien et que l’Union Soviétique incarnait le Mal. La disparition de cette dernière aurait logiquement dû mettre un terme à cette vision quelque peu manichéenne. Le camp du « Bien » s’est maintenu et a trouvé d’autres ennemis qui prolongeaient  ce partage en justifiant le rôle de « gendarme du monde » tenu par l’armée américaine. Dans son livre paru en 2010 « Etats-Unis, une politique étrangère criminelle », Pierre Jaquet passe en revue toutes les interventions américaines depuis le 19ème siècle. En page de couverture, on peut notamment y lire :

« Ce sont les vainqueurs qui écrivent l’histoire et c’est la raison pour laquelle la politique étrangère des États-Unis a largement échappé à la critique, du moins dans les pays occidentaux. Elle s’est pourtant construite sur la violence depuis le XVIIe siècle, de la disparition des populations amérindiennes jusqu’aux guerres en Irak, en Afghanistan et au Pakistan. Faisant en tout huit à quinze millions de morts.
Face à un sujet polémique devenu presque tabou, voici une analyse précise, illustrée d’exemples irréfutables. L’auteur décortique pas à pas, et de façon implacable, la politique étrangère de la plus grande puissance mondiale, effectuant une large rétrospective géopolitique et historique.
Cet essai s’appuie de façon particulièrement éclairante sur des dossiers du Congrès et de l’Administration américaine ainsi que sur des documents secrets déclassifiés récemment. Tous mettent en évidence un constat troublant : l’objectif de la politique américaine n’a jamais été la promotion de la démocratie… »

Il est néanmoins incontestable que les soldats américains ont payé un lourd tribut lors de la libération de notre pays et que cela mérite d’être rappelé, mais les dirigeants américains de cette époque n’étaient pas encore sous l’influence de cet « état profond » qui s’est progressivement mis en place après la guerre. Et c’est sous son influence que le projet mondialiste américain s’est développé, sans que peuple américain en soit réellement informé. C’est avant tout une propagande fondamentalement anti-soviétique et anti-communiste, très exagérée sur l’aspect de la puissance militaire soviétique qui a justifié des guerres d’intervention comme celle du Vietnam, au nom de la défense de la liberté.

Invoquer toujours cette même raison pour justifier le soutien militaire apporté à l’Ukraine et vouloir y entraîner l’ensemble de l’Europe est un mauvais prétexte.

Les fameux « accords de Minsk »

On commence à percevoir le climat de duperie qui entourait ces accords, qui auraient dû éviter la guerre actuelle. La France et l’Allemagne étaient parmi les signataires et devaient intervenir pour 
les mettre en application. Récemment, une déclaration d’Angela Merkel, chanceliére allemande à cette époque, est venue semer le trouble dans les esprits. Celle-ci a dit sans détour dans une interview donnée au journal Der Spiegel que :

 « Je pensais que le lancement de l’adhésion à l’OTAN de l’Ukraine et de la Géorgie discuté en 2008 était une erreur. Les pays ne disposaient pas encore des conditions préalables nécessaires pour cela […] L’accord de Minsk de 2014 était une tentative de donner du temps à l’Ukraine. Elle a bien utilisé ce temps pour se renforcer, comme on peut le voir aujourd’hui. L’Ukraine de 2014-2015 n’est pas l’Ukraine d’aujourd’hui. Comme vous l’avez vu lors de la bataille pour Debaltseve (ville ferroviaire du Donbass, Oblast de Donetsk, théâtre d’une importante bataille de la guerre civile) au début de 2015, Poutine aurait pu facilement les envahir à l’époque. Et je doute fort que les pays de l’OTAN aient pu faire autant à l’époque qu’ils le font maintenant pour aider l’Ukraine ».

Autrement dit, ces accords n’étaient que la poudre aux yeux afin de gagner du temps pour pouvoir armer l’Ukraine et c’est bien ce qui s’est passé durant huit ans. Mais la France n’est pas non plus intervenue alors qu’elle devait le faire. Au contraire, ces accords, censés protéger les républiques autonomes de l’Est de l’Ukraine, ont fourni le prétexte pour provoquer la Russie. En 2017, une solution semblait possible et la Russie, sous mandat de l’ONU, semblait vouloir avancer vers un règlement pacifique, mais cette tentative fut sans succès. Entre 2014 et début 2022, ce sont environ 14 000 personnes qui furent victimes de cet affrontement incessant entre l’armée ukrainienne et ces républiques. Sans passer pour un irréductible complotiste, on peut penser que ces manœuvres étaient destinées à maintenir potentiellement un état de pré-guerre avec la Russie et qu’il suffirait seulement de « monter le volume » pour que cette dernière passe à l’action, permettant ainsi de crier à la face du monde que la Russie s’était mise hors la loi en agressant l’Ukraine, en passant soigneusement sous silence tout ce qui l’avait précédé.

Un autre éclairage de ces événements

Et si tout ceci n’était qu’une apparence, et que le peuple ukrainien doive faire les frais d’un tout autre conflit beaucoup plus étendu ? Très vite, une ligne de partage du monde est apparue, délimitant pratiquement l’Occident d’un côté et le reste du monde de l’autre. La géopolitique mondiale est en train d’évoluer rapidement et le conflit en Ukraine semble être le catalyseur de ce changement. La volonté d’isoler la Russie pour lui faire porter tout le poids du trouble paraît manifeste. Cependant, il faut bien constater que tel n’est pas le cas et que de plus en plus de pays, y compris certains plutôt réputés conciliants vis à vis le l’Occident, manifestent aujourd’hui une certaine affinité avec les BRICS et et l’OCS. Tout se passe comme si un nouvel ordre mondial était en train de voir le jour. Il diffère de celui que nous connaissons par le passage d’un monde unipolaire dans lequel la situation des États-Unis apparaît comme hégémonique, à un monde régionalisé et multipolaire, dans lequel la géographie continentale va probablement être un élément majeur de regroupement. On peut penser que l’état profond américain ne voit pas cela d’un bon œil et qu’il tente de s’y opposer par tous les moyens.

Dans cette nouvelle configuration, les pays de l’Union Européenne risquent fort de devenir les « laissés pour compte » de cette nouvelle donne. La vision de de Gaulle d’une « Europe de l’Atlantique à l’Oural » à laquelle la politique étrangère américaine s’est toujours opposée n’est pas compatible avec une Russie tournée vers l’Asie et le risque de voir l’Union Européenne lier indéfectiblement son sort à la politique mise en œuvre par l’OTAN va accentuer cette scission.

Et tout ceci pourquoi ?

On dit souvent que les États n’ont pas d’amis mais que des intérêts à défendre. Quel est notre intérêt  en tant que peuple français ? On peut naturellement arguer de la défense des « valeurs », de la Liberté, de la Démocratie et, en leur nom, nous demander de combattre ceux qui ne veulent pas les respecter. C’est tout à fait louable, à condition que cela soit une réalité. Par contre, nous demander de jouer contre nos propres intérêts au nom de valeurs qui ne seront pas plus respectées par ceux que nous soutenons que ceux qu’on nous demande de combattre nécessite une réflexion préalable.

Un monde globalisé et monopolaire peut-il être plus démocratique qu’un monde multipolaire qui respecterait les souverainetés des peuples et des nations ?

Nous ne sommes pas concernés par le conflit ukrainien et nous n’y avons aucun intérêt à défendre, bien au contraire. Il n’existe pas de traité ou d’alliance qui nous lie à ce pays.

Nous avons appliqué toute une série de sanctions contre la Russie qui sont en train de se retourner contre nous en raréfiant considérablement nos sources d’énergie, et dont la conséquence est une augmentation difficilement supportable du coût de cette énergie, ce qui est déjà en train de provoquer la fermeture de nombreuses entreprises. Nous avons pris conscience, au travers de la pandémie du Covid, de notre dépendance à l’égard d’autres pays et nous ne pouvons accepter l’idée   d’une perte irréversible de notre capacité à produire par nous mêmes ce dont nous avons un besoin stratégique.

Les dernières campagnes électorales ont montré qu’il existait un consensus majoritaire favorable à la réindustrialisation, mais que celle-ci nécessitait une production d’énergie très importante et incompatible avec les mesures prévues dans la loi sur la transition énergétique. Aujourd’hui, nous en sommes rendus à envisager d’acheter du pétrole et du gaz, tous deux provenant de l’exploitation des schistes américains, alors que nous avons interdit sur notre sol toute prospection en la matière.

Est-ce cohérent ?

Il devient urgent de reprendre en main notre propre destinée et le seul intérêt que notre classe politique devrait prendre en compte est celui du peuple français, à l’exclusion de tous les autres.

Aujourd’hui et compte-tenu de l’avenir qui se dessine, nous devons pouvoir parler à tout le monde tout en faisant en sorte de garder à la fois notre indépendance et notre autonomie, seules garantes de notre souveraineté. La France a l’opportunité, dans ce contexte, de renouer avec la vision gaullienne d’une nation qui puisse porter la parole de toutes celles qui, comme elle, entendent garder leur souveraineté et leur indépendance sans pour autant entrer en conflit avec le reste de l’Univers

https://lecourrierdesstrateges.fr/2022/12/27/ukraine-le-piege-dun-choix-impose-par-les-autres-par-jean-goychman/

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