La cohérence est la marque d’une politique solide. On ne peut vouloir diriger un pays en poursuivant des buts contradictoires, ni en lui proposant “en même temps” des solutions qui se contredisent. La France connaît une situation étrange où cette contradiction est la signature du régime qu’elle subit : une majorité qui n’est pas majoritaire dicte sa loi à un peuple de plus en plus amorphe parce qu’il comprend chaque jour davantage qu’il n’a aucun poids dans un système où la démocratie est désormais un mot vide de sens.
Hegel puis Marx faisaient des contradictions le moteur de l’histoire puisque celles-ci la faisaient avancer en se dépassant dans des synthèses souvent nouées dans la violence. Qui imagine aujourd’hui dans notre société bloquée comme un lapin ébloui par des phares de voitures, que le lapin puisse s’en tirer ? Le lapin, c’est le peuple français, et les phares sont les éclairages aveuglants que déverse sur lui une majorité de médias voués à la pensée unique, passant d’un sujet éphémère à un autre, d’une peur à une autre, sans jamais prendre le temps de faire, comme le dit très bien Onfray, la généalogie des problèmes, ni de dégager leur unité. Perte de souveraineté, européisme bêlant, soumission de fait à l’Allemagne, affaiblissement économique et surtout industriel, désastre énergétique absurde, endettement du pays, inflation, pouvoir d’achat en berne, services publics d’autant plus défaillants qu’ils sont coûteux, école et santé, nos gloires d’hier aujourd’hui délabrées, armée désarmée, police impuissante, justice dont les plateaux de la balance s’appellent pauvreté et idéologie, délinquance et violence déchaînées, et pour couronner le tout, immigration incontrôlée dont on ose affirmer qu’elle est une chance pour la France en lui fournissant les travailleurs qui lui manquent, quand le taux de chômage y est plus élevé que dans dans l’ensemble de la population : M. Macron est à l’Elysée depuis 2017, et en fait depuis 2012 avec Hollande comme l’un de ses plus proches collaborateurs, issus de ce parti socialiste qui depuis 1981 torpille notre pays, européiste militant comme Giscard avec lequel a commencé la chute.
Comment expliquer la longue descente aux enfers du pays alors qu’il bénéficie d’un Etat tout-puissant à la tête duquel se trouvent nombre des membres de cette aristocratie proclamée qui sort de nos grandes écoles jusqu’à parvenir, pour quelques brillants énarques, au cénacle de l’inspection des finances, cette élite des élites à laquelle on doit tant d’échecs et d’impasses pour la France et de désastres dans quelques-unes de ses grandes entreprises, quand pour le malheur de celles-ci, quittant un cabinet ou un ministère, l’un des génies qui y foisonnent vient à y pantoufler ? Après plus de cinq ans de pouvoir, la caricature du système qui en occupe la place centrale veut tout refonder, comme s’il venait de découvrir l’ampleur d’une catastrophe à laquelle il n’est nullement étranger ! En attendant, la seule réforme cruciale qui s’annonçait lors de son premier mandat, celle du système des retraites, a fondu du structurel au paramétrique. Faute d’une réforme qui combine la solidarité et la liberté comme l’ont réussie les Suédois, on se contentera de passer en douce un allongement de la vie vouée au travail afin d’augmenter les cotisations et de baisser les prestations, et surtout de rallier ce qu’il reste des “Républicains”. Ce sujet occupe l’espace médiatique, comme la guerre en Ukraine déclenchée par l’agression du méchant Poutine, comme le prix de l’électricité, mortel pour nombre de petites entreprises au secours desquels la baudruche pontifiante qui siège à Bercy va ouvrir son carnet de chèques, ou plutôt le nôtre, comme la phrase de Houellebecq sur les musulmans qui prouve décidément pour nos médias que cet homme n’est pas le grand écrivain que l’on croyait puisqu’il fricote avec l’extrême-droite. C’est là un tabou français typique : l’exclusion c’est mal ; les communautés religieuses, sexuelles ou autre ont droit au respect, à l’exclusion des catholiques, qui ont joué un trop grand rôle dans notre histoire pour n’être pas suspects. Mais l’extrême-droite, elle, doit être exclue, bannie, ostracisée : les immigrés sont les bienvenus, les extrémistes de droite n’ont pas leur place en France !
Bien sûr, si extrémisme signifie refus violent des règles et des institutions démocratiques, on peut l’admettre, à condition que le même principe s’applique à l’extrême-gauche des black-blocs ou des zadistes, ou aux immigrés clandestins qu’on cherche au contraire à intégrer à tout prix. En fait, non. Ce principe vise le champ politique le plus à droite au sein de la vie démocratique de notre pays, avec un amalgame qui de Zemmour à Mme Le Pen transmet la patate chaude jusqu’aux rives républicaines lorsque l’idée d’un rapprochement entre les droites ou une évidence, comme le lien entre délinquance et immigration musulmane, sont scandaleusement évoquées. Cela permet d’enjamber les vrais débats, d’esquiver les vérités, d’ignorer consciencieusement les problèmes. La crise énergétique actuelle est le produit explosif des politiques de fausse concurrence et d’abandon du nucléaire, imposées par l’Europe au détriment non seulement d’EDF, mais des Français, et de la soumission stupide à la stratégie américaine contre la Russie. Lorsque Zemmour dénonce la première fin 2021, Le Maire le prend de haut. Qui ne voit aujourd’hui que “l’extrémiste” Zemmour avait raison ? Quant aux gaullistes qui critiquent la politique irresponsable menée contre la Russie et au détriment de la France, ce seraient des extrémistes ?
Le gaullisme incarnait le patriotisme raisonnable, l’idée simple selon laquelle le but d’un gouvernement est le bien commun de ses nationaux, “l’intérêt supérieur de la patrie”. Toutefois, il limitait ce principe par la légitimité démocratique, c’est-à-dire par l’idée que le peuple, par le biais des référendums, était la plus haute autorité pour définir cet “intérêt supérieur”. Tous les malheurs de notre pays depuis cinquante ans tiennent à deux réalités : notre démocratie apparente est gouvernée par une caste où les ambitions personnelles, les intérêts particuliers ou communautaires, les préférences idéologiques, les pressions extérieures l’emportent sur le souci du bien commun ; depuis 1968, la tête du pays, ses formateurs, ses dirigeants, ses commentateurs, penche dangereusement à gauche. C’est ce qui explique les contradictions apparemment insurmontables, les problèmes non résolus, les crises non surmontées. Notre pays, c’est le noeud gordien qu’un peuple trop vieux et qu’on appelle à disparaître après avoir abandonné l’identité qui le fonde, est devenu incapable de trancher ! Ce serait un miracle de le voir renaître, et imposer cette démocratie directe sans laquelle il est définitivement condamné !