La pensée unique se fabrique, notamment, au cœur de l’Elysée. Emmanuel Macron louange la « diversité » quand il s’agit des cultures ; il la redoute pour les opinions. Il va jusqu’à se mettre lui-même aux fourneaux pour proposer aux médias conciliants le narratif officiel. Une indiscrétion a ainsi dévoilé son déjeuner, mardi 17 janvier, avec une poignée d’éditorialistes influents (dont ceux du Monde, du Figaro, des Echos, de France Inter, RTL, France Télévision, BFMTV) chargés de répercuter la parole présidentielle à la veille de la manifestation syndicale contre le projet de réforme des retraites. La plupart des confrères, se gardant de dévoiler la rencontre voulue discrète, ont répété par la suite que « l’Elysée ne croit pas à la victoire de l‘irresponsabilité », enfonçant le même clou. A dire vrai, cette relation étroite du journalisme politique français avec le pouvoir n’est pas nouvelle. Reste que cet épisode rappelle la déférence des médias au discours présidentiel et à ses éléments de langage.
Sans surprise, la même accusation en « complotisme » est lancée par l’Elysée et les commentateurs contre ceux qui s’opposent au consensus d’Etat. Comme l’écrit le sociologue Michel Maffesoli (1), « l’accusation de complotisme est une démonologie manichéenne dont la logique est de passer à côté de la réalité complexe ». « Complotistes » furent les opposants à l’Ordre sanitaire et à ses fausses certitudes sur les vaccins et le passe vaccinal. « Complotistes » sont aujourd’hui ceux qui alertent sur les dangers d’un fanatisme russophobe qui se rapproche d’une 3 ème guerre mondiale.
Cette pensée unique, politico-médiatique, insulte l’intelligence et le pluralisme. Hormis Le Figaro, aucun journal ne s’est fait l’écho de la Marche pour la vie qui a rassemblé, dimanche à Paris, plus de 10.000 manifestants. La presse s’est majoritairement réjouie, cette semaine, de l’interdiction définitive de la chaîne russe RT France, qui employait 77 journalistes. La direction générale du Trésor a en effet décidé de geler ses comptes bancaires. Or ce recours à la censure porte atteinte à la liberté d’expression. Il est vrai que la presse est peu sensible à cette dérive : elle n’était jamais venue, non plus, au secours du site France Soir quand le titre s’était vu retirer son agrément de presse en ligne, rétabli le 13 janvier par le tribunal administratif de Paris. France Soir est jugé coupable d’héberger les principaux opposants à la politique sanitaire, dont le professeur Christian Perronne dont le blanchiment par le Conseil de l’ordre des médecins n’a pas non plus été ébruité par les journalistes qui l’avaient conspué. Mardi, Libération (qui avait trouvé « plus que légitime » la censure de France Soir) s’est insurgé en une sur la sortie ce mercredi du film « Vaincre ou mourir » produit par le Puy du Fou, au prétexte que l’oeuvre ose rendre hommage aux Vendéens martyrisés par la République naissante. La pensée unique est un mur lézardé qui, encore protégé par des médias serviles, reste à abattre.
(1) Le temps des peurs, Editions du Cerf
Ivan Rioufol
Texte daté du 25 janvier 2023 et repris du blog d’Ivan Rioufol
https://fr.novopress.info/229718/la-pensee-unique-ce-mur-qui-reste-a-abattre-par-ivan-rioufol/