Jugé pénalement irresponsable
Le prévenu, âgé maintenant de 23 ans, souffrirait d’une « psychose paranoïde ». Trois ans après les faits, alors que trois experts psychiatriques ont conclu à l’abolition du discernement du prévenu au moment des faits : le mystère demeurera donc total autour des circonstances de ce drame. Une chose est pourtant certaine : le 12 mai 2020, à quelques kilomètres de Cherbourg, Jean Dussine est bien mort à son domicile sous les coups de son assaillant. Ce professeur à la retraite s’était engagé en faveur de l’association Itinérance d’aide aux migrants, organisation avec laquelle il avait porté secours à son meurtrier. Le jeune Afghan pourra, lui, bientôt quitter la maison d’arrêt où il est retenu en détention provisoire et, à la demande du procureur général, il sera hospitalisé en psychiatrie. Il écope seulement d’une interdiction de se rendre dans la Manche et de détenir une arme.
L’histoire tragique de Jean Dussine n’est pas sans rappeler celle du père Olivier Maire, assassiné par un réfugié rwandais qu’il hébergeait au sein de sa communauté, en août 2021. Connu des services de psychiatrie, le présumé meurtrier, Emmanuel Abayisenga, a de nouveau été hospitalisé pendant plus d’un an à la suite de son interpellation. Si une première expertise réalisée avant le meurtre du prêtre déclarait que les traumatismes passés du prévenu pouvaient altérer – et non abolir – son discernement, l’avocat du prévenu la considère caduque et réclame donc une contre-expertise. Celle-ci permettra-t-elle au réfugié rwandais d’échapper à ses procès ? Réponse en mars prochain.
Les mêmes causes produiront-elles les mêmes effets dans l’affaire du meurtre de Daniel, un septuagénaire poignardé à mort par l’Afghan qu’il logeait chez lui en novembre dernier ? Arrêté alors qu’il était en attente d’un transfert vers l’hôpital psychiatrique Sainte-Anne (Paris), le principal suspect a par la suite effectué un séjour en infirmerie psychiatrique pendant sa garde à vue. Sera-t-il reconnu lui aussi inapte ? Et qu’en est-il du meurtrier présumé de l’aide-soignant violemment tué à son domicile dans la nuit du 14 au 15 février ? En situation irrégulière, cet Afghan d’une trentaine d’années logeait chez sa victime jusqu’à cette terrible soirée. L’un des voisins le décrit, auprès de la presse locale, comme souffrant de « bipolarité ou de troubles de la personnalité ». Sera-t-il, lui aussi, jugé inapte ?
Sentiment d’injustice
À chaque fois, dans ces différentes affaires, des Français, dans un excès de générosité, ont ouvert leurs portes à des migrants (parfois en situation irrégulière). Et à chaque fois, ils ont payé le prix du sang. Mais pour la Justice française, « n’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ». Comme le meurtrier de Jean Dussine, il est possible que les suspects des autres affaires échappent également à leur procès.
En 2008, après un fait divers commis par un malade mental, Rachida Dati avait réussi à faire évoluer la loi pour instaurer une audience de déclaration d’irresponsabilité pénale. Malgré cette évolution, le sentiment d’injustice demeure…
Clémence de Longraye