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Pas besoin d’être grossier pour « défendre le peuple ». La preuve par Lisette Pollet

Faut-il vraiment en faire des tonnes, surjouer bruyamment le sans-culotte (et surtout le sans-cravate), éructer des menaces de tricoteuse au pied de la guillotine, vociférer des anathèmes tel Robespierre à la tribune de la Convention nationale, pour prétendre représenter « le peuple » ? À la tribune de l’Assemblée, une discrète députée  de la Drôme, , vient de démontrer le contraire. 

Pas d’effet de manche, d’insulte, ni de petite phrase « buzzables » hors sujet, simplement une question au gouvernement : quid de la retraite des aidants ? « Monsieur le Ministre, s'occuper d'un parent invalide ou d'un enfant handicapé à domicile a généralement des conséquences importantes sur la carrière. En 2021, un Français sur six s'occupait d'un proche malade, âgé ou handicapé, selon une étude de la DREES. Or, du fait du vieillissement de la population, la nécessité des aidants va se faire de plus en plus criante. » De fait, l’hiver démographique n’aura pas simplement des effets sur le montant des cotisations retraite. Faute de descendance, la population des « aidants » potentiels, ceux qui suppléent le personnel médical, va se réduire comme peau de chagrin. Alors que le scandale du traitement de nos personnes âgées dans les EHPAD, mais aussi à domicile, fait rage, permettre aux aidants de l’être sans mettre en péril leurs propres vieux jours est essentiel. « Aujourd’hui, la solidarité nationale ne relaie pas encore suffisamment la solidarité familiale. Dans le contexte actuel de pénurie de professionnels, de nombreux proches deviennent aidants à défaut de meilleure solution. »

 sait de quoi elle parle : il a fallu toute la persuasion de Jordan Bardella pour convaincre cette secrétaire départementale devenue conseillère régionale de se présenter : elle était alors bien occupée car aidante pour son propre beau-père, accueilli dans sa famille après une expérience malheureuse en EHPAD. C’est aussi pour cela, nous confie-t-elle, qu'elle aura, le moment venu, beaucoup à dire sur le projet de loi sur la fin de vie. Elle est farouchement opposée à l’euthanasie : « Les personnes âgées se culpabilisent d’être une charge pour nous, mais il est bien normal de s’occuper d’eux, comme à l’autre bout de la vie, on s’occupe des bébés ! ». Pour elle, ce sont les soins palliatifs qui doivent être développés. Dans le même registre, elle fait partie des quelques rares députés qui ont voté contre la constitutionnalisation de l’IVG. 

« Lisette Pollet, l’anti-Rachel Keke » : il était tentant de titrer ainsi cet article. Mais ce n’est pas du tout comme cela que  se définit. N’essayez pas de lui faire proférer la moindre méchanceté contre Rachel Keke, ce sera peine perdue. Elle la défend même bec et ongle quand certains se moquent de sa façon de parler. 

Pourtant, le parallèle entre la réserve de l’une et le tapage autour de l’autre est frappant. Lisette Pollet, comme Rachel Keke, est issue de l’immigration. Son père, portugais - elle est née Lisette Dos Santos Francisco - est venu travailler comme tailleur de pierre en France. Comme Rachel Keke, elle a été femme de ménage. D’aucuns, s’amuse-t-elle, à cause peut-être du sobre tailleur qu’elle porte à l’Assemblée, glissent qu’elle « devait être cadre ». Mais non,  y tient : même si elle gérait un groupe d’intervenantes dont elle organisait le planning, elle a toujours eu, jusqu’au début de son mandat parlementaire, le statut d’employée. Lisette Pollet travaillait dans un établissement catholique de Valence et se souvient d’ailleurs avec amertume de la remarque d’une des religieuses lorsqu’elle s’est présentée aux élections. Celle-ci a arrêté brusquement Lisette Pollet alors qu’elle poussait son chariot : « Je ne vous imaginais pas comme ça ! » La sœur lui aurait-elle parlé de la même façon si elle avait été candidate à l’extrême gauche ? Pourtant, originaire d’un village près de Fatima,  est croyante. Si elle ne pratique pas, « elle prie ». Mais cette dimension-là, semble-t-il, n’a jamais intéressé quiconque dans ladite école privée. 

Par le même racisme social, la prendrait-on, du côté de , pour une ouaille égarée à ramener au bercail ? Une de ces « fâchées pas fachos » qui devrait « savoir », comme le disait Jean-Luc Mélenchon en 2017, que c’est « La France insoumise » qui « défend le peuple » ? Louis Boyard, qui n’avait pas salué Philippe Ballard, a serré la main de Lisette Pollet : « Vous vous êtes trompée de parti », a-t-il lancé au passage. Et Danielle Simonnet lui a même proposé de dîner avec elle, un soir où elle attendait ses collègues. Sans succès. Celle qui a dû démissionner, il y a quelques années, de son statut de déléguée du personnel CFDT pour adhérer au  se dit aujourd’hui inconditionnellement attachée à la personne de Marine Le Pen. C’est en 2014, « après avoir reçu un tract dans sa boîte », que cette ancienne électrice de Nicolas Sarkozy a basculé et, à l'écouter, elle n’est pas du genre girouette. 

Quant aux autres de ses collègues, inutile d’essayer de lui demander si elle a de bons contacts avec eux, elle ne veut rien dire pour ne pas les « griller ». Comme une lépreuse soucieuse de ne pas contaminer. Elle sait ce que coûte à un politique d’être dénoncé pour avoir frayé avec le  et ne veut nuire à personne. Le respect des autres semble être primordial pour cette taiseuse qui reconnaît avoir la personne de politesse plus facile que le tutoiement : elle dit même « vous » à son beau-frère, sourit-elle.

« Il est indispensable, Monsieur le Ministre, de reconnaître les efforts que fournissent [les aidants] et de réviser les critères d’attribution de l’assurance vieillesse aidant. […] Qu’attendez-vous pour porter la majoration à un minimum de 16 trimestres ? Je vous remercie. » C’est ainsi que  a conclu son intervention, ce mardi après-midi. 

N'est-ce pas insulter le « peuple » que d’imaginer qu’il faille être grossier pour le représenter ? La France bien élevée transcende les classes sociales. 

Gabrielle Cluzel

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