Michel Festivi
Notre fringuant ministre de l’intérieur, Monsieur Gérald Darmanin, vient récemment de défrayer la chronique dans un entretien au JDD en dénonçant le « terrorisme intellectuel d’’extrême-gauche », accusant aussi JL Mélenchon de vouloir faire la révolution. Sur Europe 1 il a même évoqué : « le rouleau compresseur d’une partie de l’extrême-gauche » qui fait preuve de « terreur intellectuelle », rajoutant : « l’extrême-gauche joue un rôle très dangereux aujourd’hui dans notre pays ».
Il attaque (enfin) la Nupes et son leader : « l’extrême-gauche essaie d’avoir par le désordre ce qu’elle n’a pas pu avoir dans les urnes… Monsieur Mélenchon est passé de pompier pyromane à pyromane tout court … Monsieur Mélenchon a un projet : c’est la Révolution. » (Cf le Figaro du 2 avril 2023).
Mr Darmanin a totalement raison dans son analyse, mais pourquoi alors, se tire-t-il en permanence une balle dans le pied, en réservant tous ses coups aux militants nationaux et aux mouvements qui refusent l’immigration sauvage et massive ? D’autre part, au sein même de l’exécutif, on ne semble pas apprécier ses propos, comme Clément Borne par exemple, le ministre des transports, qui a choisi lui de s’exprimer dans Libération, tout un symbole, et qui veut « continuer à travailler avec les forces politiques de gauche. » Fermez le ban !
Jean Sévillia, en réponse à Gérald Darmanin, apporte son expertise aux journalistes du Figaro le 4 avril sur cette notion du terrorisme intellectuel de l’extrême-gauche, lui qui a été l’auteur d’un livre remarqué en 2000 : « le terrorisme intellectuel. De 1945 à nos jours », chez Perrin.
Jean Sévillia fait remonter ce terrorisme intellectuel des gauches à l’après-guerre et explique que la gauche s’est alors « assimilée au camp du bien », « reléguant la droite au camp du mal ». Car dit-il, tout ce qui n’est pas de gauche est susceptible d’être fasciste, et De Gaulle lui-même a été accusé d’être fasciste.
Sa démonstration est juste, mais largement insuffisante et incomplète. Tout d’abord, il n’insiste pas assez sur le fait qu’une grande partie de la droite et du centre s’est ralliée à la gauche en faisant sienne sa doxa de « l’antifascisme ». En France par exemple le « pas d’ennemi à droite », n’a jamais pu s’imposer, le contraire toujours, sur ce même fondement. Or le socialisme nazi et fasciste sont morts en 1945, pas le communisme.
Mais qui plus est, ce terrorisme intellectuel des gauches, sous le couvert de « l’antifascisme », remonte à bien plus loin. On peut le dater très clairement du mois de novembre 1933, où les droites espagnoles, regroupées dans la CEDA, ayant très largement remportées les seules élections législatives non frauduleuses d’alors, ce sont vues refusées par le Président de la République Niceto Alcala Zamora qui était plutôt centriste, et les gauches vaincues emmenées par Manuel Azaña et Largo Caballero, la possibilité d’obtenir la direction du gouvernement et même le moindre ministre, et ce en contradiction totale avec la constitution de décembre 1931. Lorsqu’en désespoir de cause, en octobre 1934, José Maria Gil Roblès, le chef de la CEDA, réussit après moultes demandes pacifiques à décrocher trois sous-ministères, les gauches qui s’y étaient préparées, ont immédiatement enclenché la révolution armée dans tout le pays et singulièrement dans les Asturies pour liquider leurs opposants au nom justement de « l’antifascisme ». C’est ce que j’ai expliqué, documents à l’appui, dans mes trois livres publiés aux Editions Dualpha : Les trahisons des gauches espagnoles en 2021, l’Espagne ensanglantée en 2022, et Miguel Primo de Rivera, qui vient d’être publié.
D’ailleurs, dans les mois qui suivront, Staline décidera de changer radicalement de tactique, et ordonnera à tous les partis communistes, de pratiquer des politiques dites de « Front populaire », ce qui réussira en Espagne, puis en France. Il fallait « se cacher » derrière le vocable de « l’antifascisme » pour mieux tromper « les progressistes » ou les catholiques. En Espagne, trois as de la propagande communiste stalinienne, Willy Müzenberg, Otto Katz et Ilya Ehrenbourg réussiront, au-delà de toutes leurs espérances, à tromper les gogos des gauches dites modérées, pour faire croire aux démocraties occidentales que les communistes défendaient désormais la liberté et la république, et ce en plein procès de Moscou ! Cf, de l’auteur, L’Espagne ensanglantée pages 235 à 247. André Gide, grâce à un voyage dans la patrie des prolétaires, ouvrira les yeux et sera l’un des rares intellectuels de l’époque, avec George Orwell, à critiquer vertement l’URSS et les ignobles procès qui s’y déroulaient, contrairement par exemple à la Ligue des Droits de l’Homme qui restera muette, pour ne pas désespérer Billancourt.
En réalité, les Nupes et autres organisations d’extrêmes-gauches, ne font que reprendre les mêmes techniques de leurs prédécesseurs léninistes et staliniens. Toujours cette constance dans l’histoire, qu’il faut impérativement connaître pour comprendre le présent. Comme l’explicitera courageusement l’Historien gallois de gauche Burnett Bolloten dans son livre magistral, La guerre d’Espagne-Révolution et contre-révolution (1934-1939) publié par les éditions Agone en 2014 : « Lorsque j’ai commencé à écrire sur la guerre civile et la révolution en 1936, en tant que correspondant britannique de l’United Press, j’étais très influencé par la propagande du parti communiste, de même que beaucoup d’autres journalistes qui soutenaient la République, et qu’il me fallut plusieurs années pour m’affranchir des désinformations et des mensonges qui encombraient ma pensée. »
Pendant combien de temps encore, notre droite molle et nos centristes amorphes, se mettront enfin à ouvrir les yeux sur la réalité politique et historique que je viens de décrire pour changer leur logiciel et se débarrasser du politiquement et historiquement correct ? C’est toute la question.