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[Tribune] Les Français en colère, où va la République ?

Un récent sondage réalisé pour CNews révèle que 82 % des Français sont en colère. Très en colère pour 51 % d’entre eux, un peu pour 31 %. Seuls 17 % des Français ne le sont pas du tout. Voilà qui devrait inquiéter l’oligarchie qui gouverne ce pays. Il est à craindre qu’elle n’en ait cure car elle a pris depuis longtemps l‘habitude de passer outre la volonté du peuple.

Il arrive, en effet, que la volonté du peuple ne soit pas celle des princes qui nous gouvernent. Ainsi, le rejet du projet de traité de Constitution européenne en 2005, malgré la propagande médiatique quasi unanime (la campagne du oui avait été bien plus relayée que celle du non, 796 minutes de couverture contre 141 en six mois sur TF1 et France 2 [sources : Notre Europe, études et recherche, 2/11/2006]) et la mobilisation de tous les partis dits de gouvernement en faveur du texte. Nous savons ce qu’il en advint. Par un tour de passe-passe indécent, Sarkozy fit adopter par voie parlementaire un texte quasi identique (le traité de Lisbonne) à celui rejeté par les Français. Ce que n’ont pas mesuré les oligarques de France et d’Europe, c’est la profondeur de la perte de confiance envers la caste politico-administrative qu’à entraînée cette forfaiture. Et l’attitude d’ et de ses gouvernements n’a fait qu’aggraver les choses. La condescendance, le mépris technocratique, la volonté d’infantilisation trop visibles ont crispé une partie croissante de la population. Les propos du Président sur les gens « qui ne sont rien », les ouvrières « incultes » et autres maladresses ont offensé bien des Français et entraîné un rejet profond du monde politique dans son ensemble.

Le tohu-bohu au sein de l’Assemblée nationale, les outrances inacceptables de certains députés de la NUPES, les psychodrames de ceux de Renaissance, les bras d’honneur du garde des Sceaux n’ont fait que dégrader un peu plus l’image du monde politique qui, décidément, s’acharne à se donner une mauvaise image, hormis, par contraste, le Rassemblement national.

Le projet de , aussi mal ficelé que vendu, cristallise en fait une colère et un malaise plus profonds qui expliquent l’ampleur de la protestation. Dégradation du pouvoir d’achat, déclassement progressif de la classe moyenne, augmentation de l'insécurité, sentiment d’une menace diffuse pesant sur notre civilisation et nos modes de vie, impuissance d’un État pourtant le plus cher du monde, polarisation de l’oligarchie et des médias sur des questions sociétales marginales : tout concourt à donner à la majorité de la population que ceux qui nous gouvernent, ou font semblant de le faire, passent totalement à côté des vraies préoccupations des Français. Ou s’en moquent. La démocratie représentative est entrée en crise profonde pour la raison simple que les citoyens ne se sentent pas représentés par ceux qui sont censés le faire !

À cela s’ajoutent les actions bruyantes et violentes de minorités agissantes devant lesquelles les autorités politiques et « intellectuelles », souvent complices, démissionnent. Intimidations, violences, dénonciations sur les réseaux sociaux, tout est bon pour abattre « l’ennemi de classe » ou le pseudo-« fasciste ». Ainsi peut-on, en toute impunité, tenter de ruiner une librairie à Nancy, arracher et briser le micro d’un journaliste de Boulevard Voltaire, empêcher des professeurs ou des intellectuels de s’exprimer dans telle ou telle université (Klaus Kinzler à Sciences Po Grenoble, Sylviane Agacinski à l’université de Bordeaux Montaigne, professeurs ne pouvant plus enseigner la Shoah…). Dans un esprit un peu similaire, tel ou tel groupe musical refuse de se produire dans telle ou telle ville en raison de l’orientation politique de la mairie, voire dans tel ou tel établissement en fonction des choix politiques du propriétaire, ce qui est le droit du groupe en question, mais ajoute des campagnes sur les réseaux sociaux pour nuire à la commune ou à l’établissement concernés, ce qui relève de l’intimidation totalitaire.

Dans cette France éclatée, divisée, où l’oligarchie gouvernante ne sait plus se tenir et ignore jusqu’au sens de la notion de bien commun face aux revendications des minorités ou des individus, la République glisse-t-elle vers la révolution ? À l’évidence, malgré l’échec universel et sanguinaire des révolutions marxistes-léninistes, certains rêvent encore du « Grand Soir », ce moment où, selon Lénine, « l’incendie de la révolution » se répandra sur le monde. D’autres se rassurent en disant qu’il n’y a pas de révolution sans chef. Erreur, la Révolution française a éclaté sans vraie direction et a démontré que lorsque le courant révolutionnaire se déchaîne, il est difficile de le canaliser. Quand viendra le chaos, y aura-t-il des personnalités capables d’éviter le pire et de redresser la nation ?

Stéphane Buffetaut

https://www.bvoltaire.fr/tribune-les-francais-en-colere-ou-va-la-republique/

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